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    [Entraînement 11] Gunnthrá par Nina Andersen Lun 12 Juin 2017, 22:36
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes








    Entraînement 11 ♦ Gunnthrá – Partie 1
      Isolation.


    Chacun sa méthode pour se remettre d’un événement frappant. Quand certains y faisaient face avec un aplomb sans faille, d’autres trouvaient le moyen d’oublier, à l’écart de tout ce qui pouvait rappeler leur désarroi. Pleurer, ne plus parler, ne plus voir personne, ou autant de moyens de fuir que d’individus le désirant.

    Nina, elle, avait choisi de s’isoler. Dès le petit matin, quand elle avait rencontré Mugetsu au détour d’un couloir, l’homme avait à peine eu le temps de lui adresser un bonjour amusé qu’elle avait pris ses jambes à son cou, tête basse, honteuse de son comportement devant Mutsegu, le double maléfique. Incapable de lui faire face tant la honte d’avoir perdu ses moyens – ou de s’être perdue elle-même – à Vega la rongeait.

    Que lui était-il donc passé par la tête pour fraterniser ainsi avec un illustre inconnu, disons-le, parfaitement ridicule ? Cet homme, pis, avait fait présent à la jeune femme et son acolyte, Liesel, d’un effet des plus atroces. Ses cheveux. Ses deux seuls misérables cheveux, dont la simple existence répugnait Nina au plus profond d’elle-même, enfin, moins que le fait d’en être la destinataire. Pourtant, l’intention derrière était littéralement pathétique, non ? Au sens littéral. Un cadeau à l’attention de précieux amis.

    Précieux... Amis... Tout dépendait pour qui. La fierté naturelle de Nina étouffait ses efforts entrepris pour être plus sociable, ne fut-ce qu’un peu.

    D’où sa présence dans la mine d’électrolithe. La mage se sentait mieux, entourée de pierres et de bruits crépitants, que sur Ouroboros à risquer de croiser le Maître ou Liesel de nouveau, faisant remonter la moindre réminiscence de cette mission qu’elle brûlait d’oublier. La nuit dernière, elle avait bien tenté d’en éloigner ses pensées au contact d’Hendrik mais, au moment présent, elle ne voulait pas de compagnie. S’entraîner dans cet environnement lui était toujours aussi bénéfique mais elle ne pouvait compter que sur elle-même pour reprendre du poil de la bête ; depuis sa convalescence, elle n’avait pas eu beaucoup d’occasions de s’entraîner et son laxisme lui avait causé bien du souci, à... Vega. Outre la honte, évidemment.

    Concentrée, Nina se tenait debout sur un sol jonché de faibles lueurs, petites paillettes reflétant les arcs électriques alentours. Composées intégralement d’aethernium, leurs propriétés tranchantes et explosives n’avaient rien à envier à d’autres matériaux. Cette limaille grossière commença à se lever, lentement, docilement, jusqu’à entourer Nina au point qu’elle disparût sous un nuage argenté.

    Ses paupières closes l’aidaient à ressentir autour de son corps le moindre centimètre carré de métal. Le nuage se mut à gauche, à droite, encore à gauche en énorme serpent diffus. Lorsque l’on distingua de nouveau la jeune femme, il fut évident que la grotte entière était parée du dangereux manteau.

    Elle ouvrit les yeux et tout détonna ! La surcharge aethernanique produisit une explosion en chaîne dans toute la grotte, épargnant Nina autour de laquelle plus un débris métallique ne se trouvait. Des volutes blanches émanaient du parcours éruptif, traçant de belles arabesques évoquant le sceau d’Aeternitas. De quoi arracher un sourire satisfait à la mage, persuadée de l’efficacité de sa nouvelle défense adaptée au combat rapproché. Heureusement pour elle, aucun demi-Démon taquin n’était sur place pour lui rappeler à quel point ses rictus la rendaient effrayante, parfois.

    Sans rien pour rompre sa lancée, pas même les battements de son cœur dus au bruit assourdissant que l’écho lui avait porté, Nina réunit sa limaille et la rangea en lieu sûr. Elle tendit vivement les bras vers l’avant pour recueillir l’électricité des roches alentours qui, mêlée à la sienne, d’un bleu clair similaire, produisit une sphère intense. Scindée en deux, dupliquée telle deux cellules, chaque fille enroba une main de Nina. Laissant son instinct prendre les commandes, ses cheveux s’envolèrent, battant l’air, et la foudre autour d’elle se libéra.

    Afin de s’approprier cette magie encore nouvelle, la pire des idées aurait été de s’en remettre uniquement au terrain ou juste attendre, faire du cas par cas. Elle l’avait fait pour le magnétisme, c’était vrai, mais qui à Rinnovo et à cette époque la voulait morte, si ce n’étaient les charognes stellanes ? Or, elle leur souhaitait tout autant, voilà pourquoi il lui fallait redoubler d’efforts.

    L’électricité la parcourait à une intensité telle que si elle n’avait été sienne, si Nina ne l’avait pas apprivoisée, de son corps aurait émané, au terme d’une courte agonie, une odeur de viande grillée malheureusement peu appréciable en ces circonstances.

    La sphère se réunifia si vite, pris tant d’ampleur en si peu de temps, que sa taille d’abord triplée puis quintuplée, sextuplée, atteignit le plafond de la mine en une poignée de seconde. Enfin, à première vue. Pour parler plus proprement, là où l’électricité était la plus dense, formant comme un noyau, le diamètre ne dépassait pas la moitié de la hauteur sous plafond. En revanche, l’aura électromagnétique crépitant tout autour enveloppait les lieux avec acrimonie, titillant les roches réceptives à une pareille force au point de les attirer sans ménagement. Au plus haut degré de concentration de Nina, ce qui pourrait ressembler à une vue d’artiste d’un électron devait bien atteindre les dix ampères d’intensité. Probablement de quoi anéantir un mage expérimenté s’il ne se défendait pas mais autant l’avouer... c’était rare.

    À la première goutte de sueur qui roula de son front, Nina se concentra plus encore afin de réunir toutes ses forces dans un balayage de l’air avec sa main droite, propulsant l’électron gigantesque contre une paroi. Comment espérer ne pas la briser, avec une telle puissance ?

    Tout s’arrêta quand Nina réalisa l’endroit au sein duquel elle se trouvait, comme si l’intensité de sa concentration lui avait fait oublier que tout pouvait s’écrouler. Ses cheveux tombèrent et ses genoux flanchèrent, de la même manière que l’on est pris de vertiges en se relevant trop brusquement. Il était peut-être l’heure de prendre une pause, finalement. La première goutte de sueur n’était plus seule, désormais.

    « Si seulement mon corps était aussi rapide et vif que ces éclairs... » soupirait-elle intérieurement.

    Mais pour l’heure, le repos s’imposait. Lorsqu’elle trouva un rocher presque plat et à peine poussiéreux – bien qu’elle ne manquât pas de recouvrir la surface d’une chute de tissu –, la jeune femme s’assit élégamment, attacha ses cheveux coulant le long de son dos dans un état qu’elle trouvait déplorable et astiqua le collier de sa mère, maintenant qu’elle avait décidé de le porter en permanence.

    Il était environ midi, l’heure de déguster le repas qu’elle avait préparé hâtivement avant de partir. Dans la boite hermétique se trouvaient une salade de concombre au pavot et quelques morceaux de porc au caramel sur un lit de riz blanc on ne peut plus moelleux. Qui aurait cru, quelques années auparavant, que Nina, si difficile en termes de nourriture, si tatillonne sur la qualité tant de la cuisine qui lui était servie que du cuistot qui l’avait préparée, serait un jour derrière les fourneaux ? Pire, n’y serait pas trop mauvaise ? Elle-même n’y aurait pas songé, alors n’importe qui d’autre... Quoi qu’il en fût, l’heure de déguster avait sonné !

    Enfin... sans compter sur la secousse faisant vibrer la mine tout entière, à peu de choses près. Le bruit sourd d’un éboulement retentit même jusqu’aux oreilles de Nina, plusieurs fois à cause de l’écho, et la surprise valut à la salade de concombre de rencontrer le sol terreux. Il était peu conseillé de la ramasser, à moins de particulièrement bien discerner le pavot des minuscules cailloux dorénavant incrustés dans la chair.

    Frappée, la jeune femme se tourna vers l’origine de l’éboulement, craignant d’en être l’instigatrice. Des roches noires ou bleues jonchaient les abords d’un mur qu’il lui sembla reconnaître. Un instant de réflexion donna du crédit à cette impression ; Zélos était tombé ici, la dernière fois qu’elle était venue s’entraîner dans la grotte, avec Hendrik. À en croire les grognements qui s’échappaient des rocs un peu trop mobiles, ainsi que les quelques mèches désordonnées d’une crinière rouge en piteux état, Nina n’était pas au bout de ses surprises...

    « Encore toi ? »

      Tiens donc...


    La masse sanguinolente s’extirpa de l’éboulement sans aide et, de toute manière, au vu de son état, Nina ne lui en aurait pas donné. Tant qu’il pouvait se tenir tout seul... Loin d’elle l’idée de l’abandonner à son triste sort sous prétexte qu’elle l’avait déjà aidé une fois, néanmoins.

    Lorsque Zélos revint totalement à lui, hors de danger, il remarqua que des iris similaires aux siens lui portaient un regard particulièrement perturbant, savant mélange de dépit et d’interrogation.

    « Mademoiselle Nina !
    — C’est mademoiselle, maintenant ? » questionna l’intéressée.

    L’homme tourna sur lui-même telle une tornade pour ressortir de son manège propre sur lui, parfaitement recoiffé, avec une rose entre les dents. Il adressa un clin d’œil charmeur à Nina qui se contenta de lui rendre une expression blasée, avant que la pauvre fleur ne finisse complètement grillée par un éclair tout à fait innocent.

    Essuyant une larme de crocodile, Zélos s’avança vers Nina, doté d’un petit sourire un peu gêné, finalement. Mine de rien, il n’avait pas oublié son caractère, la brutalité de sa verve, comprenant bien qu’elle ne le portait pas dans son cœur. Et c’était dommage, pensait-il, car elle dégageait une certaine prestance, une certaine force, qu’il trouvait très inspirante et qu’il jalousait peut-être un peu.

    « Tu... vas bien ? C’est étonnant de se retrouver une nouvelle fois ici ! se risqua-t-il, sachant que dans le pire des cas elle se contenterait de le snober.
    — Je vais bien, merci. »

    Une telle perspicacité le fit soupirer. Au moins avait-il essayé. Nina, qui se trouvait ici pour s’isoler en premier lieu, pestait intérieurement de la proximité du mage qui ne semblait pas comprendre son envie de solitude. Concrètement, elle ne détestait pas le pauvre bougre, mais il s’était avéré très bavard et très pénible, tout comme sa voix nasillarde – bien que terriblement plus expressive – lui rappelait Queen. Parfait exemple de personne qu’elle aurait préféré effacer de ses souvenirs, entre autres.

    Le regard de Zélos quitta le sol poussiéreux pour se braquer sur un détail, sur le corps de Nina, qu’il avait vu sans réellement s’en apercevoir. La jeune femme eut un mouvement de recul quand elle crut qu’il regardait sa poitrine ! Mais...

    « Ce collier, Nina... Où l’as-tu eu ? s’enquit Zélos, d’un coup très sérieux.
    — Mon co... (Elle porta sa main au bijou comme pour le protéger, s’inquiétant du ton, plus grave, qui ne ressemblait pas à ce qu’elle avait vu de l’homme jusqu’à présent.) C’est le seul héritage que j’aie de ma mère. »

      Un souhait.


    Zélos progressa d’un pas de plus vers Nina, lentement, qui recula d’autant.

    « Sais-tu depuis combien de temps je suis à sa recherche ?
    — Non et peu m’importe ?
    — Ce pendentif est nécessaire à la quête que j’entreprends depuis maintenant deux ans. Tu n’en savais rien ? »

    Non. Elle n’avait aucune idée de la provenance exacte de ce collier, si ce n’était sa propre mère. Lorsqu’Emyr lui avait transmis, le fantôme n’avait rien précisé à ce sujet. La jeune femme se résigna à écouter Zélos, même en restant catégorique sur un point : elle ne lui donnerait jamais ce bijou.

    « Je cherche des lieux mystiques, des poches dimensionnelles au sein d’une bulle liée à notre monde. Comme une ruche, si tu veux. Cette dimension s’appelle Hvergelmir et chacune de ses huit alvéoles constitue une épreuve. En sortant victorieux de l’une d’entre elles, son esprit, son Élivágar, nous octroie un sceau. J’ai obtenu mon troisième ici, d’ailleurs. Tu auras sûrement compris, mais l’objectif est de les réunir afin d’ouvrir le cœur du Hvergelmir, là où notre vœu sera exaucé. Ton collier est la clé sans laquelle les huit sceaux sont inutiles. » résuma le mage.

    Nina comprenait mieux l’importance du pendentif aux yeux de Zélos. L’issue de sa quête lui permettrait réellement de voir son souhait réalisé ? N’importe lequel ? Bien que sceptique sur ce sujet, elle comprenait que l’on puisse le désirer.

    « Si tu ne peux pas me donner ton collier, Nina, que dirais-tu de venir avec moi ? Ton aide me serait très précieuse, et pas seulement pour le collier ! Tu as l’air suffisamment forte pour m’accompagner... »

    C’était peut-être un peu bête, mais cette perspective, son évocation même, n’avait pas traversé l’esprit de l’électromancienne. Le temps qui s’était écoulé entre sa rencontre avec Liesel et la première mission qu’ils avaient effectuée ensemble avait été considérable et quand bien même, si l’ordre confié par Mugetsu n’avait pas porté le nom du jeune albinos, elle n’aurait jamais songé à partir avec lui. Là, pourtant, Zélos Wilder, quasiment inconnu mais déjà trop agaçant au goût de la jeune femme, lui demandait expressément de le rejoindre dans un périple mystique aux quatre coins du globe.

    Zélos, lui, ne croyait pas en un dieu quelconque mais priait qui voulait bien l’entendre. La voix d’un païen contre l’insignifiance de sa personne dans le monde de Nina. Si seulement elle pouvait accepter, se disait-il en permanence, comme s’il espérait qu’une télépathie se crée entre eux...

    « Je comprends tes motivations mais je suis mage au sein d’une guilde, Zélos. J’ai un travail et au-delà de ça, qu’ai-je à gagner en partant avec toi ? Chaque fois que je t’ai vu ici, tu es sorti de ce donjon couvert de blessures, ou même au bord de la mort et rien ne me prouve que ce n’était pas pire les fois précédentes. Cette histoire ne me regarde pas et... je ne suis pas prête à sacrifier mon collier ou ma vie pour le vœu d’un inconnu. »

    Elle était ferme. Qui était cet homme qui lui demandait de risquer autant pour l’aider ?

    Une petite voix persistait en elle, bien qu’elle l’étouffât, la reniant. Ne s’était-elle pas dit cela le jour où Mugetsu était venu la chercher à Rinnovo ?

    Sa fierté l’empêchait de se contredire. Elle préférait se borner dans ce qu’elle estimait juste tant qu’elle ne s’était pas ordonné elle-même de changer d’avis.

    Zélos fixait le sol de la mine avec déception tandis que Nina se rasseyait pour commencer, enfin, son repas. Tacitement, elle l’incitait à partir mais que faire ? C’était la clé de ce pourquoi il se battait depuis deux ans déjà, et trop de raisons lui interdisaient d’abandonner.

    Mais il tourna les talons. Nina le vit partir, tête basse, et s’en accommoda tout à fait. Pourtant, si elle écoutait bien, une pointe de remords la chatouillait de l’intérieur. Peut-être qu’elle se rendait compte que ses mots, ces maux, n’étaient pas bénins. Ce pauvre homme suivait son propre chemin, après tout. Elle ne le connaissait pas bien... Ce n’était pas le cas pour qui que ce fût d’autre, d’une certaine manière. Jusqu’alors rivée sur ses morceaux de viande pas encore entamés, Nina soupira et se reprit. Sa fierté s’écarta. Elle allait rattraper Zélos ; un moyen de conciliation devait exister.

    Ou peut-être pas.

      Que... ?!


    Projetée contre le mur le plus proche, Nina s’étouffa tant le choc fut rude. À peine le temps d’apprécier la situation qu’une sphère lumineuse l’enveloppa ; la seconde suivante, plaquée au sol, elle était incapable de bouger. Son dos se marquait de la pointe des graviers pressés contre sa peau au-delà de ses vêtements. La surprise l’empêcha de réagir pendant plusieurs secondes alors que Zélos fusait sur elle, la main tendue en direction de la chaîne autour de son cou. L’injection d’une grande quantité d’aethernanos dans ses bras permit à Nina de les lever et saisir son poignet qu’elle utilisa comme appui. Lorsque sa roulade de côté cessa, la force passa dans ses jambes et elle se releva, haletante, avant de bondir en arrière.

    Zélos la fixait. Iris déterminés, avec la fermeté d’un mage sachant comment se battre et pourquoi. Offensée, Nina dépoussiéra ses vêtements et son visage avant de rendre à son adversaire un regard noir.

    Sans un mot, il bondit, droit sur Nina. Ses jambes semblaient puissantes mais la mage était encore incapable d’identifier son pouvoir. Une chose était sûre, il misait bien plus qu’elle sur le combat rapproché.

    Elle évita son assaut d’un nouveau bond en arrière mais cela ne fut pas suffisant. Zélos se trouvait juste devant elle, le coude replié, la main totalement plate. Tout allait trop vite pour Nina qui reçut une explosion de magie de plein fouet, partant de nouveau fraterniser avec les parois rocheuses de la mine.

    Pour se reprendre, elle détailla en vitesse le visage de Zélos que la fatigue altérait. Son petit manège ne faisait pas oublier à son corps l’épreuve qu’il avait subie dans ce fameux donjon du Hvergelmir. Il avait pour lui seulement son expérience, dont Nina pouvait sentir qu’elle était bien supérieure à la sienne. Elle, en revanche... avait l’environnement en sa faveur. Elle se devait d’en tirer profit.

    Son corps disparut dans un cocon d’aethernium. La technique qu’elle venait de mettre au point serait expérimentée plus tôt que prévu... Le nuage s’estompa pour reprendre son engluage autour de Zélos. D’une main, elle contrôlait son serpent de limaille ; de l’autre, une boule d’électricité parait son poing. Tant pis si elle faisait sauter la grotte.

    Au premier mouvement de Zélos, les débris l’écorchèrent. La tornade s’intensifia autour de lui sans rien lui faire désormais : sa peau s’était parée d’une pellicule aethernanique, réflexe défensif propre à chaque mage. Il traça finalement un cercle face à lui, les mains à plat, avant d’écarter les bras. Une bulle bleutée se manifesta autour de lui, le protégeant. La limaille explosa sans lui porter le moindre dommage. Le poing de Nina se resserra. Tout autour de lui était paré de ce manteau translucide, la rendant incapable d’ouvrir sa dimension de stockage à l’intérieur de cette zone. Combien de temps pourrait-il la maintenir ?

    Nina avança à pas lents, armée d’un Akvarel à chaque main. Des rochers s’évadaient du plafond alors que Zélos maintenait, tant bien que mal, sa protection, attendant le moment idéal pour une feinte. Ne quittant pas une seule seconde la jeune femme des yeux. Mais elle eut une idée.

    Ses deux sphères électriques frappèrent les parois de la mine déjà en train de céder, pour moitié. Si certains rocs tombaient sur Zélos, sa défense était encore suffisamment puissante pour l’en protéger.

    Mais elle céda. Et à ce moment, Zélos fondit sur Nina, imaginant qu’elle avait fait l’erreur de s’approcher de lui. Cette pensée s’avéra erronée lorsque les rochers électromagnétiques formèrent avec brutalité une prison autour de lui. Prison de laquelle le cri d’un homme s’échappa avant de s’évanouir. Lui avec.

      Un peu de répit.


    Nina prit tout de même le temps de reprendre son souffle avant de progresser vers les décombres. La mine était solide, tout de même, car les deux mages n’avaient pas été enterrés vivants ! L’heure n’était cependant pas à la louange de deux vies épargnées ou même aux félicitations pour un combat victorieux. Zélos, jonchant le sol de tout son long, était prioritaire.

    Elle hésita, pour tout avouer. Elle n’y faisait pas confiance, mais de là à l’apparenter à un ennemi... Certes, il n’aurait jamais dû l’attaquer en lâche. Comment diable s’attirer la sympathie de quelqu’un de la sorte ? Surtout qu’elle était prête à trouver un compromis avec lui car sans être la meilleure des samaritaines, Nina n’était pas un monstre pour autant. Quelques minutes tracèrent leur route alors qu’aucun des deux mages ne bougeait, trop occupés à mettre ses pensées en ordre pour forger sa décision ou... à être évanoui.

    * * *

    Mushur, plus précisément son auberge, accueillait Nina pour la deuxième fois. La tenancière Maïva, bien qu’un peu lente à s’en rendre compte, la reconnut et, constatant la présence instable d’un homme familier et ensanglanté sur son épaule, lui offrit le gîte et le couvert à moitié prix.

    Alors, depuis de longues heures, assise sur un fauteuil un peu trop confortable au chevet de celui qui occupait ses pensées un peu trop longtemps à son goût, Nina lisait. De temps à autres, elle discutait avec Sirius, lui demandant conseil.

    « De toute manière, tu sais bien que je suis là pour te protéger, hm... Aurais-tu tendance à l’oublier en ce moment ? Tant que je serai là, tu ne mourras pas. Sauf si c’est moi qui te tue, murmura lascivement Sirius.
    — Mais même par principe ! rétorqua Nina sans rebondir sur la taquinerie. Il m’a attaquée, planté un couteau dans le dos. J’allais lui tendre la main.
    — Je ne veux pas prendre sa défense mais écoute, je me suis renseigné sur ce fameux Hvergelmir. C’était difficile car personne n’est vivant pour parler de son expérience. Par contre, les écrits sont plus bavards et évoquent subtilement les positions d’une ou deux failles dimensionnelles par-ci, par-là. L’empreinte magique que j’ai relevée dans la mine, je la connais bien maintenant : Asgard.
    — Asgard ? Tu veux dire que cet endroit serait lié à mes runes ? Quelles pouvaient être les limites de cet homme, enfin... ? Je comprends mieux pourquoi les ancêtres le considéraient comme un dieu.
    — Et pas seulement tes runes. Liesel est lié à une de ses créations, également. Si tu veux mon avis, son sang angélique n’était pas le seul vecteur de son pouvoir. Inversément, si tel était le cas, le tocard serait terriblement puissant de nature.
    — Puissant, il l’est déjà...
    — Ne se prononce pas. »

    Amusée de la mauvaise foi de Sirius, Nina se leva du fauteuil avec une pointe de regret pour approcher Zélos, toujours endormi. Elle le regarda de haut en bas, parcourant d’abord son visage assoupi avant de descendre sur son torse pansé à bien des endroits. Comme la jeune femme était à l’origine d’une bonne partie de ses blessures – bien qu’elle y eût été contrainte –, elle s’était chargée, comme pour faire dire à ses actes qu’elle n’était pas méchante dans l’histoire, de soigner ses plaies.

    Il était musclé. Un peu comme Hendrik, moins marqué toutefois. Ses traits étaient plus fins de manière générale. Quelques cicatrices par-ci ou par-là démontraient un passé fait de combats. Le précédent, d’ailleurs, avait été ardu et pourtant, il avait opposé un Zélos usé à une Nina baignée de son élément de prédilection. L’issue du combat aurait été tout autre si le premier avait été au meilleur de sa forme.

    Peu après, le repas arriva directement dans la chambre que partageraient les deux magiciens – Nina trouvait le fauteuil suffisamment confortable pour faire une exception et dormir dessus. Alors qu’elle avait déjà fini sa part, Zélos ne s’était toujours pas réveillé. Elle soupira en recouvrant le bol de ragoût de papier aluminium. Il l’aurait demain.

    « Ni... na ?
    — Qu’y a-t-il, Sirius ?
    — Depuis quand es-tu aussi attentionnée ?
    — Tu fais bien de le dire. Si un jour je m’inquiète pour toi, je me souviendrai de ta remarque et ravalerai mes préoccupations. »

    L’être psionique grommela et Nina, après s’être assurée que Zélos dormait toujours, sourit doucement et souffla un baiser dans les airs.

    * * *

    Forcément, aussi confortable le fauteuil fut-il, celui-ci n’offrait pas les meilleures dispositions pour s’endormir. Il préférait donner des courbatures et Nina subissait les frais d’un tel égoïsme. Une bonne douche chaude l’aida néanmoins à effacer tout souvenir physique de sa nuit. Sur le plan psychique, elle ne pouvait malheureusement rien faire pour empêcher son cerveau de se remémorer cet étrange rêve...

    C’était une femme lui ressemblant comme deux gouttes d’eau. Parfois même, il s’agissait de la principale actrice de ce songe qui lui avait fait visiter une salle aux immenses miroirs. Tantôt elle était Nina, tantôt cette femme. Au fil du temps, elle avait fini par l’appeler "maman". Mélinoée, ainsi identifiée, portait le collier qu’Emyr avait offert à Nina peu avant.

    Rien de plus. Le sentiment d’un bouleversement dans sa propre identité comme seul résidu.

    Mais peu importa lorsqu’un mugissement peu subtil s’échappa du drap, dans la chambre. Zélos venait de se réveiller. Nina aspergea son visage d’eau glacée, la saison ne se prêtant définitivement pas à la chaleur, et vérifia qu’elle était bien coiffée avant de se rendre au côté de la pauvre victime.

    « Bien dormi ?
    — Moui... »

    Il était à voir, le pauvre homme, tout endormi ! Nina détourna le regard ; il était trop mignon. Elle tenait à préserver sa contenance. Alors elle s’assit, sur le même fauteuil qu’elle avait déjà côtoyé des heures. Il était environ dix heures du matin, nul besoin d’allumer quelque lampe que ce soit pour lire aisément.

    Les minutes s’accélérèrent puis, lorsque le silence devint trop pesant, semblèrent aussi lentes à passer qu’une procession de chenilles.

    « Je suis désolé, Nina, murmura la voix nasillarde d’un Zélos penaud.
    — Tu peux.
    — Hm... (Son ton changea brusquement et se teinta d’enthousiasme.) En tout cas, on peut dire que j’étais classe, n’est-ce pas ! Le Grand Zélos soigne les apparences, hahaha !
    — Jusqu’à présent, la seule chose qui ait été soignée c’est toi. Par moi.
    — C’est d’autant plus appréciable, sourit-il en s’affalant sur son oreiller. Enfin je crois... » murmura-t-il, excessivement bas.

    Il comprit vite qu’elle n’était pas plus touchée par sa petite scène que par la mort d’un moustique.

    « Nina, je...
    — Zélos, j’ai réfléchi. J’accepte de t’accompagner dans ta quête. (Elle sembla lister les quelques raisons qu’elle avait bien voulu se donner, dans un coin de sa tête.)
    — Euh... Genre... C’est pas une blague ? Tu ne dis pas ça pour te venger ou quoi que ce soit ?
    — J’ai l’air de plaisanter ? demanda une voix trop grave pour appartenir à Nina.
    — N-Non madame !
    — Je me dis que ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée... Je veux devenir plus forte, enfin, je le dois, plutôt. Cela me fera un excellent entraînement en tant que mage. Peut-être aussi en tant que personne... ajouta-t-elle plus bas, presque embarrassée. Dans les livres, les quêtes de la sorte sont signes de grandes aventures et le personnage principal en ressort grandi. Je me disais que peut-être j’avais été... un peu sotte en imaginant que cela ne pouvait rien m’apporter. (Nina marqua une pause, se frotta l’arête du nez pour faire croire que son rougissement léger n’était pas dû à la honte et repris de sa voix claire.) Mais ne te méprends pas, je ne fais pas cela pour toi ! Je ne te fais toujours pas confiance et au premier geste de travers que tu feras envers moi... S-Sache que je serai impitoyable. »

    L’on eut cru entendre un vague "même pas peur"... mais tout le monde peut se tromper.

    Zélos s’étonna d’un tel changement de ton. La bouche entrouverte qui lui donnait un air circonspect se ferma au profit d’un grand sourire tant il semblait heureux.

    Au-dehors, une fois les deux mages prêts à faire face au soleil radieux inondant les terres minstréliennes d’une chaleur mortifère, le périple pouvait commencer. Un rapide topo s’imposait avant tout, mais Zélos ne voulait pas parler du Hvergelmir en public. Au fond de lui, il craignait même de faire erreur en se confiant à Nina, mais... Il était trop tard pour faire marche arrière. Et puis, il n’était pas forcé de tout lui révéler, n’est-ce pas ?

    Dans un coin du village, une boîte de boulettes de poulpe chacun – Zélos les avait offertes en souvenir de leur rencontre, face à l’indifférence la plus totale de la jeune femme –, le plan de route se traçait.

    Il ne savait pas pourquoi mais l’Élivágar de la foudre lui avait indiqué la localisation du prochain donjon. Depuis le début de ses recherches, il y a deux ans, il n’était parvenu à en trouver que trois de lui-même, ce qui était beaucoup si l’on se référait à la taille d’Humanitas. Il avait procédé en solitaire, sans l’aide de personne. Localiser la mine d’électrolithe avait été facile mais trois mois auparavant, il en avait passé dix à obtenir le sceau de l’eau, à Enca. Sans parler du seau de glace d’Iceberg. Si l’Élivágar n’avait pas été le plus puissant face à la magie martiale de Zélos, dénicher l’emplacement de la faille dans les glaciers les plus froids du pays n’avait pas été de tout repos.

    « Elle était puissante, bien entendu. C’était la première fois que je combattais un ennemi pareil, je n’avais pas l’habitude ! Enfin... Je l’avais perdue, plutôt.
    — Il est vrai que tu sembles expérimenté en tant que combattant. Faisais-tu partie d’une guilde ? »

    Curieusement, Nina se découvrait une forme d’intérêt pour les histoires de Zélos. Il avait bien plus voyagé qu’elle, seul, et semblait voir vécu beaucoup d’aventures. Sans personne avec qui les partager.

    « Je faisais, oui, répéta l’homme d’une voix mélancolique, dégageant une pointe de douleur. Un bon temps.
    Quoi qu’il en soit, c’est du passé. On se croit plus puissant que la nature quand on a tout juste dix-huit ans. Le problème survient lorsque... cette stupidité persévère un peu trop.
    — Tu as raison... La fougue nous pousse à prendre des risques. Ce n’est qu’une fois qu’ils deviennent des faits et qu’ils nous blessent que l’on comprend à quel point nous étions dans l’erreur.
    — On dirait que tu l’as vécu, Nina.
    — Ce n’est pas important. »

    Ne tenant pas à parler d’elle plus que de raison, l’intéressée coupa court à la conversation pour se concentrer sur l’objectif suivant dans la quête du Hvergelmir. Il était futile de tisser un lien alors qu’il se romprait sitôt le vœu exaucé. D’ailleurs, peu lui importait d’en connaître la nature. Tant qu’elle récupérait son collier à la fin...

    Le pire dans cette histoire était la distance séparant Mushur de la chaîne volcanique de Caelum où devait se trouver le prochain Élivágar. De quoi remplir un calendrier de ratures et avoir le mal de mer huit fois ! Même par la voie des airs c’était déjà trop, pour peu que l’on ait un meilleur ami spécialisé dans les voyages à grande vitesse qui nous aie donné de mauvaises habitudes.

    « Ferme les yeux et donne-moi la main. Surtout, ne pose aucune question. »

    Complètement déboussolé par une telle demande de la part de Nina, Zélos, s’exécuta avec un temps de retard. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il s’en alla dégobiller au détour d’un arbre. D’un village ils étaient partis, dans une plaine ils avaient atterri. Au beau milieu des panoramas parmi les plus beaux de Caelum ! Enfin selon beaucoup de guides touristiques.

    Et ils avaient peut-être raison. Quand les volcans éteints ne s’étaient pas encore découverts du manteau blanc de leur dernier hiver, le seul s’avérant être toujours en activité se distinguait par une surface presque noire. Il semblait s’accaparer la chaleur des environs si bien qu’aux alentours de l’immensité que cette masse imposait au paysage, la neige faisait profil bas. Pouvait-on dire, même, que la simple notion de neige fût inconnue.

    Quant à la ville, à un couple de kilomètres de leur position actuelle, au bord d’une rivière, d’un lac et juste au pied du volcan, il sembla aux mages qu’elle était la seule trace, bien définie, de présence humaine ici-bas. Enfin, jusqu’à ce que Nina repère un village éparpillé à l’entrée d’une gorge, un peu plus à l’Ouest.

    « C’est l’Ouest ?
    — C’est l’Ouest. Tu peux me faire confiance : je suis une véritable boussole humaine. » assura la mage du magnétisme en s’arrachant un sourire en coin.

    * * *

      On commence à se connaître...


    Chaîne volcanique

    En moins d’une heure de marche le long de sentiers fleuris, au bord d’étendues végétales aux couleurs chatoyantes, à quelques mètres à peine d’arbres fruitiers sauvages peut-être mieux nourris par les bienfaits du sol que leurs homologues de culture, Nina et Zélos parvinrent au terme du pont séparant la ville d’un précipice.

    Ce dernier était certain que le prochain donjon se trouvait ici, à Toliman. L’entrée par laquelle ils étaient passés leur valut un brin de marche dans la banlieue de la ville. Sans forcément y prêter grande attention, il ne semblait pas qu’il se fût agi d’une cité déplorable, tant sur le plan politique qu’économique. Mais l’entrée dans le centre-ville fut moins aisée que la simple traversée d’un pont et d’une arche. Bien plus grande que la précédente, la porte séparant le cœur de Toliman de sa banlieue cachait un point de contrôle des identités. Était-elle sujette à une menace pour ressentir la nécessité d’une telle formalité ?

    Nina présenta scrupuleusement son nom au garde las. Moins elle avait à le donner, mieux elle se portait. Hormis s’il s’agissait d’une cible à abattre, rien ne garantissait sa sécurité après coup... À ce moment, elle pesta, déplorant pour la première fois depuis qu’elle l’avait prise sa décision d’accompagner Zélos.

    Remarque, ce passage obligé par les registres avait éclairé Nina quant à l’identité de son compagnon de route. Le garde n’avait même pas cillé à son nom, signifiant qu’elle ne marchait pas au côté d’un mage noir connu ou un quelconque criminel recherché. En Caelum, du moins.

    Une fois le centre-ville à portée de pied, les mages se rendirent, avec l’aide de quelques citadins accostés aimablement par Zélos, vers le dôme du bourgmestre local. Il fut décidé par la même occasion que l’homme aurait la charge des discussions aimables avec les inconnus lorsque Nina n’aurait pas envie d’exploiter ses vagues talents d’actrice.

    Le bourgmestre n’était pas un homme bien aimable. Haut comme trois pommes, sa tête dépassait amplement les standards humains en termes de proportions. Il était particulièrement antipathique et c’était grave si même Nina le pensait, elle-même faisant partie du cercle des Hommes aux apparences peu cordiales.

    Mais peut-être avait-il au moins une tête bien pleine, à défaut d’être bien faite ? Il semblait en tout cas très occupé, si bien que Nina et Zélos eurent à patienter une heure dans la salle d’attente sans rien obtenir en retour. Si seulement l’accès au volcan n’était pas impossible sans autorisation de sa part... La mauvaise humeur de la jeune femme commençait à pointer le bout de son nez quand Zélos toucha son épaule pour lui montrer le stand d’un traiteur artisanal. Midi à l’horloge sonnait l’heure du repas pour les deux estomacs qui ne rechignèrent pas à payer cher pour déguster ses produits.

    Pas bien dépensière, Nina commençait à accumuler un certain pécule, digne d’un mage ne payant pas de loyer. Le nigaud à ses côtés parvenait à limiter ses dépenses aux vivres, aux toits et aux tournées générales dans les tavernes qu’il visitait... Si tant est que l’on pût parler d’économies, il réussissait à vivre de cette manière.

    « Puisqu’apparemment notre rendez-vous avec le bourgmestre est pour demain, que dirais-tu de faire un tour en ville avant de choisir un hôtel ? demanda le Grand Zélos, gambadant gaiement, son risotto dans une main et sa fourchette en plastique dans l’autre.
    — Tu y tiens ? Je n’aime pas trop visiter les villes lorsque je ne suis pas seule.
    — Quoi, tu détestes tant que ça la compagnie des gens ? Quelle autosuffisance, je suis bouche bée ! »

    Il tenta de passer son bras ganté autour de ses épaules avec une moue admirative, mais elle avança promptement d’un pas de géant.

    « Je ne suis pas très douée pour discuter quand je n’ai rien à dire. Contrairement à certains. »

    Zélos poursuivit sa route, une traînée de larmes rayant ses deux joues et des flèches transperçant son cœur de part en part. “Ce que les femmes sont cruelles“, pensa-t-il théâtralement.

    Finalement, le jeune homme laissa Nina devant la taverne de l’auberge choisie pour la nuit. Elle put payer la chambre et y déguster la fin de son livre, L’étrange Prophécie des Mamayas, roman d’aventure humoristique. Elle riait peu, Nina. Mais les ouvrages de Theserin Médédir savaient comment contourner le balai élégamment coincé quelque part en elle. C’était peut-être la seule personne, hormis Sirius ou Dirk, qui était capable de lui provoquer un fou rire ! Son style était léger et bien tourné, mais aussi un peu burlesque, sans parfois se prendre trop au sérieux. Nina lisait chaque page comme une émotion nouvelle.

    Justement, Zélos entra dans la chambre aux alentours de vingt heures. Alors qu’il allait troquer son expression neutre contre un visage jovial et un grand sourire...

    « Me voilà, Nin-... Ah... Nina ? Tu as besoin d’aide ? » hésita-t-il, circonspect.

    Devant lui la jeune femme, genoux au sol contre l’un des deux lits de la pièce, affalée sur le matelas. Sa tête enfouie dans un bras replié, un livre ouvert dans l’autre tendu, elle semblait victime de spasmes incontrôlables. Enfin, jusqu’à ce qu’elle remarque la présence de Zélos dans la pièce... Quand elle le vit, ne sachant pas s’il devait rire nerveusement ou se retenir – rattraper son erreur s’il s’était avéré qu’elle pleurait aurait été très compliqué –, elle devint aussi rouge que ses cheveux et perdit tout sourire. Combien de hontes allait-elle avoir à subir, encore, avant que le monde ne soit satisfait ?

    « Tout va, hum, bien ? »

    Mais elle avait déjà disparu dans la salle de bain.

    * * *

    by Nina

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    Re: [Entraînement 11] Gunnthrá par Nina Andersen Lun 12 Juin 2017, 22:43
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes








    Entraînement 11 ♦ Gunnthrá – Partie 2
      Santé !


    « ... Tu as oublié tout ce que tu as vu, j’espère ?
    — Euh, ouais, on dira ça... Nina, trois bières pareilles d’affilée c’est peut-être beaucoup, no-
    — As-tu seulement idée... (Elle se redressa brusquement et fixa Zélos, les yeux humides et la bouche rougie par l’alcool.) ...de l’état de ma fierté ces derniers temps ?! Jamais je n’ai eu à subir de pareilles hontes...
    — Mais sur quel plan, au juste ? Je croyais que tu ne te souciais pas de l’opinion des autres, souligna l’homme en confisquant la chope fraîchement déposée par le tavernier. Tout le monde a ses travers, hein...
    — Tu as beau dire, ça ne t’a pas empêché de rire de moi, tout à l’heure...
    — En fait tu n’es pas autosuffisante, tu as juste un ego surdimensionné, soupira Zélos avec un sourire gêné au coin des lèvres. Détends-toi un peu, t’étais juste en train de rire, c’est pas...
    — Mais ça ne me ressemble paaaaas ! » bouda la... chose qui se faisait passer pour Nina en récupérant violemment sa bière.

    Zélos rit nerveusement, incapable de trouver les mots pour que cela cesse. Bah... Le fallait-il vraiment ? Après tout, se raccrocher à sa fierté témoignait d’un certain amour-propre. Au moins, il était sûr que Nina en avait. Soufflant un peu, il reprit la bière alors qu’elle avait le dos tourné, amusé de cette femme qu’il n’aurait jamais cru voir se comporter de la sorte. Elle était dotée d’une telle confiance en elle, en ce qu’elle était, que le moindre changement dans ses convictions était trop lourd à supporter. Pourtant, c’était ainsi que fonctionnait l’évolution. Un état, une habitude, un chamboulement, et tout reprenait. Quand certains redoutaient les chamboulements... d’autres, comme lui, attendaient qu’ils surviennent. Ou l’espéraient.

    « Elle me rappelle l’héroïne d’un de mes livres, votre amie. »

    Juste à côté de Zélos, une silhouette dominait et de celle-ci était provenue cette voix profonde. Un grand homme aux cheveux blancs vaguement en pagaille regardait, de ses petits yeux amusés, la jeune femme grisée affalée sur la table. Son habit blanc et ample, son étrange cape rouge et l’épée à sa ceinture témoignaient d’un combattant.

    « Il n’y a plus de table libre pour un homme seul, ici. M’accepteriez-vous à la vôtre ? »

    Il semblait serein. Zélos acquiesça, à l’aise avec ce genre de situation. L’homme, plutôt mature, disons une quarantaine d’années, commanda un grand verre de rhum-glaçon. Quand Nina émergea, peu après, se demandant pourquoi son acolyte parlait tout seul, elle fut frappée.

    « Enchanté, Zélos ! (Il tendit son immense main pour une poignée.) Je s-...
    — The... Theserin Mérédir... ? se risqua une petite voix un peu plus forte que prévu.
    — Tiens, Fëanor se réveille ! »

    Theserin Mérédir

    Zélos ne comprenait pas l’origine de ce nom mais voyant que Nina ne bougeait plus d’un cil, la bouche entrouverte et les yeux figés, il se dit qu’elle avait dû saisir la référence. Mais au-delà de ça, comment pouvait-elle connaître cet homme ? Celui-là, en revanche, avait bien compris qu’il ne lui était pas étranger. Aussi s’était-il permis de placer sa référence !

    Nina ouvrit sa dimension de stockage et entre ses mains apparurent un livre et un petit feutre.

    « Vous êtes devenu mon auteur préféré avec ce roman, monsieur Mérédir... murmura Nina.
    — L’héroïne débute dans le même état d’esprit que vous. S’identifier aux personnages est une clé pour apprécier une œuvre. En tout cas, je suis ravi par votre compliment, hahaha ! »

    Il prit les affaires des mains de Nina et commença à tracer le mot "Pour" sur la première page de l’ouvrage. Nina lui donna son prénom avant même qu’il eût besoin de lui demander, ce qui l’amusa, quoi qu’il le fût encore plus en contemplant le regard plein d’étoiles de la jeune femme sur l’autographe une fois celui-ci terminé. Zélos, lui, se sentait intrus.

    « J-J’ai honte de me présenter ainsi devant vous... paniqua Nina parlant seule plus qu’à Theserin Mérédir.
    — Comme vous ne semblez pas partager la référence, Zélos, laissez-moi vous expliquer brièvement. Fëanor est l’héroïne de mon roman La Statue. C’est une jeune femme tellement fidèle à ses principes qu’elle refuse catégoriquement de changer. (Il remarqua que celle qu’il comparait à son personnage était trop occupée à lustrer son exemplaire dédicacé qu’à écouter son résumé.) Mais elle fera une erreur si immense que tout son monde s’écroulera autour d’elle. Pour tout reconstruire, il faudra qu’elle prenne sur elle et accepte ce qu’elle a toujours refusé. J’étais un peu comme ça dans ma jeunesse, alors...
    — Alors vous savez à quel point changer est diffri... fi... difficile, c’est ça ? bafouilla Nina, sa troisième bière complètement vide. Moi, moi j’y arrive... (Elle bâilla et hoqueta en même temps.) pas... »

    Hilarité générale autour de la table, en toute bienveillance, lorsqu’elle s’affaissa – avec un "bong !" – sur l’épaule de Zélos au point d’en manger ses cheveux – quelle idée d’avoir autant de mèches rebelles, aussi !

    « Je pensais qu’elle buvait des bières à 10 en connaissance de cause... Le Grand Zélos est décidément tombé sur trois perles ! Une femme bizarre, un grand écrivain et une bière miraculeuse ! (Il frappa la table de sa propre chope après l’avoir vidée d’une traite.) Tournée générale, mes amis !! » clama-t-il.

    * * *

      What’s happening ?


    Heureusement ou pas, l’auberge se trouvait au bas du bâtiment administratif. Comme c’était là que les sentinelles effectuaient leur rapport à chaque tour de ronde, il n’était pas rare de voir passer quelques individus discrets dans les rues à cette heure de la nuit. Il l’était déjà plus de les entendre, voilà pourquoi tout le monde fut surpris de se trouver réveillé par les cris d’un homme un peu trop paniqué.

    Quand Zélos émergea de son sommeil, il ne s’attarda pas sur le grabuge. Néanmoins, lorsque l’homme étrange annonça le chaos, il préféra s’avancer à la fenêtre. Nina gémit, réveillée, quand il passa près d’elle. Son mal de crâne l’empêcha de se lever tout de suite. Elle préféra maudire l’origine de son réveil alors que, pour l’instant, tout ce dont elle avait besoin était de dormir. Elle se résigna toutefois à parler entre quelques jurons nains.

    « Qu’est-ce qu’il se passe ?
    — Il vient annoncer la fin du monde je crois...
    — Sans rire. Sérieusement, Zélos ?
    — Je ne rigole pas tant que ça, pour le coup. »

    Avec difficulté, Nina finit par quitter son lit, titubant un peu mais prenant bien soin de le cacher au maximum. Le bougmestre était dans la rue, à quelques mètres de l’auberge, reconnaissable entre mille à cause de sa tête, en robe de chambre. Les deux mages échangèrent un regard fatigué mais entendu et l’un puis l’autre se hâtèrent vers la salle de bain pour en ressortir proprement vêtus.

    Un véritable attroupement s’était formé autour du bourgmestre et de la sentinelle paniquée ayant réveillé la moitié du quartier. Nina avait la chance de résister assez bien à la gueule de bois, voilà pourquoi elle ne trébucha pas même quand des malotrus la poussaient pour mieux assister à la scène. Elle ne se gênait pas pour leur écraser les pieds en retour.

    Un peu plus en amont se tenait Theserin. Nina le remarqua sans mal car il devait bien mesurer une tête de plus que la plupart des hommes alentours. Elle tira Zélos par la manche et se rapprocha, sans rien prétexter pour répondre aux voix qui s’élevaient, à croire que les personnes se trouvant ici prenaient l’événement pour le spectacle d’une superstar. Elle reprit une certaine forme de contenance avant d’adresser la parole à l’écrivain, ne se rappelant qu’à moitié de ce qu’elle avait fait la veille au soir, après l’avoir vu. Tout ce qu’elle voulait, c’est qu’il ne crût pas qu’elle était une ivrogne.

    « Que se passe-t-il, monsieur Mérédir ?
    — Tiens, Zélos, Nina ! Cet homme prétend que le chaos s’est installé dans les sources thermales de la ville. Les tuyaux crisseraient, des voix retentiraient, aiguës et ricaneuses, l’eau bouillirait toute seule... Bref, il est persuadé que les lieux sont hantés. »

    Le bourgmestre n’y croyait guère mais ce n’était pas le cas de beaucoup autour de lui. Comme Toliman était célèbre pour ses sources, nombre craignaient de ne pas y être en sécurité si des esprits frappeurs avaient réellement pris possession des lieux.

    Theserin s’avança mais à ce moment précis, Zélos éleva la voix pour demander au bourgmestre qu’il l’envoie aux thermes, avec Nina bien entendu. Il les présenta comme des mages, ce qu’ils étaient. Le macrocéphale sembla se souvenir de leurs visages mais les détailla tout de même, comme s’il eut été capable de sonder leur magie sans en dégager une once lui-même. Il appela un prête essoufflé qui venait de parcourir l’assemblée, laquelle avait déjà perdu en volume depuis l’évocation d’une tentative de résolution.

    Ce jeune homme semblait encore adolescent. Pas bien assuré, la lumière de la lune seule suffisait à remarquer ses joues rougies par un effort exceptionnel et ses bégaiements n’aidaient pas à lui accorder beaucoup de crédibilité. Il était paré d’une robe noire de clerc, on ne peut plus banale, et entouré de plusieurs fioles que Nina prenait à raison pour de l’eau bénite.

    « Il s’appelle Lewis, présenta l’administrateur. Je ne pensais pas que l’Église enverrait ce freluquet mais puisqu’il en est ainsi, c’est avec lui que vous irez enquêter. Entre nous... instigua-t-il en prenant Nina, Zélos et Lewis à l’écart des badauds, je ne crois pas en cette histoire de fantômes mais rien ne doit ternir l’image de la ville, c’est compris ? Nous sommes les premiers thermes de Caelum et si la moindre chose vient ternir notre réputation... Bref, allez-y, mages, et vous serez récompensés. L’exorciste vous y emmènera, il connaît le chemin. »

    * * *

      Le canal


    Sur la route jusqu’au pied du volcan, par-delà le pont de l’Est, Nina s’était abstenue de demander à Zélos ce qui lui avait pris en les proposant pour résoudre cette affaire. Lewis, bien qu’aux apparences inoffensives, n’avait pas à se mêler de leurs conversations. Elle avait donc attendu qu’il s’éloigne pour ouvrir le portillon menant au canal d’acheminement de l’eau thermale.

    Il n’avait pas agi simplement à l’instinct, en réalité. Quoi de mieux que s’attirer les bonnes grâces de la ville pour obtenir ce qu’ils voulaient ? En l’occurrence, l’accès au véritable volcan Majoris, seul encore en activité à cet endroit de la chaîne mais surtout plus gros de tout Caelum.

    Pour essayer de détendre l’atmosphère, Zélos racontait des blagues – enfin, il parlait tout seul. Sauf quand Nina riait mais essayait de le cacher parce que, tout de même, il serait bête qu’elle devienne plus sociable. De temps en temps, il prenait Lewis par les épaules pour tenter de sympathiser, ne fut-ce que pour la durée de l’enquête, mais celui-ci semblait si réticent au contact physique qu’il donnait l’impression de tomber en lambeaux sitôt frôlé.

    Fallait-il le comprendre. Un tel lieu n’aiderait personne à se sentir à l’aise enfin, personne d’inapte à se défendre en cas d’attaque. Des tuyauteries s’échappaient effectivement certains sons peu rassurants, des bruits de raclement comme une craie sur un tableau noir, ou n’importe quel morceau de fer sur une plaque rouillée. D’ailleurs, parlons-en de ces tuyaux. Larges comme deux hommes, ils se tapissaient de lichen et laissaient filer de l’eau chaude, fumante même, permettant la formation de flaques dans lesquelles il était impossible de ne pas marcher. Plusieurs valves rubigineuses tournaient seules... mais s’arrêtaient sitôt qu’on regardait dans leur direction.

    Nina mena vite la marche, Zélos particulièrement proche d’elle. Lewis sanglotait au point qu’on l’entendît probablement dans l’ensemble du réseau d’acheminement. L’exorciste était un trouillard, personne n’était dupe et certainement pas lui-même. Néanmoins, concernant Zélos...

    « Ne me dis pas que tu as peur ?
    — Disons que je ne suis pas rassuré. Tu peux te moquer de moi, si tu veux, ricana-t-il, une goutte de sueur roulant de son front à l’entente d’une fuite de vapeur sur son passage.
    — Pas besoin. Continuons plutôt... J’entends du bruit par là-bas. »

    Se concentrer sur les sons normaux comme le clapotis des chaussures sur le sol ou le claquement des dents de Lewis permettait de penser à autre chose qu’au paranormal. En revanche, personne n’avait rien pour palier le froid qui s’immisçait dans les vêtements de chacun. Le lieu obstruerait même le sens du goût si l’odeur de renfermé ambiante pouvait s’apparenter à un quelconque aliment. Ou une boisson qui aurait moisi comme un œuf de cent ans. Qui, ou quoi, pouvait bien se trouver ici et surtout à cette heure-ci ? À moins d’être conscient de la patrouille des sentinelles ici tout au long de la nuit, n’importe qui aurait choisi un autre endroit pour semer le bazar.

    Le duo de héros, et Lewis, arrivèrent dans la salle de la cuve. Ici, l’eau brûlante des sources volcaniques était recueillie le jour comme la nuit, surtout pour alimenter la piscine privée des habitations favorisées ou des suites de luxe du cœur de Toliman.

    Mais personne n’avait anticipé l’humidité excessive de l’air comme à l’intérieur d’un hammam. Les torches s’éteignirent l’une après l’autre jusqu’à plonger le groupe dans la pénombre, seulement rompue par les voyants lumineux témoignant de l’activité de la cuve de refroidissement. Lewis libéra un cri aigu quand l’air devint glacial autour d’eux l’espace d’une seconde. Des ricanements retentirent. Peut-être le lieu était-il bien hanté... ?

    Nina, qui pourtant avait fait preuve du plus de hardiesse au sein de ce petit groupe, commençait à s’inquiéter. Il fallait trouver un moyen de faire de la lumière, quelle qu’en soit la manière... En théorie. Car lorsque Sirius lui rappela, amusé, sa petite technique de bioluminescence, elle aurait tout donné pour ne pas avoir à la mettre en œuvre. Quitte à mentir. Mais ce n’était pas dans l’intérêt de la quête pour le Hvergelmir...

    Elle se souvint, comme une providence, des seuls propos de Theserin Mérévir qu’elle avait encore en mémoire : sa comparaison avec Fëanor Hume, l’héroïne de son premier roman. Elle se souvint de la morale de l’histoire. À quoi bon être aussi bornée et égoïste ? Nina s’éclaira, mordant sa lèvre néanmoins, car prendre sur elle fut une bonne idée mais restait difficilement applicable. L’effort moral était plutôt considérable...

    Personne ne rit. Elle mit du temps à intérioriser ce fait.

    « UN FANTÔME ! cria Lewis, paniqué.
    — Ce n’est que moi, crétin !
    — Nina, il a raison... Haha, il y a, genre, vraiment un fantôme. Devant. Pas qu’un, en fait. » hacha Zélos en reculant d’un pas.

    Face à eux brillaient une dizaine de formes blanches, se focalisant petit à petit jusqu’à ce que l’on puisse discerner de véritables silhouettes humaines. Tout éthérées néanmoins, celles-ci n’en étaient que plus inquiétantes. L’entité le plus au-devant prit la parole mais des murmures persistaient dans l’assemblée, plus loin.

    « L’un de vous est-il le nouveau bourgmestre ? Je ne l’ai jamais vu, je n’ai connu que l’autre. »

    Zélos ne pipa mot, Lewis pleurait. Si Nina n’avait pas eu l’audace de s’avancer, le menton relevé, pour répondre à l’esprit, qui sait si les deux ne se seraient pas enfuis face à la harde menaçante. Il était vrai que le ton de leur présumé meneur n’était pas des plus légers. La jeune femme avala sa salive plus difficilement que d’ordinaire. Elle connaissait l’existence des fantômes maintenant, sans pour autant être avertie de leurs capacités.

    « Aucun de nous, monsieur. Par contre c’est lui qui nous envoie, comme la sentinelle en patrouille ce soir l’a alerté. Une certaine pagaille, apparemment. Il disait que le lieu était hanté. Je constate que...
    — Nous occupons ces lieux, mademoiselle, mais sachez que si vous êtes avec le bourgmestre et ses actions, nous ne serons pas longtemps face à face de manière très pacifique !
    — Ne vous avancez pas trop ! Il nous envoie car nous étions là au moment opportun. Je vivrais mal le fait de m’acoquiner de la sorte. Il semble si aimable...
    — Tu parles qu’il est aimable, c’est un assassin ! »

    Ne prêtant attention à rien d’autre qu’aux fantôme et à ses pensées, douloureuses, mine de rien, à cause des restes d’alcool, Nina se concentrait pour ne pas prononcer le mot de travers.

    « Nous sommes un corps révolutionnaire, mademoiselle.
    — C’est ironique de la part de spectres, murmura Zélos, amusé, mais regrettant aussitôt d’avoir laissé courir ses pensées hors de son esprit.
    — Tais-toi sombre idiot, grogna Nina, tout bas.
    — Peu importe, il a raison. Nous sommes des fantômes. »

    Il disparut.

    Zélos se colla derrière Nina lorsqu’il réapparut promptement face à lui, à une poignée de centimètres à peine de son visage, le regard menaçant. La jeune femme tenta de se déloger en reprenant la discussion avec le porte-parole, lui demandant d’exposer leurs revendications. Après tout, il était vrai que rien n’avait été promis au bourgmestre... Sinon Lewis, ils étaient libres d’agir comme bon leur semblerait après avoir écouté les rebelles éthérés.

    « Vous êtes-vous déjà baignés dans les thermes ? L’eau volcanique doit être particulièrement attrayante... Oh, non, elle l’est même complètement. Minéralisée, tonifie la peau, prévient les rhumatismes ou détend, tout simplement. Mais aussi, elles tuent.
    — Et vous...
    — Nous y sommes morts. Chaque année quelqu’un nous rejoint ; les pires nous en donnent deux de plus. Et rien n’est fait, pardi ! L’eau est si chaude qu’elle tue les baigneurs aux conditions les plus fragiles sans même qu’ils s’en rendent compte. Ceux qui s’endorment facilement, par exemple, comme cette fillette. » grommela-t-il en pointant l’intéressée.

    L’eau était parfois moins refroidie que le vantaient les panneaux publicitaires des thermes. Pour des raisons de notoriété, bien évidemment. D’ailleurs, chaque mort qui survenait n’était jamais officiellement due aux erreurs de régulation de la température. Il ne manquerait plus que ça ! Non, cela ternirait bien trop la réputation de la ville. Ainsi, le précédent bourgmestre mais son fils et successeur également, pour des raisons personnelles de fierté familiale, avançaient certains fantômes, préféraient faire savoir que les victimes s’étaient aventurées trop près de la source pourtant interdite au public. Rejeter la faute sur un volcan encore en activité était pratique, somme toute, car jamais il ne chercherait à se défendre.

    « Et comme nous n’avons pas de tombe, puisque je rappelle, hein, qu’on est censés être morts dans le volcan, pesta un fantôme très vindicatif, bah on est là, comme des cons, enfermés ici ! Alors on se fait entendre un peu comme on peut. Bien sûr, les gens prennent ça pour des hallucinations ! Et le bourgmestre envoie ses sbires de la cathédrale pour taire les preuves, sinon c’est pas drôle !
    — J’ai déjà rencontré un fantôme il y a peu de temps... expliqua Nina en invitant le révolutionnaire à plus de calme. Nous allons rentrer voir le bourgmestre et lui expliquer la situation. Vous n’aurez pas fait tout cela pour ri-... »

    Dans un hurlement, un mugissement plutôt, l’esprit disparut, ne devint que fumée et s’évapora. Le sol était mouillé au-dessous. Lewis, en sueur et pantelant, tenait une fiole vers l’avant.

      Mais kessifou ?!


    Les spectres s’affolèrent, prenant l’acte pour une trahison. Comment les convaincre que l’action irréfléchie de l’exorciste n’avait aucun lien avec Nina et Zélos alors qu’ils fondaient sur le groupe, bien décidés à leur faire violence ?

    Nina n’avait pas l’intention d’utiliser sa magie, pas même pour se défendre alors qu’autour d’elle le décor flanchait. Les tuyaux se perçaient, l’on aurait pu croire seuls ; les eaux immobiles se mettaient à bouillir. En guise de défense, elle intima à Zélos de la suivre et de ne surtout pas contre-attaquer. Lewis était assis dans un coin et ses larmes n’étaient peut-être pas le seul fluide s’écoulant contre son gré. Il fallait trouver un moyen de l’approcher, l’empêcher d’utiliser de nouveau son eau bénite ! Mais sans se servir de magie. Si les fantômes étaient capables de capter le mouvement des aethernanos, ils prendraient chaque fluctuation pour une nouvelle agression.

    Zélos ne pouvait pas bouger, entouré de volutes blanches, spectrales et glaciales, tournant autour de lui comme s’il était l’œil d’un cyclone. Néanmoins, il persistait à observer le paysage alentours pour dénicher un objet susceptible de l’aider... Là !

    L’exorciste lançait des fioles ouvertes.

    « Nina, à tes pieds ! »

    Lorsque l’intéressée capta l’alerte, un segment de tuyauterie rouillée et déchirée racla le sol, résonant parmi les cris des morts, et se posa à quelques centimètres d’elle. Sans se soucier de la nuée de fantômes fondant sur elle au premier mouvement qu’elle fit pour l’attraper, elle put s’en saisir rapidement. Zélos ne lui avait clairement pas donné cette arme pour se défendre.

    L’objet fendit cette fois les airs avec toute la puissance que la jeune femme eût été capable d’insuffler. Alors qu’une giclée d’eau bénite semblait prête à partir... Lewis tomba sur un grand gong, inconscient. L’agitation cessa rapidement et les fantômes se tournèrent vers Nina, surpris.

    « Comme je le disais, vous n’aurez pas fait tout cela pour rien... haleta Nina sitôt l’adrénaline redescendue.
    — Camarades, posa tranquillement le meneur de troupe. Souvenez-vous du visage de cette femme et vous, mademoiselle, retenez bien cela. Les canaux d’acheminement des eaux du mont Majoris pourrait bien transporter autre chose que de l’eau si de nouvelles morts venaient à survenir. Quelque chose comme de la lave, par exemple. »


    * * *

      SOS d’un bourgmestre en détresse


    « Enfin le problème, monsieur, c’est que vous n’avez pas le choix. »

    Plus les choses allaient, plus Zélos sentait le sentiment d’inutilité s’intensifier dans son cœur. Nina se chargeait du dialogue depuis le départ sans lui laisser l’opportunité de prendre la parole. En réalité, c’était plutôt qu’il n’en saisissait aucune de peur de dire une bêtise et recevoir une énième fois le regard dur de la jeune femme. Ou juste parce qu’il se sentait inférieur en termes de verve. À l’écouter parler, à observer ses mimiques et les expressions de son visage, elle savait tirer profit du désavantage de son interlocuteur pour diriger la conversation. Jusqu’à présent, quand elle s’était trouvée en position de faiblesse, cela n’avait pas duré plus de quelques secondes.

    La manière dont elle appuyait sur les mots forts pour rappeler au bourgmestre à quel point il était en tort outrepassait facilement les arguments de celui-ci. Et qu’étaient-ils sinon la protection de l’honneur familial ?

    « Un homme politique, un administrateur, un dirigeant, doit différencier sa vie privée et sa vie publique mieux que quiconque. Vous n’êtes pas là pour vous mais pour la ville. Faites au moins l’effort de distinguer ces deux choses pour justifier ne serait-ce que votre salaire ou la confiance que vous a porté la reine en vous assignant à ce poste. »

    La faute aux techniciens ?

    « Eh bien à votre place, j’aurais honte d’être si mal informé du travail de mes employés. Ne vous fichez pas de moi, s’il vous plaît. »

    Il était essentiel pour la notoriété de la ville de garder secrets ces incidents, sans quoi les thermes voisines, et rivales, s’accapareraient les touristes ?

    « J’aimerais bien savoir à quel jeu de société vous jouez, l’après-midi, plutôt que travailler sur des plans pour rendre les thermes viables. Quand on est à votre place, il est irresponsable de se contenter de repeindre les vieux murs pour les faire sembler neufs. »

    Sans parler de sa défense concernant le coup porté à Lewis, le jeune clerc, doté de trois points de suture à la tempe. Le bourgmestre n’avait rien proposé pour justifier l’attaque de l’exorciste alors que les pourparlers se déroulaient correctement. Rien de légitime, tout du moins.

    Finalement, Zélos, assis sur sa chaise, se disait qu’elle était bien meilleure que lui dans un domaine qu’il pensait pourtant maîtriser : la parole. Il soupira, amusé, d’une certaine manière. Puis il se mit à tourner sur sa chaise pivotante, testant les positions les plus aérodynamiques.

    « Eh bien soit. Je ferai donc appel à, hum... des gens haut placés bien connus de votre reine pour lui transmettre vos déboires. Je suis certaine qu’elle saura agir en conséquence.
    — Évidemment, vous ne me citez aucun nom.
    — Si vous êtes vraiment bourgmestre alors vous devriez avoir un document officiel de votre reine évoquant la guilde Aeternitas ? Cherchez si cela ne vous dit rien. Et si vous ne me croyez pas lorsque j’affirme avoir les moyens de mettre en œuvre ce que j’avance, eh bien guettez votre boîte aux lettres.
    — Aeter... (Il fouilla quelques longues minutes dans ses dossiers ; minutes durant lesquelles Nina tapotait ses doigts en rythme contre la table.) Me voilà bien tombé... Pourquoi êtes-vous là, initialement ?
    — À nos revendications s’ajoute la volonté d’entrer dans le volcan Majoris en toute liberté. Rien de plus. »

    C’était déjà beaucoup pour le bougmestre, écrasé comme un vulgaire secrétaire par une jeunotte pas même en âge d’avoir terminé ses études. Mais il préféra s’abstenir de faire la moindre remarque. De toute manière, elle aurait une répartie pour l’acculer. Et s’il la fâchait, alors la reine... Mieux valait faire profil bas face à cette démone au regard et au sourire à glacer le sang. Il avait toujours détesté les mages, de toute manière...

    À la sortie du dôme, Nina, victorieuse, et Zélos, guilleret, se rendirent à l’auberge où ils termineraient la nuit quitte à déborder sur le jour, l’autorisation du bourgmestre à la main comme un trophée. Au moment de pousser la porte de la taverne, passage obligé pour trouver le couloir menant à leur chambre, la lumière et la fête envahirent leurs oreilles et leurs yeux fatigués.

    Debout à une table haute en compagnie d’hommes et de femmes d’excellente humeur, Theserin Mérédir leur fit un signe. La crinière du flamboyant Zélos ne passait pas inaperçue, fallait-il le reconnaître ! Néanmoins, Nina se contenta d’une rapide discussion avec l’écrivain et partit pour sa chambre, un petit sourire aux lèvres en bonne amatrice qu’elle était. Zélos la rejoignit après un shot de whisky offert par Mérédir, remerciant par ce biais le mage pour sa tournée de la veille. Ce dernier lui asséna une tape amicale dans le dos et partit le sourire aux lèvres.

    * * *

      Le Mont Majoris


    Un avant-goût de chaleur étouffante fut donné à Nina et Zélos sitôt qu’ils eussent atteint l’entrée du Mont Majoris. La chambre magmatique devait être profondément enfouie, mais pas suffisamment pour épargner à la roche la corrosion. Plusieurs ponts avaient été construits et posés par l’Homme mais, au-delà d’une certaine distance, plus rien ne tenait la route car aucun matériau n’était magique. Altérés par la chaleur, ils semblaient sur le point de fondre ou de brûler les semelles de chaussures trop téméraires.

    Nina comptait énormément sur son compagnon de route pour trouver la faille dimensionnelle du Hvergelmir. Comme jamais elle n’avait fait attention à celle de la mine d’électrolithe, elle n’en connaissait pas l’empreinte magique. Enfin, ce n’était pas tout à fait vrai ; Sirius lui avait fait comprendre qu’elle était semblable à celle des autels où les runes asgardiennes se trouvaient. Peut-être que si elle se concentrait, il lui serait possible de ressentir quelque chose de familier ?

    Ils ne parlaient pas beaucoup entre eux, passant plutôt leur temps à éponger la sueur de leurs visages. Pour rompre la monotonie du silence, quelques bulles de magma éclataient régulièrement et les pas d’une poignée de créatures des feux alertées par la présence humaine ricochaient sur les parois de roche noire. Rien ne laissait présager qu’une faille dimensionnelle mystique se trouvât dans les environs. Nina espérait tout de même qu’ils ne se fussent pas trompés mais, apparemment, les Élivágar ne se situaient que dans des lieux suffisamment puissants pour supporter leur poids magique.

    Zélos aurait aimé que Nina le mette plus à l’aise. C’était sûrement un peu égoïste car il était l’origine de sa présence à ses côtés, mais le silence de la jeune femme l’intimidait un peu. Il ne savait pas encore quoi penser d’elle, incapable de dire s’il l’appréciait ou non. Assurément, il ne pouvait s’empêcher de l’admirer quelque peu, en particulier sa force de caractère et sa confiance en elle. De toute manière, se disait-il, à quoi bon se questionner de la sorte quand, en face, une indifférence totale et probablement justifiée se lisait dans les prunelles ? Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas souhaité connaître quelqu’un à ce point. Après, peut-être valait-il mieux éviter de tisser une amitié. L’histoire avait une fâcheuse tendance à se répéter.

    « Je crois que j’ai trouvé ! s’exclama finalement le mage au bout d’une trentaine de minutes d’exploration. Mais je crois que... Non, j’en suis même sûr. Il va falloir plonger.
    — Pardon ? Tu plaisantes ? C’est du magma... Comment donc veux-tu trouver le lieu exact où se situe la faille ? Je ne tiens pas particulièrement à mourir pour toi, Wilder. »

    Bien heureusement, Zélos n’avait pas plus que la jeune femme la force de périr maintenant. Nina pouvait constater à son visage, relativement sérieux, qu’il ne fabulait pas. Sa confiance en cet homme, pour autant, était trop limitée pour se jeter avec lui au fond du lac de magma dont la chaleur la faisait déjà mourir !
    Elle refusa catégoriquement de sauter.

    « Je ne te suivrai que si tu y vas en premier et disparais sous mes yeux sans que le magma ne bouge, imposa-t-elle. Dans le cas contraire eh bien... Je te dirais volontiers que je me rendrais auprès de ta famille pour lui annoncer, mais je ne la connais pas. (Elle croisa les bras et détourna les yeux, sourcils froncés.) Pas que j’y tienne.
    — Tu veux dire que tu veux sacrifier le Grand Zélos ?! » s’indigna l’intéressé, pleurant à fausses larmes.

    Nina soupira. Elle n’en était pas là, tout de même... Pas qu’elle commençât à s’attacher à l’hurluberlu, mais quel genre de personne serait-elle si elle laissait mourir Zélos sans rien faire ou dire ? Elle imagina la même situation en compagnie de Liam, qu’elle n’avait pas revu depuis Iceberg, au cas où elle en serait venue à lui imposer une roulette pergrandaise pour sa propre survie.

    Sur le coup, elle eut l’impression de valoir autant qu’un mage noir.

    Et cela lui fit mal. Alors elle ravala sa salive et demanda à Sirius, hésitante, si la voie était vraiment sûre. Mais à peine eut-elle perçu le son de sa voix que le corps de Zélos s’affaissa ! Il lui lançait un sourire trop doux pour être celui de quelqu’un s’apprêtant à mourir. Son cœur manqua un battement et elle s’avança brusquement vers la crevasse pour tenter de le rattraper mais... une faille, comme la déchirure d’une griffe géante sur le tissu de l’espace, tâcha de rouge le magma lui-même. Zélos agita sa main comme pour dire "coucou" et disparut.

    Alors elle secoua sa tête, ferma les yeux et sauta, tenant sa robe sur le devant.

    * * *

    by Nina

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    Re: [Entraînement 11] Gunnthrá par Nina Andersen Lun 12 Juin 2017, 22:55
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes








    Entraînement 11 ♦ Gunnthrá – Partie 3
      Gunnthrá


    Quand Nina releva ses paupières, elle se crut dans une bulle, une sphère de verre au beau milieu de lave en fusion, protégée des flammes mais pas de la chaleur. Elle fut frappée par la majesté du lieu, comme un couloir au-dessus d’un océan de lumière et de braises. Le métal, ou ce qui semblait en être, était forgé de part en part en arches inversées et autres arabesques. Bien que l’endroit fût suffisamment éclairé par le feu, des cristaux flottaient çà et là, emplis du même élément. Le tracé incandescent au sol s’apparentait à du travail d’artiste.

    Hvergelmir – Gunnthrá

    Zélos, qui avait pris un peu d’avance alors qu’il n’était pas arrivé beaucoup plus tôt, attendait la jeune femme sur la première scène circulaire, au-devant. Le décor rendait ses cheveux rouge vif au point qu’il fût brûlant de les regarder trop longtemps. Détendu mais néanmoins réceptif à la beauté du lieu, il croisa ses bras derrière la tête et invita Nina à approcher.

    « Te voilà dans le Hvergelmir, Nina ! Gunnthrá, d’après l’Élivágar de la foudre. C’est magnifique, n’est-ce pas ?
    — Absolument... murmura-t-elle en esquissant quelques pas, toujours happée par les couleurs et les formes qui se présentaient à elle.
    — Vois-tu le cercle lumineux au sol, après l’arcade ? C’est un téléporteur. Le donjon est ailleurs, tout ça n’est qu’un aperçu. »

    Il se risqua à lui tendre la main.

    Nina s’avança sans même le remarquer. Au moment de marcher sur le portail circulaire, elle perçut une étrange sensation, comme si l’esprit d’une muse d’Asgard prenait possession d’elle l’espace d’une seconde, sûrement à cause de l’empreinte magique de leur père.

    De nouveau, le décor changea. L’apparence similaire se limitait à l’esthétique des ornements. La salle, totalement carrée, se séparait en trois chemins, coupant ses murs en biseau. Ils étaient deux aventuriers. Après une courte discussion, ils prirent la décision de se séparer, l’une à gauche et l’autre à droite, à la recherche de la Clé du donjon. Celle-ci, représentée sous la forme d’une épreuve, n’avait jamais été la même jusqu’à présent. Si l’un avait trouvé avant l’autre, sans aucun moyen de le communiquer, il devrait attendre dans cette salle carrée le retour de son allié.

    « Nina, débuta Zélos, soudain bien sérieux. Comme je ne connais pas l’étendue de tes capacités, permets-moi de te donner un conseil. Les monstres d’ici ne rigolent pas. Je ne connais pas la faune spécifique à cet endroit, mais le Hvergelmir oblige à ne prendre à la légère aucun ennemi, surtout car nous n’avons que ça ici. Tout ça pour dire... fais attention. »

    Elle le fixa droit dans les yeux quelques instants, avant de les clore en promettant qu’elle irait bien. Alors qu’ils allaient tous deux pénétrer dans leur couloir respectif, elle dit, assez fort pour qu’il l’entende, que s’il était parvenu à la convaincre de le suivre, il se devait de réussir à tout prix. L’échec ne faisait pas partie des plans de Zélos, de toute manière.

    Précautionneuse, Nina s’arma de sa dague en aethernium et se concentra pour percevoir les flux aethernaniques alentours. Si les monstres de cette dimension ne rigolaient pas, elle les imiterait sans vergogne. Tant que les couloirs continueraient à se suivre, dépourvus d’embranchements, elle ne risquait pas gros. Le plafond noir de jais n’inspirait pas confiance mais les murs de bronze semblaient l’épier, alors elle ne marchait pas trop près.

    Chaque couinement, claquement ou craquement venus parasiter l’ambiance sonore des lieux faisait bouger ses iris instantanément. Cela devait faire dix minutes qu’elle marchait sans que rien ne se présente, la plongeant dans une concentration d’autant plus intense. Les murs se ressemblaient tous, le chemin était tout tracé.

    Puis elle entendit un son humide. Devant elle venait de tomber une goutte, épaisse, incandescente. Le plafond qu’elle regarda était tapissé de limaces magmatiques coulant allègrement sur le sol, menaçant de déchirer sa chair si elle faisait un pas de trop. La masse grouillait dans un concert de bruits de succion qui, à force d’être entendu, provoquait des bourdonnements dans les oreilles.

    Sans perdre de temps, Nina s’entoura d’électricité pour la décharger sur le plafond à pleine puissance, espérant au moins déloger les monstres mais... Quand la foudre cessa, une cascade de glaire brûlante tombait au sol lentement, obstruant le couloir au-devant. De la flaque ainsi constituée sortit une forme amorphe semblable à un escargot, fumant et bouillant, grognant grassement.

    Le gastéropode, au cou comme un jeune arbre, ne bougeait pas d’un cil, si tant est qu’il en eût. Nina ne souhaitait pas attaquer sans être sûre des mouvements à effectuer et il était hors de question de gaspiller le pouvoir d’une rune pour le moment. Alors elle murmura quelques mots dans une langue nordique, celle qu’elle utilisait presque à chaque fois à vrai dire, et de la limaille lui servit de manteau la seconde d’après. Pour peu que la créature fût dotée de magie, l’explosion serait suffisante pour le déstabiliser. Contrairement à la mine d’électrolithe, ici, Nina souffrait d’un terrible désavantage : la chaleur. Son magnétisme serait trop peu efficace et quitte à ne compter que sur sa magie électrique, elle préférait conserver ses forces pour un combat plus rude. Et personne ne viendrait l’aider si les choses se passaient mal par sa propre faute.

    Le couloir était trop étroit pour se contenter de contourner le monstre. Il fallait réfléchir à une ruse avant qu’il ne se décide à faire le premier mouvement. Malheureusement... il s’avança. Lentement, comme l’amas de magma qu’il était. Chaque fois, Nina reculait d’un pas. L’escargot gagnait de la portée grâce à ce long cou qu’il tendait pour se donner de l’élan. Cela inspira une stratégie à Nina qui leva les yeux pour contempler ce qui se trouvait au-dessus d’elle...

    Elle n’allait pas utiliser le magnétisme pour se battre, c’était trop risqué. Néanmoins, cela ne l’empêchait pas d’en faire un tout autre usage. Elle sortit de sa dimension de stockage une dizaine de lances et barres d’acier pour percer le plafond. Son intuition ne l’avait pas trompée : sa noirceur n’était ni due à de la roche solide, ni à du cristal, mais à une roche volcanique en perpétuelle formation. Les limaces ne s’étaient pas téléportées, pas plus qu’elles n’étaient passe-murailles ! Elles avaient juste traversé les pores de cette matière grâce à la fluidité de leur corps.

    Les lames et barreaux se figèrent dans cette roche et se plièrent sous impulsion magnétique pour prendre la forme de poignées. Il avait fallu forcer plus que prévu à cause de la température ambiante mais le chemin fut finalement parcouru de prises sur son plafond. Sauter ne serait pas suffisant pour en attraper une, alors la jeune femme s’aida d’escaliers métalliques beaucoup trop éphémères. Une fois ses jambes injectées d’aethernanos, elle bondit pour transférer la force dans ses bras et réussir à s’accrocher.

    Ce n’était pas dans ses habitudes de jouer ainsi à la gymnaste ; elle n’était même pas très douée pour cela. Mais l’instinct de conservation fut plus fort et ses muscles dopés la portèrent, difficilement, vers la dernière prise. L’escargot accéléra ses mouvements en synchronisation avec ceux de la jeune femme, grimpant sur le mur de cuivre, le dévorant. Quand Nina se laissa tomber au sol pour se réceptionner tant bien que mal, elle plaqua ses mains contre la paroi et déversa quantité d’électricité à haute intensité, arrachant un cri glaireux au monstre qui s’immobilisa.

    Pas le temps de vérifier s’il la suivait ou non. Nina courut aussi vite que possible dans le couloir et s’aperçut qu’à sa droite il bifurquait. Ce n’était pas le cas la dernière fois qu’elle avait regardé... Ses traits se froncèrent mais elle n’hésita pas et emprunta le nouveau chemin, lequel lui imposa de passer l’encadrement d’une porte qui s’enfonça dans les murs à son arrivée.

    Une nouvelle salle. Carrée, similaire à la précédente. Tout était orchestré pour provoquer la perte du moindre visiteur un peu trop tête en l’air... Dans la salle se dressait une torche, immense mais dépourvue de toute flamme, large comme un autel plaqué contre la moitié du mur d’en face. Mais des monstres rôdaient tout autour, petits comme grands. Çà des flammèches, là des gnomes brûlants. Personne ne sembla remarquer la présence de la mage dans un premier temps, alors celle-ci hésita à reculer de quelques pas histoire de réfléchir à une nouvelle stratégie pour atteindre le braséro. Par malheur, les deux moitiés de la porte qu’elle avait traversée frappèrent contre son échine.

    Le bruit alerta les monstres peuplant la salle. Tous ceux-ci se retournèrent vers Nina à l’exception d’un petit groupe cloitré dans un coin, ricanant allègrement, sans qu’elle ne comprît pourquoi. Après tout, peu importait plus que sa propre survie, sur le moment.

    Cette fois, pas de magma, juste des flammes. Les corps semblaient tous pourvus d’un tant soit peu de matière solide, ce qui était une aubaine pour l’exécution d’attaques électriques. Alors Nina s’entoura de foudre des pieds à la tête, prête à l’abattre sur chacune des créatures s’approchant de trop près.

    Malheureusement, les monstres étaient aussi prêts à en découdre. Ils fondirent en chœur sur la jeune femme qui peina à les éviter tous. D’ailleurs, elle n’y parvint même pas et fut brûlée à la jambe par un gobelin un peu trop rusé pour être inoffensif. Alors elle pivota, cherchant un endroit où l’on pouvait respirer sans se brûler les narines et les neurones, mais partout où elle se rendait, un monstre l’y rejoignait.

    Elle para ses mains de magie et tourna sur elle-même dans le but de provoquer une tornade de foudre qui anéantit des flammèches imprudentes. Quelques éclairs bien sentis arrachèrent la tête du gobelin qui l’avait brûlée, mais dans le même temps, un autre lui fonça à l’arrière des genoux. Au sol, Nina roula pour éviter une gerbe de feu, ne sachant même pas d’où elle venait, et s’entoura de limaille. Le nuage explosa bien vite, blessant de nombreux monstres. Mais elle ne s’était toujours pas relevée...

    Un gnome aux yeux étincelants grimpa sur son corps, laissant des traces de brûlure où passaient ses sales pattes. Un manteau électrique crépita et le mugissement de la créature se substitua au cri de douleur libéré par Nina.

    Les aethernanos protégeaient sa peau mais elle garderait certaines marques un petit moment... Prise de court, elle courut vers le coin de la salle où les monstres ricaneurs étaient toujours et coupa leurs nuques à coup de dague. Ils tombèrent raides morts, ne laissant qu’un pot tremblotant, fiché entre deux murs. L’autel était juste à côté, mais une dizaine de monstres subsistait encore.

    Nina concentra une énorme quantité d’électricité dans ses pieds, concentrée autant que possible, quoique les yeux grands ouverts pour éviter une mauvaise surprise. Le sol de la salle crépita soudain et chaque bête fut paralysée avant que ne leur tombe dessus un lot de couteaux acérés. Leurs corps partaient déjà en poussière.

    Le braséro était maintenant à portée de main, mais toujours vide. Manquait-il quelque chose pour que la flamme surgisse, se demandait Nina ? Le clapotis de la jarre, peinte de bleu, d’orange et de motifs géométriques attira son attention, poussant son iris jusqu’aux coins de ses deux yeux, comme elle le faisait si bien.

    La jarre tremblait de plus en plus fort, mais la salle également.

    Quand Nina se tourna, elle ne put passer outre l’immense torche monstrueuse qui tendait ses bras, drapés de brun, droit vers elle. Son corps ignescent n’avait ni bouche ni nez, seulement deux yeux lumineux et un crâne ouvert d’où jaillissait une flamme en guise de cheveux.

    Le monstre

      Oh dear, we are in trouble...


    Elle ne devait surtout pas rester en face ! Elle sprinta le long du mur et eut bien raison ; tels deux lance-flammes, les bras du monstre crachèrent une salve incendiaire. Il n’était pas rapide mais sa portée incroyablement grande. Son feu, cependant, était indubitablement magique, subsistant sur le sol qui pourtant ne brûlait pas...
    La Clé était peut-être ce monstre, justement !

    Nina tenta de se rapprocher de la torche tout en évitant les flammes. Comme la créature ne cessait d’en cracher de nouvelles, cela devint rapidement irréalisable. Si elle ne voulait pas finir comme une sorcière sur un bûcher, elle comprit que courir n’était pas la bonne solution. Il fallait d’abord attaquer. Affaiblir pour mieux contrôler.

    « Sirius, à quelle espèce appartient ce monstre ? »

    Aucune réponse.

    Dans le Hvergelmir, Sirius était injoignable. Le cœur de la jeune femme s’emballa. C’était extrêmement dangereux. Habituellement, elle était une des rares privilégiées à pouvoir se vanter d’une telle protection autour d’elle, en tout temps, en tout lieu. Les mages avaient toujours fait sans, elle devait apprendre à compter sur elle-même.

    Le temps de latence dû à l’appel lui coûta la peau d’une jambe, enrobée de flammes qu’elle ne pouvait éteindre par magie. Sa gorge ne hurla pas mais ses yeux larmoyants témoignaient de la douleur qui lui était infligée. Elle s’enveloppa de limaille d’aethernium, réunit ses forces pour courir vers le monstre et pivota pour passer dans son dos. Là, la mâchoire serrée, elle s’accrocha aux roches pointant sur les épaules de la torche géante qui fut assaillie par le nuage. Une vague d’électricité frappa consciemment les débris de métal et l’explosion souffla Nina à terre, le monstre avec.

    Quand elle se releva, étourdie, sa robe avait commencé à brûler. Elle coupa à la dague le tissu incendié et le jeta au sol, dont il ne restait plus beaucoup de dalles libres de tout danger.

    « Il est peut-être impossible de l’affaiblir... »

    Elle devait essayer d’allumer la torche avec les flammes de ce monstre. Peut-être alors le combat cesserait-il ? Haletante, elle courut en direction du braséro et grimpa sur l’autel de pierre. Une gerbe ignée fusa sur elle, suivant son parcours. Quand elle atteignit le sommet du candélabre, l’attaque ne cessa pas, elle en perdit une manche. Sautant au moment même où elle aurait dû finir calcinée, le monstre se figea et son feu devint pourpre. La torche fut la dernière source de lumière de la salle au côté des arabesques rouges tracées sur le sol. Les murs de cuivre renvoyaient leur relief en théâtre d’ombres sur le sol tâché de sang humain, aucune créature jusqu’à présent n’en ayant contenu la moindre goutte. Le bruit sourd de la porte d’entrée sonna en écho.

    Ce sol, Nina le jonchait, pantelante, tenant difficilement sur ses genoux, notamment le droit. La peau rougie l’irritait tellement qu’elle ne sentait pas l’entaille subie par sa main lors de son escalade, mais une fois l’excitation redescendue, la douleur se présenterait comme toute autre.

    * * *

      Pui ~


    Une douce tiédeur se répandait sur la main de Nina. Au début, elle crut à un rêve, surtout avec sa bouche pâteuse et son esprit complètement flou, mais force était de constater qu’il n’en fût rien. Une sorte de matière humide parcourait son avant-bras et ses doigts avec douceur, provoquant en sus une sensation très agréable.

    « Puiii ? »

    Un gémissement et Nina plissa les yeux avant de les ouvrir. Elle s’étira avec légèreté, sans quoi la douleur de son corps lui revenait. Remarque, cela lui rappela où elle se trouvait.

    « Pui, pui ! »

    L’origine de ce petit cri aigu n’était autre que l’entité humide sur le bras de la jeune femme allongée. Sitôt qu’elle entreprit de se lever, le petit être disparut dans son pot renversé, le visage au-dehors. Enfin, visage... Nina n’en vit que deux grands yeux ambrés et ovales sans pupilles. Cette petite chose visqueuse et noirâtre ne semblait pas agressive. Au contraire, quand la mage lui tendit son doigt, les pastilles qui lui servaient d’yeux louchèrent et elle s’avança pour le toucher.

    P’tit monstre

    Elle fondait. Un sourire béat fendait ses lèvres alors qu’elle jouait avec le petit être. Joyeusement, celui-ci sauta sur place dans son pot et, entre deux clapotis, laissa s’échapper son gazouillement. Absolument adorable !

    Nina aurait pu jouer avec lui des heures durant tant il était mignon, mais elle dut se résoudre à ne rester que quelques minutes afin de pommader et panser ses blessures. Impossible de savoir combien de temps elle avait déjà passé évanouie... Même si le fait que Zélos ne soit pas à ses côtés signifiait sûrement que son absence ne l’avait pas frappé. Dans le meilleur des cas, tout du moins.

    « J’ai quelqu’un qui m’attend, je suis désolée... Je dois partir. (Elle regarda les alentours.) Tu te faisais martyriser par ces monstres ? Prends garde à toi, mon grand. »

    Elle l’embrassa sur ce qu’elle estimait être son front et se leva, assez douloureusement et un peu triste. Rapidement néanmoins, son devoir lui revint en tête, reparcourue par la douleur de son dernier combat. Elle appréhendait le danger que représenterait l’Élivágar...

    Mais à la porte, le son d’une potiche résonnait alentours. Sans surprise, le petit être tout mou en était à l’origine. Du mieux qu’il pouvait, il sautillait dans sa jarre, s’étendant pour ramasser le chapeau quand il tombait, avec sa petite tête gluante – ou quelque chose du genre. Nina s’étonna tout de même qu’il l’eût suivie mais malgré ce que lui dictait sa raison, elle ne parvint pas à l’en empêcher. Finalement, elle se ravissait d’avoir une telle compagnie.

    En direction de la première salle carrée, Nina remarqua que, dans l’optique de ne pas perdre le fraîchement nommé Igni, son rythme de marche était bien trop lent. Alors le petit être se vit proposer de grimper sur l’épaule, de toute manière dénudée, de la jeune femme qui rangerait la poterie dans sa dimension de stockage. Il accepta bien sûr, ravi à l’idée de recevoir une forme d’affection physique. Après tout, ce n’était pas tous les jours que des humains venaient dans le Hvergelmir... Le dernier avait peut-être été vu il y a soixante ans.

    De temps en temps glissait-elle quelques phrases à l’attention du monstre. Chaque fois qu’il répondait par "puii", elle avait le sentiment qu’il la comprenait ; il se dandinait, les yeux retroussés, quand elle disait quelque chose d’amusant – c’était apparemment possible – ou se dandinait, rougissant – et devenant tout de suite plus chaud – lorsqu’elle le complimentait ! Impossible dès lors qu’il ne fût pas doté d’une conscience humanoïde. Comprendre le langage et agir en conséquence le rendait encore plus adorable.

    Comme plus aucun ennemi ne se promenait dans le couloir, Nina et Igni rejoignirent rapidement la salle carrée où se trouvait déjà Zélos. Nonchalamment assis contre un mur, ses yeux fermés auraient pu traduire son sommeil, mais au premier talon de Nina qui résonna, il releva la tête. Son bandeau blanc était zébré d’un rouge dont la trace persistait sur ses joues, dont l’une bleuissait même, tout comme sur son épaule. D’ailleurs, l’on y apercevait de la chair, en regardant bien. L’homme avait ôté son gant pour y apposer sa main mais cela ne semblait pas accélérer le processus de cicatrisation.

    « Howdy, Nina ? T’es tombée sur quoi ? sourit-il en la saluant de sa main tâchée.
    — Un escargot muqueux et une torche vivante, entre autres. Et toi ?
    — Ils t’ont bien amochée... Tu boites ? Moi, écoute... Un crapaud volcanique et un groupe de choses volantes ressemblant aux djinns de Desierto. C’est eux qui m’ont ruiné le bras, héhé... »

    Nina soupira en haussant les épaule et s’avança vers l’infirme, sortant son kit de premiers secours qui serait bientôt complètement vide à ce rythme. Saisissant l’occasion, Zélos lui demanda de plus amples informations sur ses pouvoirs et sa façon de se battre. L’Élivágar n’était peut-être plus très loin et persister à ne pas se connaître était bien trop dangereux.

    Il lui expliqua en retour que sa magie se spécialisait dans le corps à corps, mais que la mi-distance n’était pas un problème pour lui. Il manipulait en effet une énergie spéciale appelée qi. Il ne s’agissait pas une magie très répandue car elle nécessitait plusieurs années d’entraînement non pas pour sa maîtrise mais pour son assimilation première. Les aethernanos mobilisés étaient très concentrés et mêlés à l’énergie spirituelle du mage. Chacun en disposait car toute créature consciente est dotée d’un esprit – sans quoi les fantômes ne pourraient exister – mais apprendre à la manier n’était pas à la portée du premier venu. Le tout offrait une grande puissance martiale à condition de savoir s’en servir.

    « Et sans vouloir se vanter, le Grand Zélos n’est pas trop mauvais ! insista-t-il sur ces derniers mots.
    — J’espère bien... Si l’Élivágar de la foudre t’a causé autant de tort, je n’ai pas envie de m’éterniser sur une créature surclassant ce que j’ai combattu jusqu’à présent rien que dans ce donjon... Alors, allons-y ? Ne perdons pas de temps, la chaleur de cet endroit me rend malade, à la longue...
    — Hop, c’est parti. Mais tu ne m’as pas présenté ce... ça ? Ce truc qui couine sur ton épaule depuis tout à l’heure.
    — Ah, effectivement. Il s’appelle Igni. Dans la salle de la torche, il se faisait acculer par des monstres ; les avoir décimés l’a comme sauvé et il a décidé de me sui-... Igni, qu’est-ce que tu fais ?! s’exclama Nina en voyant la petite boule recouvrir le visage de Zélos, les yeux froncés. »

    L’on entendait l’homme gémir comme s’il criait à l’aide depuis le fond d’un lac. Alors elle ordonna à Igni de rendre sa respiration à Zélos, mais comme il se contenta de s’écarter pour laisser le nez ressortir, le reste du visage était toujours obstrué. Quand elle haussa la voix cependant, la créature daigna remonter sur son épaule, tout en crachant de la vapeur.

    « Igni, je sais qu’il n’est pas net mais tu ne dois pas l’étouffer sans raison.
    — Ce truc veut ma mort !!
    — Puiii !
    — Et il acquiesce !
    — Si tu arrêtais de le traiter de "truc", aussi... se vexa Nina avant de partir vers le dernier couloir.
    — Hé mais attends-moi ! »

      Le dernier couloir


    À la différence des deux autres, le dernier couloir se contentait d’être droit. Une fumée noire empêchait d’y voir à plus de trois mètres, poussant Nina et Zélos à se rapprocher – au plaisir ou non – pour minimiser les risques d’une mauvaise surprise. Aucune discussion n’avait eu lieu, plutôt quelques morceaux de phrases individuels de temps à autres.

    « Nina, dis à ton animal d’arrêter de me cracher son mucus brûlant au visage, s’il-te-plaît.
    — Igni. »

    Malgré les demandes de Zélos, la jeune femme refusa catégoriquement de réitérer sa technique de bioluminescence. "Sauf en cas d’extrême urgence", soulignait-elle.

    La plupart des stries au sol avaient disparu très vite après l’orée du couloir, les privant rapidement de toute autre source de lumière que les minces rainures subsistantes. Et les yeux d’Igni, mais la portée de leur lueur était bien trop réduite pour avoir une quelconque utilité. Ils se contentèrent donc de marcher plusieurs minutes, longues minutes, jusqu’à remarquer que les murs s’écartaient de plus en plus.

    Accélérant le pas, ils débouchèrent sur une salle en forme d’entonnoir, éclairée cette fois-ci par quelques sphères de cristal lumineuses volant près du plafond volcanique. Au sol était tracé un cercle magique noir d’ébène. Il s’éclaira, ignescent, lorsque les mages posèrent les pieds dessus et face à eux, deux torches semblables à celles qu’ils avaient dû allumer jaillirent du sol, tremblant d’un bruit sourd, et s’enflammèrent simultanément. Alors le mur se fendit entre les flambeaux puis tonna et s’ouvrit en deux, présentant des escaliers vertigineux.

    La lumière n’existait plus en ces lieux. Sans rampe à laquelle se tenir, les mages peinaient à garder l’équilibre. Igni sauta de l’épaule de Nina qui s’en étonna. Le petit être se révéla, lévitant, incandescent, entouré d’une flamme jaune de la taille du bras de la jeune femme.

    Igni

    Cela fut d’une grande aide et Nina n’eut pas à entacher de nouveau sa fierté. Zélos donna le nombre de marches qu’il avait comptées tout du long : deux cents, très exactement.

    Face à eux, une grande scène circulaire similaire à l’entrée du donjon. Des arceaux de cuivre taillés en arabesques, les mêmes stries rougeoyantes et mordorées au sol et le plafond semblait toujours fait de verre ou de cristal. Au-dessous, le vide, les flammes, également. Pourtant, ce décor ne fut pas la première chose que les yeux de Nina rencontrèrent. Contrairement à son allié qui savait un tant soit peu à quoi s’attendre, elle s’étonna de voir un autre homme au centre de la place.

    Sitôt qu’ils avancèrent, l’homme s’incinéra, arrachant un hoquet de surprise à la jeune femme. Ses cheveux longs et noirs devinrent d’ombre et de flammes, tout comme son corps hormis le ventre et le visage. Autour de sa taille tombait comme un tissu à la forme et au mouvement similaires à ses cheveux et entre ses mains, une épée et une faux. Il arborait un air terriblement sérieux lorsqu’il accueillit les aventuriers de sa voix grave.

    « Bienvenue, mages. Je suis Gunther, Élivágar associé à la deuxième rivière sacrée du Hvergelmir, Gunnthrá, que vous venez de traverser. Ne perdons pas de temps, si vous le voulez bien. »

    Gunther, du Gunnthrá

    Il les laissa s’avancer avant de brandir son épée. Zélos intima à Nina de continuer à marcher jusqu’à se considérer à une distance optimale pour utiliser son pouvoir. Elle lui rappela que le magnétisme risquait de ne pas lui être d’une grande utilité. Pour autant, elle n’avait pas l’intention de se laisser abattre. Avant de s’apprêter au combat, elle demanda à Igni de se cacher dans son pot au bas de l’escalier. Tremblante, la créature accepta. Igni ne voulait pas braver le regard de son chef. Il fallait bien avouer qu’il fût intimidant.

    L’ennemi, épée de face et faux de côté, n’attendit pas le moindre signal pour se ruer sur Zélos.

      Gunntrhá


    L’Élivágar, dans une traînée de flammes, se mouvait comme un serpent sur l’immense scène aux bords mortels. Zélos bondit. Plusieurs mètres au-dessus du sol, il dégaina la dague à son côté pour la projeter avec violence sur l’ennemi. Nina ne perdit pas de temps et enclencha l’effet de la rune Ēoh. Un regard de feu se braqua sur elle aussitôt l’insigne illuminant son front.

    « Asgard... »

    Il se précipita sur la jeune femme qui s’entoura d’électricité à haute tension. Il croisa ses armes et les abattit sur son visage, mais d’un coup de dague, elle parvint à amortir les lames malgré la puissance du choc. Son bras hésita avant de se stabiliser, ce qui étonna Nina elle-même mais lui laissa l’opportunité de former une boule de foudre dans sa main libre. Elle visa le possible cœur du brasier qui évita en quittant le sol, prenant appui sur la dague adverse. L’homme était puissant mais pourtant si léger que les jambes de la mage ne flanchèrent pas sous le poids de Gunther.

    Une silhouette lumineuse fusa contre l’Élivágar et, d’un coup d’épaule bien senti, le projeta au sol dans un fracas sourd. Zélos, entouré d’une aura flavescente, se tenait en position de combat. D’un regard lancé vers Nina, il lui demanda d’attaquer en pointant Gunther de la tête. Malgré un temps d’hésitation, elle forma un amas de dagues et le projeta contre le corps à peine relevé de l’homme de feu. Sa rune toujours active, elle se permit de s’avancer, s’entourer de limaille d’aethernium et en bombarder l’ennemi.

    L’explosion la souffla jusqu’au centre de la scène tandis que Zélos, bras devant les yeux, contra habilement le coup d’épée avec sa dague renvoyée par Nina depuis sa position. Il lui lança vaguement un sourire de remerciement puis s’accroupit, évitant la faux brûlante qui se contenta de déchirer l’air au-dessus de lui.

    Souplement, il replia sa main en angle droit vers l’extérieur ; avec sa paume asséna une frappe explosive sur Gunther qui cracha une gerbe de flamme. Rebond en arrière, Zélos rejoint Nina au beau milieu du terrain. Celle-ci venait d’invoquer une nouvelle rune. Ùr la propulsa plus rapidement que jamais, dagues en mains, vers l’Élivágar déstabilisé pour trancher son ventre. Un soubresaut lui fit éviter son genou igné, une pirouette lui épargna la lame d’une épée.

    Une sphère luminescente entoura Gunther et l’abattit au sol, genou contre terre, armes aux côtés. Nina reconnût cette technique qu’elle avait subie. Profitant de la faiblesse de l’ennemi, elle l’encercla à son tour d’un champ magnétique, d’un autre et l’homme se mit à tourner. Un geste descendant de la main fendit l’air et Gunther cracha salive et cri. Il était acculé, flanqué au sol.

    Nina bondit en arrière pour s’éloigner de l’ennemi quand, dans une explosion de magie, il parvint à se relever. Les trois combattants haletaient. Il fallait tenir bon. Zélos retrouva son aura lumineuse et se précipita devant Nina. Un coup rapide la visait, il le prit à sa place ; elle put s’armer, reculer et former un bouclier de dagues entre Zélos et l’assaillant.

    Malheureusement, une gerbe de flammes au-delà de toute température annula le sort. L’Élivágar s’embrasait ! Le magnétisme serait inefficace.

    Un sourire fendit les lèvres de Gunther qui, sans un bruit, se saisit du poignet de Zélos. Un coup de pied frappa l’épaule du mage qui sentit son bras se plier du mauvais côté. Un éclair s’écroula entre les deux hommes, Zélos retrouva son membre, l’ennemi disparut en un serpent de flammes.

    Trônant dans les airs, Gunther lança son épée sur Nina qui l’évita. Jusqu’à ce qu’une faux, lancée latéralement, se fiche dans son bras et la fasse tomber tout près du précipice. Elle fit jaillir sa dague en aethernium, ravalant un cri ; le serpent de flammes la reçut et détonna.

    Nina, la mâchoire serrée, arracha de sa chair la lame brûlante sur laquelle ses larmes de douleurs s’évaporaient. Consciemment, elle plaqua sa plaie contre la faux pour la cautériser. Bien qu’elle se brûlât la main, d’un geste brusque, elle la jeta au fond des flammes de l’abîme. Gunther, aux prises, main nues, avec Zélos, abandonna son adversaire pour fondre sur elle.

    Son cerveau n’eut pas le temps de réagir et la voilà clouée au sol par le cou, sentant sa peau brûler au contact de l’Élivágar. Hurlement.

    Du dos de l’homme surgirent des flammes pour parer l’assaut de Zélos à l’arrière. Comme un instinct, comme si elle l’avait déjà fait, Nina déversa les dagues de sa dimension dans le dos de Gunther qui s’écarta. Elle tentait de respirer de nouveau, sentait les larmes ruisseler à cause de la douleur sur son cou... désormais marqué d’une main de peau brûlée.

    Zélos fit tout pour occuper Gunther, l’attirant à l’autre bout de la scène, le temps que la jeune femme se relève. Oh, il espérait de tout cœur qu’elle le pourrait ! Il devait la protéger. Sans quoi...

    Peut-être ne sortirait-il jamais d’ici vivant.

    Gunther récupéra son épée fichée dans le sol grâce à une main de flammes et s’ensuivit un combat de lame à lame.

    « Plus tu vaincs d’Élivágar, plus les prochains sont puissants. Pas que leur force augmente... (Gunther effectua une estocade provoquant le pivot de son adversaire.) Disons plutôt qu’ils savent quel genre de mage vient pour eux.
    — Ne me fais pas croire que tu t’attendais à ce que je sois accompagné ! » ricana Zélos à la suite d’un furtif regard en coin.

    Nina, les bras tendus, construisait une immense boule d’électricité au-dessus du duo combattant. Crépitante, elle projetait sa lueur menaçante sur Gunther autant que Zélos. Ce dernier cependant s’enfuit aussitôt ; la boule dévora Gunther et le terrain alentour.

    Au prix d’une grande quantité d’énergie passée à créer et à maintenir, Nina dépassa son seuil de tension. L’Élivágar ne sortit pas de l’emprise électrique contrairement à son cri de douleur. De la fumée s’échappait, magie ou combustion réelle ? Douze ampères le parcoururent de longues secondes durant.

    Zélos en profitait pour reprendre son souffle. Quelques gestes de la main qu’il esquissa lui offrirent son aura flavescente de nouveau. Quand Nina cessa son attaque, que ses bras frappèrent le sol sous l’effet de l’épuisement, il réitéra sa technique d’écrasement. Gunther, les yeux dans le vague, ne la sentit pas l’entourer néanmoins. Il s’écrasa à genoux, main sur la garde de son épée brisant le sol.

    Comme le mage s’aperçut que Nina ne bougeait plus, il pesta, tendit sa main et ses doigts qui s’ornèrent d’une petite boule d’énergie tempétueuse. Alors qu’il commençait à se vider lui aussi de ses forces, il asséna puissamment cette main contre le cœur de l’Élivágar, transperçant sa cage thoracique. L’homme se heurta au sol, saignant du magma, crachant tout ce que son corps lui donnait. Zélos se recula, lentement, s’éloignant du bord, sans quitter l’ennemi des yeux.

    De l’autre côté, le cliquetis d’une jarre battait le rythme de ses toux. Igni, aussi vite qu’il le pouvait, se précipitait sur Nina, immobile.

    « Trahi par un membre de ma famille ? » ricana impétueusement l’Élivágar à l’attention d’Igni.

    Le petit être sursauta dans son pot, transi de peur sitôt que la voix grave de Gunther lui parvint.

    Zélos serra les dents en voyant l’homme de feu s’en imprégner. Une tempête l’entoura et lorsque tout cessa, il se trouvait debout, épée en main. Le mage concentra le qi dans sa jambe et s’élança pour le frapper alors qu’il levait son arme. Mais juste avant qu’il ne le touche...

    Gunther lança son épée sur Nina. Igni, bondissant sur le corps de la jeune femme, s’agitait pour la réveiller. Des gestes, des cris.

    « Puiii ! Puiiii !! »

    En même temps, deux mains se dressèrent.

    D’abord celle de Zélos, entourée de qi, qui transperça de nouveau le corps de l’Élivágar.

    Ensuite celle de Nina, dont le geste ouvrit sa dimension de stockage. L’épée de feu n’en sortit jamais.

    Igni s’excita d’autant plus après ce geste, ravi que la jeune femme lève enfin les paupières ! Mais elle ne respirait pas. Figée. Les yeux écarquillés, transis de peur, Nina mesurait la portée de son dernier acte. Celui qui avait pourtant eu vocation à la sauver. Un léger rire lui échappa. Cependant, il traduisait tout sauf la moindre once de joie.

    À la place de Gunther apparut une sphère, de la taille d’un petit melon. Nacrée de rouge comme tout ici-bas, elle contenait le symbole tribal d’une fleur. C’était la preuve de la victoire contre l’Élivágar, récompense du Hvergelmir.

    Sceau du feu

      ...


    Quand Zélos accourut vers Nina, elle avait de nouveau perdu connaissance. Un peu plus loin, le portail de sortie de cette dimension s’était ouvert.

    Il la prit dans ses bras et la porta jusqu’au cercle magique. Il n’osait pas la regarder directement. Après tout, il n’avait pas su la protéger de toutes ces blessures. Le dernier regard dont il l’avait vue se parer lui avait inspiré le sentiment d’une terrible erreur. Finalement, se battre seul l’avait imprégné de mauvaises habitudes... Un sourire triste marqua ses lèvres. Quel égoïste.

    « Puii... ? »

    Zélos se tourna pour apercevoir Igni, penaud, sautiller dans sa potiche. Lorsqu’il s’arrêta, le petit être fit de même. Lorsqu’il avançait d’un pas, la créature l’imitait.

    « Tu veux venir ?
    — Puiii...
    — J’imagine que ça veut dire oui... soupira Zélos. Dépêche-toi, le portail va se refermer. Gunther, reprit-il d’une voix sèche.
    — Il peut. Nous autres sommes capables de vivre dans votre dimension autant que vous dans la nôtre. »

    L’Élivágar, comme si rien ne l’avait jamais touché, avait repris forme humaine. Ses cheveux noirs longeaient son dos vêtu d’une redingote pourpre. Il semblait très noble, au premier regard, mais des stigmates sous ses yeux mettait en valeur sa vraie nature. Il se tenait près de Zélos et du portail, les bras croisés.

    « Et ne me regarde pas comme si tout cela était de ma faute. Je tiens ici mon rôle. Ceux qui pénètrent aussi loin dans le Hvergelmir, comme toi, devraient savoir à quoi s’attendre.
    — Je le sais, pesta le mage avec dépit. Je le sais.
    — Sais-tu également qu’elle est en lien avec Asgard ? Tu lui diras ceci de ma part : ses runes ne seront jamais aussi efficace qu’ici, dans le Hvergelmir. Si elle veut progresser... et par conséquent t’être plus utile, elle devrait essayer d’en réunir de nouvelles. »

    Zélos ne répondit pas par des mots. Son corps et celui qu’il tenait disparurent dans le portail, retrouvant leur dimension propre. La jarre d’Igni sautillait en direction du cercle mais une main se saisit de ses anses et l’y déposa.

    « File, petit. »

    by Nina

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    Re: [Entraînement 11] Gunnthrá par Raziel Jeu 31 Aoû 2017, 23:21
    Raziel
    Raziel
    Mage
    https://humanitas.forumsrpg.com







    Ranking : S+

    Base : 10 410 points (oh bowdel…)

    Perfection : non

    Fautes : « la sphère se réunifia si vite, pris tant d’ampleur » => « prit », passé simple.
    « L’étrange prophécie des Mamayas » => elle a beau être étrange, elle n’en demeure pas moins une « prophéTie ».
    « le bougmestre » => le pauvre a déjà peu de charisme, ne lui arrachons pas ses lettres de noblesse…

    Cohérence : no souçaïe. 100 points.

    Originalité : Hvergelmir, what else ? 50 points.

    Histoire : 500 points, sans difficultés.

    Rendu : 100 points.

    Humour : Zélos est un comic relief omniprésent à lui seul. 250 points.

    Rédaction : 285 points.

    TOTAL : 12 695 points !

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    Re: [Entraînement 11] Gunnthrá par Contenu sponsorisé
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