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    [Entraînement 10] L'or est capricieux par Nina Andersen Mar 21 Fév 2017, 22:34
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes








    Entraînement 10



    L'or est capricieux

    « Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, Nina…
    — Je t’ai dit de ne pas t’inquiéter pour ma santé, je vais très bien. J’ai pu obtenir une piste concrète, donc renonce à tout espoir de me convaincre du contraire. Le train part dans moins d’une heure : ou bien tu me suis, ou bien je déchire le billet que j’ai acheté pour toi. »

    Il refusa véhément de me faire gaspiller de l’argent et finit par accepter ma proposition. Victorieuse, je plaçai entre ses mains le morceau de papier rigide sur lequel était imprimée une série d’informations spatio-temporelles. Je pouvais aisément comprendre que mon arrivée improvisée lui eût fait quitter son calme et sa neutralité routiniers. Mais c’était aussi le but : cet effet de surprise me facilitait la tâche, il m’était plus simple d’orienter sa décision dans mon sens. C’était maintenant fait : Liam n’avait plus qu’à se rendre à la gare avec moi en direction de la station la plus excentrée d’Iceberg.

    Une semaine après notre dernière rencontre, j’avais décidé de rejoindre le mercenaire pour une nouvelle aventure. J’avais, grâce à Sirius il me fallait l’avouer, déniché une zone aussi restreinte que possible dans les montagnes septentrionales du pays où la grêle se manifestait par tempêtes. Indice considérable s’il concernait ma prochaine rune. Et je voulais m’en assurer : où mieux qu’à Iceberg pouvais-je dénicher la rune de la grêle ?

    Liam avait été facile à convaincre, mais une fois dans mes rangs, je pus constater la certaine tension qui l’animait. Rien de très inquiétant de mon point de vue, je l’avais néanmoins trouvé bien taciturne lors de notre cheminement ferroviaire vers la contrée gelée des Bergs. En tout cas pour la première journée de voyage. Dans la couchette que nous partagions, dotée de lits évidemment séparés, il sembla retrouver sa langue au beau milieu de la nuit alors que, dans le même temps, je regagnais une conscience de façon abrupte.

    « Nina, ça va ?!
    — Liam… Ne crie pas, s’il te plaît… J’ai juste fait un cauchemar, voilà. Rendors-toi, maintenant, mentis-je.
    — Tu es sûre que tu n’as pas besoin de médicaments ?
    — Un comprimé de sommeil. Bonne nuit, Liam, ne t’inquiète pas. »

    Il était vrai que je dormais assez mal ces nuits dernières, mais pas de quoi s’affoler. Bouffées de chaleur et sueurs nocturnes pouvaient arriver, durant certaines périodes. La perte d’appétit m’était également familière ; celle que je subissais alors n’avait rien de surnaturel. Je me tournai, enfouissant mon autre joue dans le même oreiller chaud et vaguement humide, et accédai à mon dernier plaisir en soulageant la démangeaison qui me lançait régulièrement au niveau de mon dos. Cicatrisation lente.

    La deuxième partie du voyage m’apparut tranquille et aussi routinière que si Liam et moi nous étions trouvés dans le salon tranquille de la guilde. Nous avions sans doute pris l’habitude de l’autre et sa manière de tenir compagnie – dont on ne pouvait douter, me concernant, qu’il s’agissait d’un petit exploit. En tout cas, nos conversations me le faisaient ressentir : véhémences envers Stella, traditionnels récits de notre quête de progression, quelques discussions autour de la littérature que nous aimions tous les deux… Que de sujets qui revenaient sans être redondants pour autant ! Je ne comprenais pas ces gens qui ressentaient le besoin de s’inquiéter quotidiennement du contenu de l’assiette de l’autre alors que nombre de sujets bien plus intéressants méritaient bien plus de considération… Lorsque Liam et moi parlions pitance, il s’agissait plus d’échanges techniques que de contrôles de routines.

    Petit à petit, sans en venir à la nécessité de se couvrir grâce au chauffage des wagons, le paysage gelait de plus en plus sur notre passage. Nous pénétrions Iceberg avec, pour Liam, la remémoration d’un décor comme un autre ; pour moi, la contemplation d’une galerie inconnue. Les pays froids étaient beaux. Jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, troquée par la neige, l’herbe y était verdoyante et l’eau cristalline, limpide, caressant les plages de galets en bordure des lacs. Puis, après le changement de ligne, lorsqu’il commença à ne plus y avoir de villages plus gros que des hameaux à portée de vue, je compris que notre destination était proche.

    En début d’après-midi, le domaine de la tribu des Nibelungen nous accueillit par sa gare, pittoresque mais éloignée des habitations. En orbite, quasiment rien. C’était à se demander ce qui poussait encore les trains à s’y aventurer… Quoiqu’apparemment, nous étions chanceux de pouvoir encore profiter de la voie ferrée la plus détériorée de tout Iceberg. Témoignage d’un cheminot en congés, membre de la tribu à laquelle appartenait le précédent hameau que nous avions passé.

    Sortis du petit bâtiment de gare, Liam et moi fûmes frappés par un vent bancal et parsemé de flocons gras et fous. Mes cheveux nus furent rapidement couverts de blanc alors que le dernier train avant un bon moment partait rejoindre un autre type de civilisation. Il nous fallut longer un vague sentier aux pavés inconsistants pendant quelques minutes pour enfin arriver au milieu des quelques maisons au toit de chaume. Une seule était plus grande que les autres, avec une façade mieux modelée. À en croire l’écriteau circulaire qui couvrait le chef de la porte d’entrée en bois massif, il s’agissait de la taverne. D’un regard entendu, j’intimai à Liam d’entrer le premier, lui qui était plus près. Je lui emboîtai aussitôt le pas, avare de la chaleur d’une cheminée brûlant entre quatre murs…

    Village de la tribu Nibelung

    Au comptoir, un homme aussi charpenté que la bâtisse nous accueillit, poliment mais fermement. À en croire le premier regard que je jetai à la clientèle, celle-ci était majoritairement constituée de chasseurs. Le canon de leurs fusils, ou la pointe de leurs flèches, ne passaient pas inaperçus, même enfouis dans un sac à dos en peau de bête, vraisemblablement. Liam commanda une liqueur pour lui, un cidre pour moi, et me promit de m’en débarrasser si je ne le finissais pas pour une quelconque raison. Le temps que le tavernier aille servir leurs chopes à des chasseurs attablés, nous nous mîmes d’accord sur la manière d’aborder l’objet de notre visite auprès de lui.

    « Il neige toujours comme ça, par ici ? demandai-je évasivement.
    — Très souvent, oui. Nous sommes au pied du mont Alberich, que voulez-vous.
    — Cette montagne est particulière ? souligna Liam.
    — Votre accent me dit que vous êtes des Fioriens, n’est-ce pas ? Ce n’est pas pour la malédiction du mont Alberich que vous êtes là, à votre tour ? (Il marqua une pause et ricana faiblement) Votre silence en dit long.
    — Peut-être que nous cherchons a un rapport avec votre "malédiction", mais il s’agit d’une zone censée se trouver près de ce village. Une zone de grêle et, plus précisément, où celle-ci n’est pas normale. Particulièrement rude, extrêmement fréquente ou même perpétuelle. »

    Le tavernier me fixa longuement après cela. Ce n’est que quelques secondes plus tard qu’il fronça les sourcils et acquiesça mes propos. S’ensuit le récit d’une montagne maudite où la grêle tombait férocement plusieurs fois par jour, tous les jours. Si à première vue ce n’était rien d’alarmant, il nous raconta que cela faisait presque deux ans que les tempêtes n’étaient pas seulement fréquentes. Bien que peu superstitieux habituellement, les Nibelungen avaient considéré que la grêle était maudite. Elle repoussait les hommes partis chasser, altérait leurs déplacements, comme si une force refusait qu’ils se rendent sur la montagne. Au début, ils marchaient comme ils le faisaient toujours, avec les mêmes sacs que d’habitude, les mêmes armes, pas plus lourds que les autres fois. Mais une fois qu’ils commençaient à gravir le mont Alberich, la force qu’ils devaient déployer pour avancer d’un pas n’était pas naturelle.

    « Les plus anciens racontent des histoires qu’ils tiennent de leurs propres aïeux, comme quoi ce n’est pas la première fois que la malédiction du mont Alberich se manifeste.
    — Pourquoi ne déménagez-vous pas, alors ?
    — Eh bien parce que c’est ici, chez nous ! lança fermement un homme, mûr, depuis une table à l’arrière. Moi ou les autres chasseurs ayant pénétré cette zone maudite pouvons vous le dire : c’est comme ça depuis que le vieux Hagen a déserté. Il vit seul, en ermite, dans son petit chalet sur la montagne ; parti il y a plus de deux ans après avoir souillé l’honneur de notre tribu ! Je suis certain qu’il est l’origine de tout ça mais en attendant, nous, on est en rade de gibier. »

    Intéressant… Si je dressais une rétrospective de ce qui m’avait offert les runes que je possédais, il s’agissait à chaque fois d’un sujet doté de l’âme d’une muse. Une tombe pour Ùr, un arbre pour Ēoh… Peut-être le déserteur dont ils parlaient s’était-il muni du réceptacle que je recherchais maintenant. Voilà pourquoi je demandai au chasseur vindicatif s’il voulait bien nous conduire à la frontière de cette zone prétendument maudite.

    Il nous conduit en premier lieu chez lui. L’œil dubitatif qu’il avait jeté à nos tenues lui avait mis en tête de nous en prêter des plus adaptées aux températures qui régnaient sur les monts. Nous avions en effet sous-estimé la puissance du froid ! Nos manteaux, amplement suffisants pour tenir face à un hiver rude dans les chaînes de Fiore ou les fjords du Sud d’Iceberg, ressemblaient ici à de simples gilets de coton. C’est alors vêtus de manteaux de peau et de fourrures en tous genres que Liam et moi suivîmes le chasseur, Dogard, vers la bâtisse du vieux Hagen au pied du mont Alberich.

    « Vous pensez vraiment pouvoir nous débarrasser de cette malédiction ? s’inquiéta Dogard d’un ton rêche et rancunier.
    — Il y a des chances, oui.
    — Vous avez pas l’air très puissants pourtant. Vous savez qu’y a des vouivres qui rôdent, hein ? Après, c’est votre vie, pas la mienne.
    — Merci pour vos conseils avisés. » râlai-je âprement.

    Que ce soit de Liam à moi ou de Dogard à l’un de nous deux – il se contentait très bien de parler tout seul, et consciencieusement –, aucun mot ne fusa plus durant près de deux heures entières. Nous marchions d’autant plus lentement que l’étendue de neige était épaisse et que les vents contraires se faisaient forts. De la grêle commençait à tomber en plus des flocons encore doux. Non loin, en lisière d’un petit bois de sapins à la canopée dansante, se dressait un chalet miteux dont la cheminée crachait des volutes vaguement grises. C’était la maison du déserteur.

    Le chasseur nous abandonna ici, refusant de s’aventurer de nouveau dans une grêle qui ne faisait qu’accentuer ses rhumatismes naissants. Qu’à cela ne tienne ! Cela dit, il nous fallait maintenant affronter la tempête et sa supposée malédiction. Notre but était l’entrée de cette presque-ruine qui accueillait potentiellement la cible de mes exigences.

    Le premier pas fut aisé. Les grêlons étaient puissants mais suffisamment petits pour que notre capuche nous protège des chocs. Toutefois, il était vrai que les pas se succédaient plus péniblement à chaque fois… Comme si une force bloquait nos mouvements, un peu comme, à vrai dire, si nous marchions dans de la mélasse. Premièrement, c’était peu ragoûtant ; deuxièmement, c’était terriblement désagréable. Cette grêle, effectivement, n’était pas naturelle. Elle était magique et je le ressentais, Liam également. Nous prîmes en même temps l’initiative de charger les muscles de nos jambes d’aethernanos pour nous faciliter la tâche.

    Il fallut plus d’efforts que de temps pour arriver face au chalet du vieux Hagen, encore plus misérable de près… Quelques bûches enneigées avaient roulé de leur pyramide originelle au point que celle-ci n’avait plus aucune forme nommable. Les volets semblaient ne pas avoir été ouverts depuis des années, et ne parlons pas de l’état de leur peinture. Rien n’était pour donner l’envie de s’approcher de ce lieu et, de toute façon, c’était suffisamment compliqué et isolé pour que quiconque ait envie de se rendre à ce chalet. Du moins quiconque de moins intéressé que nous par le contenu de cette habitation lugubre. Liam prit l’initiative de frapper à la porte.


    « Qui va là ?! tonna le son d’une voix qu’on aurait pu confondre avec le râle d’un ours brun malade et fatigué.
    — Nous sommes des voyageurs, nous nous sommes égarés ! Pourriez-vous nous offrir l’hospitalité le temps de nous indiquer le chemin ? »

    Mon camarade s’était doté d’une voix claire et forte pour couvrir son demi-mensonge. Quelques longues secondes après, une main aussi cireuse que le visage de son propriétaire nous ouvrit la porte. Grinçant sur les premiers centimètres, elle ne s’écarta pas plus de son cadre qu’il était nécessaire pour nous laisser passer. Une odeur acariâtre de renfermé émanait tant de la pièce à vivre que de l’homme vaguement bossu, aux épaules larges recouvertes de cheveux gras mais blancs, tout comme sa barbe hirsute et sale. J’eus un haut-le-cœur, voyant et sentant tant de négligence et de laisser-aller. Mais plus encore, la dichotomie évidente entre ce décor et l’aura de bien-être qui émanait de ce vieil homme me mettait mal à l’aise. Je ne voulais pas m’attarder ici.

    « Comment avez-vous pu grimper jusque-là ? »

    Son ton était dur et détonnait complètement avec l’aura que j’avais ressentie autour de lui. Je devais être prudente. Un léger coup de coude adressé à Liam lui intima que je m’apprêtais à prendre la parole.

    « Nous venons de l’Est. Nos pas nous ont guidés jusqu’ici en longeant le flanc du mont Alberich. Je vous remercie pour deux de nous avoir laissés entrer…
    — Vous n’allez pas rester longtemps, croyez-moi. C’est chez moi ici, je règne sur ce domaine depuis deux ans, et vous ne vous en emparerez pas comme ça !
    — Hein ? Oh, il y a méprise ! Mon camarade et moi ne… (Je me rendis vite compte que diminuer le registre de ma langue serait une excellente initiative, au vu des canines jaunes qui se dévoilaient petit à petit.) Nous ne voulons pas vous prendre votre territoire, monsieur. Simplement savoir par où nous pourrions aller pour trouver une grotte habitable… Juste le temps d’une nuit ou deux. »

    Il sembla s’adoucir légèrement, juste assez pour nous indiquer le chemin évasif qui menait au bas de la montagne. Il ne voulait vraiment pas de nous dans ce qu’il revendiquait comme son domaine.

    « D’ailleurs, entreprit Liam, comment ça se fait que tout ce domaine vous appartient ? Vous devez être un grand homme pour posséder un terrain pareil ! »

    Le vieux Hagen s’illumina d’un coup, l’espace d’une seconde. La flatterie avait été jouée à raison : il brandit face à nous le majeur osseux de sa main droite, dans un sourire en coin exposant une rangée de dents très hasardeuse. Entourant ce large os recouvert de peau, un anneau d’or gravé d’une simple strie horizontale. Il semblait plus étincelant que toutes les flammes qui éclairaient ce taudis réunies, mieux forgé que n’importe quelle hache des kilomètres à la ronde. Je réprimai un rictus qui aurait pu trahir mon intention face à ce vieillard paranoïaque – quoiqu’il eût alors raison de l’être pour cette fois. Ce dernier se lança dans une tirade romanesque…

    « Cet anneau fait de moi l’élu des dieux, jeune homme. Il est à moi, ils me l’ont donné… Je chassais, et ils me l’ont offert par le cadavre de la vouivre que j’ai abattue. La première vouivre que j’ai abattue. Si j’ai jamais pu en tuer une avant c’est parce qu’il fallait que ce soit celle-là. Et comme je prie tous les jours les dieux pour qu’ils me disent ce qu’ils attendent de moi, personne ne doit souiller mon domaine. Donc partez vers le Sud et ne revenez pas.
    — Puis-je voir de plus près votre anneau, avant de partir ? demanda Liam, réellement curieux.
    — SÛREMENT PAS ! Personne ne doit le toucher, c’est compris ? Tu le souillerais, tu le salirais, sale vermine… Allez, du vent ! Je vous ai indiqué le chemin, laissez-moi tranquille maintenant ! »

    Hors de question de rester ici une seconde de plus. En parlant, ce vieillard semblait baver comme s’il avait du mal à contenir une rage pourtant infondée… ou comme s’il avait la rage, peut-être. Son regard était empreint de mépris et brillait comme celui d’un animal prêt à tout pour défendre son gibier ou son petit. Je pris Liam par le bras et quittai la chaumière sans un mot et d’un pas vif, fermant porte fragile qui grinça avant de claquer. Je ne voulais plus jamais revoir cet individu que pour lui arracher son anneau des mains, quitte à devoir pénétrer une nouvelle fois dans cette masure infecte ! Avant de partir, je pris la précaution d’emporter avec nous plusieurs bûches du tas de bois démoli à côté de la maison. Il serait nécessaire pour passer la nuit… Nous choisîmes ainsi de nous orienter au Nord, un plus haut sur la montagne. Retourner bredouille à la tribu aurait fait mauvais genre.

    Il fut de nouveau malaisé de traverser l’étendue enneigée sous cette grêle magique. Néanmoins, s’éloigner de ce vieux fou d’Hagen semblait bénéfique.

    Une grotte se creusait sur la roche adjacente. L’entrée plutôt large donnait lieu sur une sorte de petite pièce en contrebas, semblable à un léger souplex. Le sol plutôt plat et la chaleur relative, offerte par les murs coupant le vent nous incitèrent à établir notre camp ici. Rien ne laissait présager la présence d’un animal : ni carcasse, ni cavité. En revanche, l’Homme avait dû avoir la même idée que nous au moins une fois car nous trouvâmes quelques minces brindilles presque carboniques çà et là. Liam vérifia qu’aucune nuisance, entomoïde notamment, ne se trouvait parmi nous. Mais jamais sûr de rien, il vaporisa une substance inodore partout dans la grotte à partir d’un aérosol sorti de nulle part…

    « Tout va bien, Liam ?
    — Mieux vaut prévenir que guérir. Il ne faudrait pas qu’une araignée venimeuse ou une scolopendre gluante nous monte dessus pendant la nuit et… entre dans notre bouche… Ou pire… Aaah, je ne veux pas l’imaginer ! »

    Point faible de Liam : être pris par surprise. Mais c’était compréhensible… Ses hypothèses faisaient froid dans le dos, et rien qu’imaginer une scolopendre me grimper sur le visage… Aaah… Hii… Oh non, trois fois non, je devais cesser d’y penser ou bien j’allais vomir ! Dangereuses, ces bestioles, d’autant plus.

    Une fois qu’il eût sécurisé la zone, je pus m’atteler à l’installation des sacs de couchage de part et d’autre de l’espace qui accueillerait notre feu de camp. Il n’était pas tard donc nous ne l’allumerions pas pour le moment. Néanmoins, quelques gâteaux secs jaillirent de ma dimension de stockage pour couper notre léger appétit, dans un premier temps, mais aussi nous apporter notre dose de glucose nécessaire à une bonne réflexion. Et se faire plaisir. Aussi.

    Il nous fallait trouver un plan, sans qu’il eût besoin d’être digne des missions les plus complexes, pour subtiliser son anneau à Hagen. En soi ce n’était pas difficile : défoncer la porte et le maîtriser était tout à fait à notre portée. Mais il devait nous laisser entrer sans nous forcer à détruire sa bicoque ou son intégrité physique. Ce vieux fou suintant de paranoïa, cela risquait de nous demander plus d’efforts que pour une personne lambda – ou quelqu’un dont ladite intégrité, corporelle ou matérielle, ne nous posait aucun problème d’ordre moral.

    * * *

    Nous décidâmes malgré tout de ne pas nous presser et passâmes le reste de notre temps au sein de notre abri de fortune, sans avoir pour autant à nous contenter d’un repas froid. J’avais même pensé à apporter une petite marmite…

    Durant la nuit, je n’eus pas à me justifier auprès de Liam d’un nouveau réveil provoqué par des bouffées de chaleur. Pas qu’il n’eût pas lieu, simplement mon camarade ne s’était pas réveillé de son sommeil, cette fois, de plomb.

    Non, cette fois, ce fut auprès de Sirius.

    « Si ça te fait plaisir, établis-le, mon diagnostic ! Tu verras que ce n’est rien de plus qu’une sale période menstruelle, grognai-je, n’attendant que de pouvoir me rendormir. Qui devrait se terminer, d’ailleurs.
    — Que tu es têtue… Tu reprocherais même aux gens de s’inquiéter pour toi. Je te laisse dans ta douleur sans rien faire si tu me promets d’aller voir Shirona, de retour, et que tu me laisses une liberté d’action si ton déni me donnait raison.
    — Bon, bon, si ça te fait plaisir… » concédai-je, vaincue.

    * * *


    Redescendre le flanc frappé par la tempête qui n’avait désespérément pas cessé restait une corvée, les vents nous étant contraires. Nous dûmes de nouveau imprégner nos muscles de magie pour progresser à vitesse correcte. J’avais comme l’impression qu’il faisait un peu plus chaud que la veille, néanmoins… Au bas de ma nuque, emmitouflée dans une fourrure inconnue, je sentis comme une moiteur. Il y avait néanmoins quelque chose de bien plus important pour l’heure, ainsi je m’efforçai d’ignorer cette étrangeté. Liam et moi ne discutâmes pas vraiment lors de la descente, hormis pour nous guider sur cette route imaginaire et inconnue. Le dos de la maison du vieux fou nous apparût bientôt, toujours aussi lamentable qu’à notre premier passage. Elle n’était plus qu’à un couple de minutes à notre allure.

    Puis, une détonation. Les airs environnants n’attendirent pas la seconde pour s’affoler. Trop occupés à regarder l’horizon ou la pointe de nos pieds, le ciel n’avait pas attiré notre attention… Plus précisément, la créature qui le pourfendait, changeant de place à chaque détonation. Je me mis à courir en direction du taudis, suivie de près par Liam. Hagen, armé d’un fusil spécialement grand, tentai d’abattre la créature qui ne pouvait être qu’une vouivre ! Elle était plus petite que la normale, me semblait-il. Je fus fixée quand Liam s’écria qu’elle n’était même pas adulte.

    Il me semblait parvenir à rendre la lourdeur de la grêle plus viable dans ma course. La vouivre ne semblait pas attaquer Hagen, en tout cas plus. Fuyant vers la forêt, aux abords, je pensais plutôt qu’elle n’avait rien à se reprocher ! Pourtant, le vieil homme continuait à tirer en sa direction. Sans l’ombre d’une hésitation, je tranchai la question en la faveur de la vouivre… et le fusil au dam de son assaillant.

    Le regard qu’il me lança suintait de folie, c’était presque s’il bavait. Dans un charabia encore plus opacifié par le bruit du vent, dont je ne compris que quelques mots mal articulé, il semblait cracher sur moi tout son venin. Je pointai vers lui quelques lames, car il était prêt à me sauter à la gorge ! Liam, son ouïe affinée, me transcrit vaguement les propos du vieux fou.

    « La vouivre lui a pris son anneau et… Nina, recule. Et mis à part le fait qu’il veuille te tuer – et moi aussi –, apparemment il ne peut plus prier "la déesse". Il délire sur le fait qu’il est le seul élu… Je pense qu’on devrait parti-… »

    Un bruit sourd et des craquements d’arbres.

    « C’est sûrement l’enfant ! » m’écriai-je.

    Si nombre d’humains ne s’attiraient pas ma sympathie, si abattre une bête dangereuse ne me posait a priori pas de problème particulier, une petite vouivre blessée avait besoin de soins. Le vieillard sénile pouvait bien finir étouffé par sa bave gelée, en revanche, je m’en souciais guère. J’entraînai Liam par le bras en direction de la forêt.

    Il fallut du temps avant de rejoindre la forêt, mais relativement peu pour dénicher le point d’impact. Branchages et troncs brisés ne parvenaient pas à masquer un corps plus long que le serait un totem païen représentant à la fois le Maître et Hendrik. Dans la zone environnante, il semblait que la grêle perdait ses propriétés magiques, même un peu de son intensité. Liam observa au loin, à titre comparatif, que la tempête était plus dense aux abords du mont Alberich, validant vraisemblablement mon hypothèse. Mais je n’allais pas m’en plaindre.

    La – relativement – petite vouivre respirait bruyamment mais son souffle était rauque et cassé. Malgré mon incompétence médicale, j’étais sûre de pouvoir faire quelque chose. Je m’approchai alors d’elle, lentement, et lui proposai de respirer mon odeur en m’accroupissant au niveau de sa tête. Elle tenta de grogner mais ne réussit qu’à tousser. Elle expira une fois de plus et Liam se pencha à son tour, murmurant à mon oreille de mieux écouter. Il avait relevé une vibration particulière dans le souffle de la bête.

    « Je pense qu’elle a avalé l’anneau. Mais comment a-t-elle réussi à le subtiliser à Hagen qui le porte toujours à son doigt… ?
    — Le savoir ne nous aidera pas à l’extraire. Mais si c’est de l’or, j’ai bien peur que mon magnétisme soit limité… Attends.
    — Tu as une idée ?
    — Oui, même si cela risque de s’avérer très compliqué. J’ai lu que l’or pouvait effectivement être manipulé... Mais il faut utiliser ses propriétés diamagnétiques et, pour cela, l’ioniser… Et je n’ai jamais procédé à ces manipulations. Je dois essayer malgré tout, je n’ai pas le choix. »

    Ce qui me rebutait le plus dans cette histoire était de plonger mon bras dans la gueule visqueuse de la vouivre, laquelle risquait à tout moment de rabattre sa mâchoire acérée dessus. Je commandai donc à Sirius, au nom de l’animal, une petite séance d’hypnose pour me faciliter la tâche. Liam déclara qu’il se chargeait de lui maintenir la gueule ouverte, m’offrant une possibilité de me concentrer uniquement sur la récupération de l’anneau. Je n’avais plus qu’à prier pour deux choses : la réelle présence de l’artefact et la réussite de ma tentative. Je murmurai à la vouivre qu’elle irait mieux après. Concentration. Mon bras se fraya un chemin dans la gueule de la vouivre. Je pris bien soin de m’arrêter à sa gorge pour ne pas lui faire mal. Il me fallait faire preuve de beaucoup de délicatesse.

    Néanmoins, l’obscurité ne me permis pas de localiser l’anneau à l’œil nu. Je pestai et lançai un regard noir à Liam, signifiant "ris, meurs". Jamais je ne pourrais avouer à Hendrik que j’avais de nouveau utilisé sa blague appelée "technique de bioluminescence". Ou rebaptisée Aura – Lett. C’est en brillant ridiculement d’une lueur bleutée que je continuai ma recherche d’une réflexion provoquée par l’anneau. Comme Liam entendait toujours la même anomalie, il ne pouvait pas être tombé dans l’estomac. Il devait bloquer quelque chose.

    Quelques toux râpeuses de la vouivre projetaient, mêlés à une haleine discutable, des gouttes de salive sur mon bras immergé. Je réprimai mon dégoût et observai encore et encore. Jusqu’à trouver. Sans attendre, je ciblai le bijou et jetai un éclair fin mais aussi dense que je le pouvais.

    « Désolée ma grande, ça risque de piquer un peu… »

    Alors que je maintenais l’arc électrique pour chauffer l’anneau afin de l’ioniser, je me concentrai aussi fort que possible pour essayer de le déloger. Il n’était pas trop loin… il me serait donc possible de le ramener au moins jusqu’au niveau des premières molaires, non ?

    C’était complexe… Réellement complexe. Je commandai à mon pouvoir de s’exercer mais il n’en faisait rien. "Comment manipuler le diamagnétisme ?!", pestais-je continuellement en mon for intérieur. Une vive douleur me pris au bas du dos, comme si la contraction de mes muscles dans un effort particulier s’étendait à ma plaie. De la sueur perla rapidement sur mon front également. Je n’en revenais pas d’être soumise à tant de pression pour, finalement, si peu ! L’anneau commençait à chauffer si fort que la vouivre toussait d’autant plus. J’espérai que cela m’aiderait…

    Elle commença à battre des ailes. Son corps bleu glacé se débattait. Sirius calma de nouveau l’animal. La vouivre toussa une dernière fois, délogeant l’anneau de sa prison humide et me permettant de l’attirer un peu à moi. Si peu que sans un élan considérable donné à ma main, je n’aurais pu l’attraper avant sa retombée dans la glotte de la bête. Mais c’était bon. Je l’avais.

    Je reculai jusqu’à tomber, fesse contre neige froide, provoquant un choc qui se propagea sur tout le haut de mon corps, froissant ma douleur qui se manifesta de nouveau. L’anneau moite en main, haletante d’un effort trop intense pour être concrètement expliqué, je me redressai pour la deuxième étape. Il fallait maintenant soigner les plaies de la vouivre.

    Avec l’aide de Liam et ma trousse de premiers soins, je fis de mon mieux pour extraire les balles qui avaient percé les écailles fragiles de l’enfant. À la main. Du plomb. Je mordis ma lèvre… Mais à quoi bon. Cela n’arrangerait rien. Chaque chose en son temps…

    Alors que je désinfectais la troisième plaie qu’une balle de trop avait creusée, un cri résonna depuis la forêt intacte. Hagen.


    « Voilà la voleuse… ! »

    Il avait apporté un nouveau fusil et nous le faisait savoir.

    « D-Désolé Nina, je ne l’ai pas entendu arriver ! s’excusa Liam.
    — C’est cette sorcière qui vous a fait venir ! Maudite soit-elle… Elle a essayé de me le voler une fois, ça n’a pas suffi, elle recommence, bien sûr, oui !
    — Il est cinglé mais pas dangereux. Liam, fais-le taire, je te prie. » soupirai-je en retournant à ma besogne.

    Il tira un coup à ce moment-là. Un rugissement grinçant perça nos tympans depuis les airs qui s’agitèrent à nouveau, désorientant la grêle. La petite vouivre suivit le mouvement, levant sa tête vers les cieux, puis moi de même. La silhouette hurlante d’une vouivre similaire, du même bleu et du même blanc de glace, quoi qu’autrement formée et cornue, fonçait sur nous. Une adulte et même, sûrement, la mère. Elle fondit sur le vieux fou, au canon tenu en joue, lequel ne semblait pas doté de suffisamment d’instinct de conservation pour annuler son geste. Il préféra tirer, mais ses balles rebondirent sur les écailles bien plus solides du mastodonte.

    Vouivre mère

    Liam n’eut même pas à se donner la peine de maîtriser Hagen. La vouivre, prête à tout pour protéger son enfant et certainement pas contrainte de bonne mœurs, resserra l’étau qu’était sa mâchoire sur le vieil homme et lui rompit les os des bras, puis le jeta tel une carcasse contre les cadavres de sapins environnants. Ce fut là que je commençai à paniquer intérieurement…

    La bête arrivait vers nous, amenant avec elle notre potentielle mort. Sans vouloir songer au pire. Liam, instinctivement, se mit en position de combat. Inutile. Je n’eus le temps de rien faire qu’un coup d’aile le projeta à son tour dans un monceau de neige, près d’un rocher. Je me retins de crier son nom. Je devais ravaler ma panique, montrer à la vouivre que je ne voulais pas de mal à son petit… Mais elle fulminait.

    Ses cornes s’apprêtèrent à m’empaler. Et moi, tétanisée par la peur soudaine, je ne parvins pas à appeler Sirius, ni même à penser à quoi que ce soit. Je me voyais juste morte, transpercée, au point que mon cœur sembla lâcher pour m’épargner la souffrance qui m’attendait. Mais je ne sentis rien.


    En tout cas rien d’autre qu’une peau froide mais moins que la neige, écailleuse mais plutôt molle. Reconnectée à la réalité, je vis tout autour de moi une membrane épaisse et rugueuse. L’aile de la petite vouivre était rabattue sur mon corps. Repliée sur moi-même, je constatai que j’étais bien vivante.

    Les vouivres s’échangeaient des cris incompréhensibles. Cela dura quelques secondes. Je crus comprendre que leur "discussion" avait touché à sa fin lorsque l’aile de l’enfant, entre temps redressé, me découvrit enfin. Le museau de la mère n’était qu’à quelques centimètres de mon visage ! Elle me reniflait si abondamment que je sentais l’air bouger dans le mince espace qui nous séparait. Puis elle recula et se retourna avant de se pencher, me présentant son dos.

    « Tu veux que je grimpe… ? » tentai-je, d’une toute petite voix, en me demandant si elle me comprenait réellement.

    Elle souffla et dodelina de l’échine. Je me levai doucement, encore bouleversée. Avec hésitation, je m’approchai de son immense dos – sachant que sa tête seule devait faire plus de ma taille. Voyant qu’elle ne cabrait pas, je pris cela pour une invitation et grimpai jusqu’à son cou, faisant signe à Liam de me rejoindre.

    « Je croyais que les vouivres étaient des bêtes sauvages et violentes…
    — Il faudrait être terriblement idiot pour penser que seul l’Homme peut faire preuve d’intelligence. Les bêtes se servent souvent bien mieux de la leur... Je me demande plutôt où elle compte nous emmener.
    — Aucune idée. Ce qui est sûr, c’est qu’elle semble avoir repris la discussion avec son enfant. »

    Effectivement, les deux vouivres communiquaient de nouveau entre elles, par les mêmes cris, les mêmes sons grinçants qu’à l’accoutumée. J’en profitai pour sortir de ma poche l’anneau tant convoité. Je l’observai sous toutes ses coutures. Je pouvais bien, maintenant que je l’avais nettoyé à l’alcool. Cependant… Quelque chose ne tournait pas rond. J’aurais déjà dû ressentir quelque chose en provenance de cet artefact. La grêle, toujours présente, n’avait pas repris ses propriétés.

    Définitivement, ce n’était pas normal. Mais peut-être la muse était-elle capricieuse… ? Je tentai de méditer, étreignant l’anneau de mes paumes, comme si une prière lui était dédiée. Continûment rien.

    « Je me serais trompée… jusqu’au bout ? » murmurai-je.

    Je persistais, mais c’était vain. Dans un élan de frustration, je laissai tomber l’anneau aux pieds d’Hagen. Il s’était relevé, tremblant de tout son long mais toujours aussi fou de son bijou. Il n’était cependant que de la camelote. Je n’en avais plus rien à faire. En revanche, rien n’aurait pu faire plus plaisir à ce vieux sénile.
    Mais où aller ?

    La vouivre adulte coordonna ses pensées au miennes, vraisemblablement ! Elle se leva brusquement, nous poussant, Liam et moi, à nous accrocher de toutes nos forces à ses écailles tandis qu’elle battait des ailes pour s’envoler. Elle se fraya un chemin dans le trou provoqué par la chute de son enfant, l’élargissant tout de même. La petite vouivre nous suivait de près.

    Elle volait fermement mais paisiblement. Ses soubresauts ne se ressentaient pas plus que cela mais l’adrénaline s’empara de nous lorsqu’elle monta en piqué pour percer les nuages ! La grêle n’était alors plus un problème, mais le paysage n’avait plus rien à voir. Nous nous dirigions vers le sommet du mont Alberich. Mais à quoi bon… ? Nous emmenait-elle à son nid ? Mais quel en serait l’intérêt ! À moins qu’elle ne détienne le véritable anneau ? Non, ce serait trop beau…

    Tandis que je me confondais en hypothèses, Liam m’interpela.

    « Nina, regarde bien… Le sommet n’est pas fermé. Il y a quelque chose à l’intérieur ! »

    Surprise, je plissai les yeux. La main en visière pour affiner ma vision, je manquai de glisser par manque d’accroches ! Liam me rattrapa de justesse en passant son bras autour de ma taille… Je le remerciai, quoique gênée, et poursuivis mon observation. Cette montagne était-elle semblable à Asgard ? Impossible… Et pourtant, Liam avait raison. Plus nous approchions, mieux je pouvais le voir : la vouivre nous emmenait à l’intérieur de la montagne.

    Quelle surprise d’y trouver un manoir.

    « Nous devons… entrer ? interrogea Liam.
    — Je n’en sais rien… Si les vouivres nous ont menés ici, c’est sûrement qu’elles savent quelque chose.
    — Hagen n’a-t-il pas évoqué une sorcière tout à l’heure ?
    — En effet. La première théorie que nous pouvons formuler est que ce vieillard n’est plus en possession de son anneau depuis un certain temps. À en juger par la lourdeur de l’atmosphère, trop importante malgré l’altitude, ce qui n’est pas pour nous aider… je dirais que l’anneau se trouve ici. »

    De plus, en observant bien, les roches entourant la demeure n’étaient pas naturelles. Sirius me confirma aussitôt qu’elles étaient magiques. Les murs du manoir masquaient une présence. Sûrement celle que nous devrions mettre hors d’état de nuire pour obtenir l’anneau. Quand j’appris que la cible était mage sans pour autant dépasser notre niveau à Liam et moi, nous nous lançâmes un regard entendu. Nos pas le suivirent.

    * * *


    Vide de poussière mais aussi d’âme, ce salon orné de richesses était tout ce que la porte nous avait dévoilé. Je sentais néanmoins un dégagement magique non loin, en provenance de l’étage. Rien ne semblait fait pour le masquer, ni même pour doter la maison d’une sécurité minimale. Si le mur de pierres érigé autour étaient faits de la main du – ou plus certainement de la – propriétaire, il était très probable qu’il ait été estimé suffisant au vu de la réclusion du lieu.

    « Ne perdons pas de temps. Trouvons-la et vainquons-la avant qu’elle n’ait le temps de trop se préparer. Car si cette fameuse sorcière n’est pas trop inconsciente, elle aura remarqué notre arrivée. »
    Sans plus de fioritures, nous arpentâmes les escaliers et couloirs à la recherche de la présence. Les corridors, tapissés de rouge et d’or, étaient décorés de portraits en tous genres. Bien que courts, ils comportaient dans chaque aile un certain nombre de salles. Mais aucune trace de magie au début. Nous ne nous embêtions pas à ouvrir chaque porte !

    Cependant, une ou deux reçurent cette attention. C’est ce qui nous fit pénétrer dans une bibliothèque, de taille plutôt moyenne et pourvue d’un petit salon individuel. Je ne pus m’empêcher, malgré ma propre injonction, de jeter un œil aux ouvrages tandis que Liam gardait l’entrée. Néanmoins, je n’en ressortis pas avec une perte de temps étiquetée à mon poignet. Il s’agissait au contraire d’une circonstance aggravante : notre hôtesse semblait particulièrement intéressée par la magie noire.

    De retour dans le hall après avoir exploré l’aile Ouest, sans y trouver le succès – à mon grand dam – des pas résonnèrent depuis les pavés. Des talons. De toute évidence, c’était le succès qui nous avait trouvés.
    « Puis-je savoir qui vous êtes et la raison qui vous pousse à troubler ma tranquillité ? »
    Une grande dame, parée des pieds à la tête de brun et d’or, nous toisait de ses iris au ton suffisant. Sa longue chevelure était semblable à la mienne. D’ailleurs, Liam ne tarda pas à me le faire remarquer.

    L’hôtesse

    « Elle te ressemble beaucoup, Nina…
    — Ne dis pas de sottises… »

    Mais je devais bien avouer qu’il y avait un air de famille entre elle et moi. Surtout au niveau des cheveux. Quelque chose, aussi, dans le regard… Ses yeux gris souris me rappelaient les miens, mais pas tant en termes d’apparence que par le sentiment qu’ils évoquaient.

    « Répondez.
    — Nous sommes, dirons-nous, à la recherche d’un certain anneau. Il serait magique et la cause de cette étrange grêle qui altère les déplacements humains. Une… amie nous a déposés chez vous, alors nous espérions que vous seriez aptes à nous renseigner.
    — Absolument pas. Je suis ici pour être seule, alors je vous prie de respecter mon souhait. Je n’ai rien à vous dire.
    — Dommage… Ç’aurait été trop beau qu’il s’eût agi de la seule bague qui entoure votre doigt, ressemblant d’autant plus à la copie que vénère un vieillard en bas de chez vous… »

    Elle recula, sur la défensive. Elle ajusta sa tiare d’or massif, sûrement par réflexe, et fronça les sourcils. J’avais touché un point sensible. Cette femme semblait tout aussi avide de l’anneau que son homologue chasseur… Elle marqua une pause avant de reprendre, se dotant d’un léger rictus. Tout portait à croire qu’elle fût à court de ruse. Si vite.

    « Vous avez rencontré ce vieux Hagen ? Je vois… Son jouet lui plaît, dites-vous ? Eh bien. Je suis Fabia Fnerheit, maîtresse de ces lieux que vous souillez de votre présence.
    — Comment est-ce que vous avez pu prendre son anneau à ce vieux fou ? Il y accorde plus d’importance qu’à quoi que ce soit dans l’existence, à commencer par le monde extérieur !
    — Oh, peu de personnes normales résistent à la kétamine… Je n’ai pas été jusqu’à lui demander l’autorisation, je ne suis pas sotte ! Mais bon… Vous êtes les premiers à tenter de me le prendre, néanmoins vous serez aussi les premiers à mourir pour sa cause et de ma main. »


    Les portes du hall furent barrées de murs de pierres. Liam comprit en observant les alentours qu’elle ne créait rien. Elle se contenait en effet de manipuler le minéral composant le plafond pavé – il devait être très épais… Une géokinésiste. Soit. Liam s’élança vers elle pour la forcer se défendre. Cela me laissa le temps de préparer une attaque…

    Je générai quelques sphères d’Akvarel autour de moi. À deux contre uns, je trouverais forcément l’occasion de la frapper avec l’une de celles qui entouraient mes mains.

    « Cet anneau est ce qui me permet d’être ici, seule et coupée de tout, comme je l’ai souhaité. N’avez-vous pas honte de vouloir me subtiliser cela ?
    — Retirer le bien-être d’une mage noire ne peut influer que positivement sur le nôtre donc… pas vraiment. » répondit Liam, tout sourire.

    Je n’aurais pas dit mieux ! Il n’était pas question de traîner. Chaque fois qu’elle était de dos, je projetai une sphère électrique. Mais je ratais à chaque fois. Je ne voulais pas m’éterniser ici…

    « Úr. »

    Et je fondis sur elle, foudre en main.

    « Tes yeux me débectent »

    Pardon ? Cette remarque acerbe, à mon attention, me déstabilisa. Mais quel était son problème ?

    Cela lui permit toutefois d’extraire un mur de l’escalier en pierre à côté de nous. Il m’arrêta dans ma course. La vitesse avec laquelle il se mua en main pour m’enserrer aurait pu sembler misérable sans ma déconcentration ! Avant même que Liam ne soit parvenu à abattre son épée sur elle, je fus projetée droit sur un mur. Et encore cette satanée douleur qui se réveillait ! Allait-ce être ainsi à chaque coup que je recevrais ?! Raison de plus pour en finir. J’eus une idée en ce sens.

    « Liam, tiens-toi prêt à te protéger ! »

    Il ne comprit pas tout de suite l’initiative que je pris de sortir du manoir. Pas sotte, effectivement, Fabia Fnerheit avait comblé les entrées. Liam n’avait pas à s’inquiéter… Je ne tarderais pas. Car elles étaient encore là.
    Les vouivres nous avaient attendus tout ce temps. Je dus m’efforcer de leur expliquer – ou de leur faire expliquer, par Sirius – ce que j’attendais d’elles, si elles le voulaient bien.

    Et c’était le cas.

    La mère s’envola haut dans le ciel, tandis que l’enfant abattit sa queue contre un pan du mur du manoir. Je pus entrer, au milieu des débris, entourée de poussière, mais contemplant l’air hébété de Fnerheit. Liam, en voyant la petite vouivre à mes côtés et, apparemment, entendant les cris de l’adulte aux alentours, compris où je voulais en venir.

    Mais pas notre hôtesse, laquelle fut plaquée au sol par la serre d’une vouivre transperçant ses plafonds. Elle serrait le poing, protégeant la bague par automatisme. Mais l’épée de Liam n’en eut que faire. Une petite taillade et le nerf lâcha. Et l’anneau roula. Je m’en emparai à toute vitesse. Puis ressentis une résonance.

    Mon crâne fut comme pris de bombardements. Un fourmillement s’empara de mon corps, mes membres engourdis me donnaient l’impression de tomber perpétuellement. Mon cœur battit soudain si vite que je crus qu’il allait lâcher. Et une voix résonna.

    « Tue-la ! Vite ! C’est insupportable, je ne peux plus vivre en elle ! Trop d’ennui ! Cesse-cette routine pour moi, je t’en prie ! »

    Que je la tue ? Fabia Fnerheit ?

    « Allez, vite ! »

    La muse ? Quelle horreur… La souffrance que sa présence m’infligeait… si différente de toutes les autres ! Je n’avais pas l’impression de souffrir. Mais je souffrais. J’étais lourde, j’avais l’impression d’être au bord de l’explosion. Si tuer Fabia pouvait me permettre de tout faire cesser… J’aurais dû m’y attendre. Impossible de m’y accoutumer. J’avançai donc. Elle était encore sous la vouivre, se débattant. Liam guettait mes mouvements, inquiet.

    « Nina, est-ce que ça va ? Que… Que t’arrive-t-il ?
    — Ne perds pas ton temps à lui répondre et achève cet ennui vivant ! »

    Ses mots frappèrent ma plaie encore ouverte comme s’ils avaient été une énorme massue. Je sentis le sang couler dans mon dos et mon cœur continuer sa course autour de ma plaie. Je le sentais battre partout, c’était atroce ! Malgré les invectives que je m’adressais pour reprendre mes esprits, rien. Une dague para ma main. Je marchai tant bien que mal auprès de Fabia. Elle ne me supplia même pas. Ou bien je ne l’entendis simplement pas. Peu importait. Si j’attendais plus longtemps, j’allais vomir.

    Alors je plantai mon couteau pour que tout s’arrête.

    « Merci ! Pour te récompenser, je t’accorde mon pouvoir. Mais tu sais comment tu finiras si ta vie est aussi ennuyeuse que la sienne… En attendant, passe donc cet anneau. »

    Comme manipulée, je parai n’importe lequel de mes doigts au hasard de l’anneau. Une onde me traversa, j’eus l’impression de m’évanouir. Tout ce qui arriva après la déclamation du poème par la muse, et l’évocation d’un jardin de ronces, fut ma chute. J’étais comme dans un état second. Les bras de Liam m’entourèrent. La voix mystique m’abandonna. Ma conscience la suivit.

    * * *


    Je me réveillai dans un lit avec l’impression d’avoir simplement fermé les yeux une seconde. Liam était à côté de moi, et ma main se trouvait dans la sienne. Il somnolait. Lorsque je tirai brusquement mes doigts de l’étreinte des siens, il se redressa et se confondit en excuses. Peu importait…

    La vouivre nous avait ramenés au village de la tribu des Nibelungen. D’après lui, la grêle n’avait pas cessé mais ses propriétés avaient disparu. Les habitants nous étaient reconnaissants et n’attendaient plus que mon réveil pour nous attabler autour d’un bon repas chaud. À vrai dire, je le voulais terriblement aussi.

    « Nina… Je pense que tu me dois quelques explications. »

    Son regard était ferme et, envers moi, c’était tout de même assez inhabituel. Je tentai de fuir son regard mais il retournait mon visage vers le sien à chaque fois que je me détournai.

    « Laisse-moi m’inquiéter pour toi… Explique-moi, s’il te plaît.
    — J’ai l’habitude. Chaque fois que j’obtiens une nouvelle rune, je dois faire face à une souffrance. Une sorte de test, soupirai-je.
    — Mais qu’est-ce qui te pousse à endurer des tortures comme celle à laquelle je viens d’assister ?! Tu te serais vue…
    — Je n’en aurais pas eu besoin, je ressentais déjà bien ce qu’il se passait en moi, ricanai-je comme si ces propos tenaient d’une affreuse banalité. Ces runes ont des pouvoirs qui me sont très utiles.
    — Dans un premier temps, je vais faire comme si je comprenais ce point de vue. Mais plus important : tu es consciente du temps qui s’est écoulé depuis que tu as subi cette blessure ? Et elle n’a toujours pas cicatrisé. Pour une mage, surtout avec un traitement, c’est quand même étrange. Consulte Nina. Je ne peux pas te forcer mais je le préconise vivement… »

    Oui, oui, bien sûr… Entre Sirius et lui… Mais soit. J’irais voir Shirona à mon retour à la guilde. Je le promis à Liam, taisant les détails. Je devais bien admettre que ces douleurs et sueurs nocturnes n’étaient peut-être pas dues à ma féminité…

    Peut-être aussi devrais-je discuter de mes runes avec le Maître ? Hm… Je n’allais tout de même pas le déranger pour si peu.

    « Au fait, Nina, commença Liam en perdant le sourire qu’il avait gagné avec ma promesse. Fabia Fnerheit, avant que tu ne la tues… Elle a dit quelque chose.
    — Voyez-vous ça. Cela t’a tant marqué que tu te sens obligé de m’en faire part ?
    — "Tout en toi me dégoûte, c’est plus fort que moi." »


    by Nina

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    Re: [Entraînement 10] L'or est capricieux par Raziel Jeu 31 Aoû 2017, 23:17
    Raziel
    Raziel
    Mage
    https://humanitas.forumsrpg.com







    Ranking : S+

    Base : 4 720 points.

    Perfection : non

    Fautes : « s’ensuit le récit d’une montagne maudite » => « s’ensuivit », concordance des temps du récit.
    « fermant porte fragile qui grinça » => une faute déterminante, si j’ose dire.
    « nous orienter au Nord, un plus haut sur la montagne » => décidément, le paragraphe des oublis…
    « L’obscurité ne me permis pas » => no comment. Ou plutôt si : berk.
    « coordonna ses pensées au miennes » => tes pensées auraient-elles été classées ?
    « à deux contre uns » => si je te donnais une hache, tu aurais tout ce qu’il faut pour devenir Attila…

    Cohérence : natürlich. 100 points.

    Originalité : les runes sont originales en elles-mêmes. Le reste du RP n’est pas dénué d’originalité non plus. Ceci vaut bien les 50 points voulus.

    Histoire : très intéressante mais peu « productive », pour l’heure évidemment. Disons 300 points.

    Rendu : pour le coup, sur certains dialogues ou retours à la ligne millimétrés et avec sauts de lignes habituels, tu en as oublié quelques-uns. Je ne mets donc que 90 points, mais c’est du chipotage (ça t’apprendra à être trop forte, je deviens trop exigeant…)

    Humour : je me demande bien ce que représenterait cette statue païenne (M et H : nous aussi…). On va dire qu’on n'a rien lu, n’est-il pas ? 150 points.

    Rédaction : des fautes un peu plus nombreuses que d’habitude. Tu étais fatiguée ce jour-là, je pense. 250 points.

    TOTAL : 6 660 points (HÉRÉTIQUE ! AU BÛCHER !)

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