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    [Entraînement 2] Mesdames et Messieurs ! [Corrigé] par Nina Andersen Jeu 18 Fév 2016, 22:16
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes









    Au fil des quatre jours qui s'étaient écoulés, mon score avait fini par atteindre les 3499. En réalité, c'était vraiment tout ce dont j'étais capable à l'heure actuelle. J'estimais donc que je pouvais me servir de cette technique dorénavant, d'autant que mon entraînement m'avait conduit à réduire au tiers le temps de concentration du champ magnétique allié aux aeternanos – le tout premier lancer avait en effet nécessité une trentaine de secondes – et que j'avais pu apprendre à mieux viser dans le cas d'une cible en mouvement. Après tout, l'ennemi n'attendrait pas calmement de recevoir l'obus en plein milieu du crâne – ou alors il n'aurait pas de crâne, mais ce serait effrayant.

    Cette journée était une journée de repos, et il était dix heures. J'avais installé une nappe de tissu sur l'herbe parfaitement entretenue des jardins Ouest et j'étais en train de prendre le thé à l'ombre d'un grand arbre. Par là même, je regardais l'horizon, cruellement monotone. J'avais envie de descendre un peu sur la terre ferme, pour promener... Buvant la dernière goutte de mon Darjeeling, je posai la tasse dans sa coupelle à ma droite et m'allongeai un peu. En rêvassant, une pensée me vint à l'esprit : quel jour étions-nous ?
    Mais bien sûr ! Je venais de me souvenir qu'à cette période de l'année et plus précisément aujourd'hui, à Rinnovo, se tenait le cirque. Ce serait donc une escapade agréable et je pourrais en profiter pour passer dire bonjour à Dirk.
    Alors soit, je rédigeai une nouvelle missive, la déposai dans la boîte aux lettres du bureau du Maître, et rebelote comme une semaine plus tôt.



    * * *



    Dirk allait bien, j'en étais ravie. Ma petite visite s'était terminée, à 14h et après le repas de midi – la cuisine de Dirk m'avait manqué –, avec plus de bonne humeur que la précédente et de toute façon, je n'avais aucune envie de me morfondre de nouveau. Après tout, j'étais là pour me détendre en premier lieu ! Ma dernière visite au cirque datait de l'année dernière. La troupe qui assurait le spectacle était une grande troupe fiorienne, « Hiway », et je devais reconnaître qu'ils étaient parvenus à faire pétiller mon regard. Je me rappelais encore combien leur lion blanc était mignon autant qu'auguste, sans parler de la majesté de leurs acrobates ! J'avais plutôt hâte de me retrouver devant la représentation de la troupe de cette année, me questionnant de manière multiple sur ce qui était susceptible de m'attendre.
    Pour atteindre la grand place du parc de Rinnovo, je devais le traverser entièrement. J'étais à l'entrée, prise d'une bouffée de nostalgie au souvenir des journées que j'avais pu passer à lire et dormir dans ce parc, à l'ombre des saules – j'aimais beaucoup ces arbres, parfaits pour rester discrète. Il était également toujours aussi agréable d'apercevoir les cerisiers en bordure, même si c'était mieux lorsqu'ils étaient en fleurs. Comme ils étaient nombreux, le paysage s'embellissait considérablement au printemps, et je me rappelais mes nombreuses hésitations quant à m'endormir sous un saule ou un cerisier... Un sourire m'échappa et je continuai ma route.

    Nina, seize ans, parc de Rinnovo :

    Après une poignée de minutes à déambuler lentement sur le chemin principal du parc, j'arrivai à la place qui accueillait le chapiteau. L'endroit n'avait pas l'air très animé de ce que j'avais pu apercevoir plus loin. Peut-être la troupe était-elle jeune ? Son nom était « Kabaret ». Prononcé comme cabaret ou comme « k-barrette » ? Cette question fut supplantée par une autre, bien plus mystérieuse... Pourquoi n'y avait-il absolument personne ? Je trouvai rapidement le panneau indiquant les horaires d'ouverture et les horaires de spectacle. Pourtant, le cirque était censé être accessible au public à l'heure qu'il était... Je me doutais bien qu'un cirque peu connu attirait moins l'attention des troupes que s'il eût été de grande envergure, mais tout de même.
    Une femme âgée passa à côté de moi, regardant le panneau que je venais de quitter en soupirant. Je lui adressai la parole.

    « Bonjour madame, pourrais-je vous poser une question ?
    — Si c'est à propos du cirque ma petite, j'ai bien peur qu'il faille faire une croix dessus... Paraît-il que quelque chose de terrible s'est produit au sein de cette troupe et j'ai vu hier le Monsieur Loyal annoncer qu'il était peu probable que le cirque ouvre. »


    Je n'avais pas eu besoin d'ouvrir plus que ça la bouche pour avoir toutes mes réponses. La vieille dame s'en alla et je la vis prendre par la main deux enfants, un peu plus loin. Chez eux, je vis la rapide transition de leur visage, de la joie aux larmes. Je soupirai et décidai de m'approcher un peu plus de la clôture afin d'éventuellement remarquer un signe de vie... Allant de droite à gauche plusieurs fois, je ne vis que les cages des animaux. Je devinai qu'elles étaient remplies, car même le drap qui masquait l'intérieur aux yeux des passants ne suffisait pas à dissimuler la queue du tigre, à gauche, ou la patte de ce qui semblait être un petit singe malicieux à droite. Je soupirai une seconde fois, abandonnant. Le cirque était bel et bien fermé et ne comptait vraisemblablement pas ouvrir. Soit. Je me retournai et entamai de rebrousser chemin...

    « Je pense que vous avez compris que le cirque n'allait pas ouvrir, mademoiselle. J'en suis désolé... »

    Je me retournai après un léger sursaut pour savoir à qui appartenait cette voix. Je lui répondis sommairement que oui, j'avais compris, avant de remarquer son accoutrement. C'était un des membres de la troupe, à n'en point douter : des cheveux bordeaux, des yeux... enfin, un œil d'un rouge profond – un grand cache-œil recouvrant l'intégralité de l'autre –, un chapeau typique du monde du cirque... Il sourit lorsque nos regards se croisèrent, comme s'il m'invitait à m'approcher. Je le fis, espérant que j'obtiendrais plus de détails. Si quelque chose de « terrible » s'était produit chez eux, peut-être serais-je capable de les aider, tout du moins me rendre utile... Je faisais partie d'une guilde oui ou non ?

    « J'ai entendu dire qu'un malheur s'était abattu sur votre troupe, pourrais-je en savoir plus ? (Je tentais de prendre un air concerné) Peut-être pourrais-je ainsi vous aider...
    — J'en doute, sourit-il. Vous faites partie de l'armée ?
    — Non, du tout, mais selon l'échelle de l'affaire je peux m'avérer utile. Je suis m-...
    — Mage. Un mage peu puissant si j'en crois les aeternanos autour de vous. »


    Il sourit de nouveau tandis que mes yeux s'écarquillaient. Omettant le fait qu'il m'avait coupé la parole, je fronçai légèrement les sourcils, soudainement un peu plus intéressée par le personnage qui me faisait face.

    « Je vous l'accorde, il est indéniable que je sois loin d'être forte. Toutefois, je maintiens que je suis susceptible d'être utile selon l'ampleur de cette « chose terrible »...
    — Je veux bien vous croire. Faites-vous partie d'une guilde ? demanda-t-il d'un ton gai.
    — En effet. Une guilde indépendante, Aeternitas. »


    Il éleva le coin droit de ses lèvres et repris la parole.

    « Je vois, une mage de guilde, donc. En effet pourriez-vous peut-être nous être utile... Suivez-moi, je vais vous présenter ma troupe avant de vous expliquer quel est notre ''léger contretemps''. »

    Il se tourna pour entrer dans la petite annexe du grand chapiteau qui constituait en quelque sorte l'accueil. J'allais lever la voix pour lui rappeler que la clôture n'était pas ouverte quand le portail s'ouvrit de lui-même, me surprenant quelque peu. Soit, je passai et le refermai derrière moi. Le cliquetis d'un verrou se laissa entendre et quand, par curiosité, j'essayai de rouvrir le portail, il ne bougea pas. Une serrure magique... Je m'avançai sans plus de considération, écartant la toile du chapiteau pour entrer. L'homme m'attendait juste devant le bureau d'accueil.




    « Je ne me suis pas présenté : je m'appelle Joker, et je suis le Monsieur Loyal de cette troupe. (Il fit la révérence) Enchanté, chère mage ! dit-il joyeusement, s'avançant vers moi en prenant ma main dans la sienne.
    — Nina Andersen. »


    J'acceptai son baisemain, quoiqu'un peu gênée du contact, d'autant que je n'avais jamais reçu ce genre de faveur qu'à mon adolescence, afin de parodier ce geste noble traditionnel. Quoi qu'il en fût, je le suivis vers le grand chapiteau. Des cartons jonchaient le sol çà et là mais tout le matériel n'était pas rangé, visiblement. J'arrivais au beau milieu du grand ménage, alors qu'il n'y avait pas grand chose à nettoyer. Je comptais cinq personnes sur la piste, presque uniquement des femmes – le seul homme qui semblait présent incarnait le clown, sans doute. Joker frappa dans ses mains pour attirer l'attention de chacun.

    « Devinez quoi, les amis ! »

    Le Monsieur Loyal m'entraîna au centre de la grande piste, au milieu du reste de la troupe qui me jetait un regard scrutateur somme toute assez pesant. Une jeune fille qui semblait avoir quinze ou seize ans, toute de bleu et de jaune vêtue, éleva une voix nasale tout en continuant de me détailler.

    « Je croyais que tu n'avais pas le temps pour ce genre de chose, Joker... »

    Pardon ?

    « Hahaha, ce n'est pas ce que tu crois, Queen ! rit Joker en ébouriffant ses cheveux blancs, ce qui la fit grogner âprement. Elle est là pour nous aider.
    — Nous aider à quoi ? 
    — Elle ne sait pas encore, nous allons tout lui expliquer et l'on avisera ensuite.
    — Tu veux qu'elle remplace Diamond, Joker ? » demandèrent en chœur deux jeunes filles aux longs cheveux roux, identiques en tous points, sur un ton monocorde.


    Écartée du groupe pour des raisons mystérieuses, je me demandais s'ils se souvenaient de ma présence quand Joker se tourna vers moi afin de faire les présentations. Relativement sommaire était-elle pour ma part, mais c'était normal. Il nous demanda de nous réunir en un cercle approximatif, pour plus de facilité, et tâcha de me parler un peu du cirque lui-même en introduction – j'appris par là même que l'on prononçait « cabaret ».

    « Avant de nous présenter chacun individuellement, laissez-moi vous expliquer pourquoi nous plions bagage alors que nous venions à peine de nous installer. C'est bien simple : il manque un membre de notre troupe, notre lanceur de couteaux plus précisément.
    — Oh... Il a disparu ?
    — Il est mort.
    — … Oh, soufflai-je, surprise.
    — Ainsi donc, il nous est impossible de mener correctement la représentation car il en était un élément majeur. De plus, vous pouvez vous douter qu'avoir perdu notre ami à cause de sa santé fragile ne participe pas tellement à notre bonne humeur... C'est aussi la raison pour laquelle je pensais, et je pense encore un peu (Il marqua une pause), que vous ne pouvez pas tellement nous aider. Pour en venir à notre troupe, je veux bien vous donner de petits renseignements supplémentaires si... vous me promettez de tenir votre langue, ponctua-t-il d'un sourire à mon attention.
    — … Tout dépendra...
    — Si elle ne veut pas de toute façon, on pourra toujours s'arranger... »


    Celle qui s'appelait Queen me lançait maintenant un regard perçant assorti d'un sourire on ne peut plus carnassier. C'était assez perturbant car je ne voyais pas ce qu'elle pouvait avoir à mon encontre, relativement déplaisant, même. Mais je continuai d'écouter la tirade de Joker relatant l'histoire de la troupe.

    « Je suis le fondateur de ce cirque. Comme vous le savez, je m'appelle Joker ! Je ne sais pas si vous avez remarqué mais cette troupe est quelque peu... spéciale. En effet, chacun d'entre nous vient d'un lieu différent de cette vaste Terre. Mais plus particulièrement... nous avons tous un passé peu glorieux. »

    Joker :

    Je commençais à redouter ce qu'il allait me dire. J'avais comme l'impression que j'allais apprendre des choses sur ces gens que je n'avais pas envie d'apprendre. Machinalement, je reculai un pied, juste un pied. Queen, qui était juste à ma droite, fit de même avec en prime un rictus plutôt effrayant.

    « Queen, s'il te plaît, n'effraie pas notre amie, sourit Joker avant de reprendre. Tiens, je vais commencer par toi ! Queen est une ancienne assassine que j'ai moi-même libérée de prison. Elle était condamnée à la peine de mort, je l'en ai tirée, et depuis elle officie comme acrobate chez nous. C'est la troisième à avoir rejoint cette troupe, elle est relativement jeune mais très, très douée dans son domaine. »

    Queen :

    Il avait dit ça avec un sourire comme candide, comme si le point le plus notable était les talents d'acrobate de la jeune fille plutôt que son passé d'assassin. Celle-ci s'était totalement redressée et me lançait un franc sourire, les yeux fermés, agitant sa main devant elle, me gratifiant d'un « enchantée ! » aussi mièvre que joyeux. Quand Joker se fut tourné vers la prochaine personne qu'il comptait me présenter, soit la femme à longs cheveux blancs tressés, le regard de Queen s'entrouvrit et son sourire reprit sa teinte carnassière. Je m'efforçai de détourner le regard car même si je devais avouer que ce que j'avais appris sur elle ne me mettait pas vraiment dans un état d'aise, c'était plutôt l'énervement qui me guettait.

    « Spade ici présent est le magicien de Kabaret. C'est la première personne que j'ai recrutée. Vous avez face à vous un mage de la fumée et, notablement, ancien trafiquant d'organes déshérité et ruiné que j'ai sorti de la rue. C'est quelqu'un de très calme et depuis qu'il est avec moi, il est bien plus épanoui dans sa magie que dans le commerce de cœurs humains, vous pouvez me croire ! »

    Spade :

    Je frissonnai en le regardant dans les yeux, ressentant une pression sur l'intégralité de mes propres organes qui... Une minute. « Il » ? Comment ça « il » ?

    « Ensuite, le second à avoir intégré le groupe, continua Joker après avoir vu mon visage confus, est King, le clown que vous voyez là. C'est quelqu'un de très paternel. Avant, il était scientifique et centrait ses expériences sur...
    — Je centrais mes expériences sur les siamois. » sourit le très grand clown qui n'avait vraisemblablement pas besoin d'échasses.


    J'eus un doute.

    « … Les chats ?
    — Non non, dit-il, figé dans son sourire. 
    — Oh. 
    — Et il aime bien couper la parole des gens, ce qui a tendance à m'irriter chez lui (Joker donna un coup de talonnette sur le pied de King, un peu énervé bien qu'il gardât son sourire). Enfin... Je l'ai sauvé de l'explosion de son laboratoire secret attaqué par les forces spéciales. C'est comme ça qu'il a atterri ici. Pour finir, les deux demoiselles tout à fait charmantes que tu vois ici, ironiquement appelées Ace, sont originaires d'Enca de parents fioriens et y ont passé leur enfance. Ceci dit, elles ont été enlevées par des braconniers et je les ai trouvées il y a six mois au bord de la mort, totalement dépouillées d'objets traditionnels d'Enca, de leurs vêtements et leur pureté... »


    King :

    Ace :

    Les jumelles sourirent légèrement mais rien n'était forcé ou empreint de tristesse... Joker avait soupiré en haussant les épaules après avoir dit cela, comme s'il ne s'était agi que d'une bêtise d'enfants. Mais ce n'était pas le cas, c'était loin d'être le cas ! Ces deux filles avaient vécu sur Enca, il y avait de fortes chances qu'elle furent cannibales... Sans parler de la manière dont Joker les avait trouvées : presque mortes, sans rien et... violées... Non, décidément, comment faisait-il pour être si posé, si... Je me sentais mal, je ne savais pas pourquoi j'avais envie de vomir, je fus prise d'un vertige en croisant le regard des deux Ace... Je reculai d'un pas, titubant, me demandant si j'étais bien en compagnie de personnes qui avaient fait tout un genre de... choses horribles... !

    Joker me rattrapa, posant une main dans mon dos et une autre sur mon épaule gauche. Il prit une voix douce pour me dire que j'étais pâle. Il me fit asseoir sur une caisse en bois à proximité et me rassura, en quelque sorte, du moins tenta.

    « C'est normal de vous sentir mal face à tout ce beau monde. Qu'allez-vous faire ? Continuer à vouloir nous aider ou prendre vos jambes à votre cou ? (Encore et toujours ce satané sourire) Vous avez peur ? Vous pensez qu'on peut vous faire du mal ? (Le ton de sa voix devenait de plus en plus grave, son sourire en coin de plus en plus vorace alors qu'il plantait son regard carmin dans le mien) Si vous êtes mage, ce genre de situation ne devrait pas vous effrayer tant que ça, si ? »

    Si, cela m'effrayait. Il était trop près, j'étais entourée de trop de gens effrayants... Enfin, en la seconde, c'était Joker qui était entouré de trop de couteaux flottants pour être en parfaite sécurité. J'avais attiré le contenu d'une petite caisse à deux pas de celle sur laquelle j'étais assise. C'étaient des couteaux, sûrement ceux de feu le fameux Diamond. Que j'aie fait cela par réflexe ou par instinct de conservation, je n'en tenais cure.
    J'avais un tant soit peu de fierté, il était hors de question que je m'enfuie. Sérieusement ? Comment pourrais-je après cela me présenter à la guilde ? Comment pourrais-je me tenir droite devant Dirk ? Et ne parlons pas de me regarder dans un miroir... La peur qui faisait battre mon cœur à toute allure se mua en adrénaline et je renforçai mon regard pour soutenir celui de Joker, ne pouvant réprimer un sourire carnassier peu délicat.

    « Ai-je besoin de vous montrer un peu mieux ce dont je suis capable avec des couteaux ? »



    * * *





    Cela ne fut pas nécessaire. En un seul geste de main de la part du Monsieur Loyal, les autres membres de la troupe qui s'apprêtaient à me mettre hors d'état de nuire s'étaient redressés. J'imaginais aisément la confiance et le respect qu'ils portaient à Joker. Cela me fit sourire intérieurement quand je le remarquai. Je me dis que parfois, cela devait être agréable de faire pleinement confiance à quelqu'un... Je songeai à Dirk, qui devait bien être la seule personne de mon entourage à avoir ce privilège de ma part.

    En acceptant d'aider la troupe Kabaret, je m'étais engagée à faire office de lanceuse de couteaux durant le spectacle reprogrammé au lendemain soir. Oh, bien entendu, en intégral bénévolat. Je n'étais pas si avare... Ah ça, être obligé de travailler pour gagner sa vie m'avait changée quelques années plus tôt. À vrai dire, il ne leur avait pas fallu beaucoup de preuves de ma capacité à endosser ce rôle... Lancer les couteaux avec autant de talent qu'en avait certainement Diamond m'était impossible. Cependant... il était tout à fait dans mes cordes de faire croire que c'était le cas.
    C'est ainsi que mon coaching commença. J'avais deux jours pour m'adapter au programme du spectacle, qui fondamentalement n'était pas compliqué. Mais la théorie dans le domaine de l'art est bien plus simple que la pratique et le cirque respectait cette règle à la lettre. C'était d'autant plus difficile pour moi que je n'avais jamais été très sportive... Je m'étais toujours limitée au minimum nécessaire à mon propre entretien corporel. Ainsi, lorsqu'il me fallut débuter la pratique, je me retrouvai quelque peu en terre inconnue.

    Occuper l'espace, première leçon. La plus difficile pour moi. Je n'avais pas vraiment de prestance et ma gestuelle était ce qu'elle était... Lorsqu'on était artiste de cirque, il était problématique d'avoir l'allure d'un pudding. Spade vint auprès de moi en souriant doucement – il était toujours un peu difficile pour moi de le regarder en face en me disant « c'est un homme » tant il avait les traits fins, le teint lisse et pâle, les lèvres rosées et pulpeuses... Je secouai la tête légèrement pour ne me concentrer que sur ses propos. Seule sa voix pouvait contrevenir aux hypothèses que l'on pouvait se formuler quant à son sexe.

    « Ce n'est pas très facile de se faire valoir sur une si grande scène quand l'on est renfermé sur soi-même, n'est-ce pas ? As-tu déjà pris des cours de théâtre – si je puis te tutoyer ? »

    Ne m'attardant pas sur sa fine analyse de ma personnalité, je tâchai de lui répondre.

    « Si cela vous plaît de me tutoyer, étant donné que nous allons travailler ensemble, alors faites. Quant aux cours de théâtre, j'avouerai ne jamais avoir été encline à en suivre...
    — Tu parles bien, pourtant, sourit-il. Manque de confiance ou simple désintérêt ?
    — Je pourrais en dire tout autant de vous. Et j'aurais plutôt tendance à dire que les émotions à la carte ne sont pas vraiment mon fort.
    — Il te faudra, pourtant ! Paraître dépressive sur une piste de cirque est le dernier conseil que je peux te donner : même les jumelles dont on pourrait croire qu'une seule émotion est gravée sur leur visage y parviennent. »


    Je ne me serais pas doutée que cette petite discussion me mènerait à un cours d'acting... Spade savait contrôler ses gestes, il savait mettre de la puissance dans sa voix, en somme il avait de l'allure. J'imaginais aisément qu'il ait pu être noble de par son phrasé et ses manières... Mais cela ne m'intéressait pas vraiment. Ceci dit, je me mis à prendre toute cette histoire un peu plus au sérieux, me surprenant même à être prise au jeu du théâtre !

    « Finalement, ce n'est pas si difficile pour toi de retranscrire des émotions ''à la carte'', comme tu le dis, sourit-il de nouveau.
    — J'imagine que je ne m'étais pas assez impliquée... »


    Une moue incontrôlée se dessina sur mon visage. C'était vrai, peut-être n'avais-je juste jamais cherché à m'intéresser à l'éloquence... Les heures passées avec Spade avaient été assez enrichissantes et je devais reconnaître que cela m'avait amusée – chose rare avec des inconnus, d'effrayants inconnus d'autant plus. J'avais l'impression que quelque chose avait changé chez moi tout au long de cette après-midi... Elle s'était poursuivie par l'apprentissage intensif de la technique scénique en compagnie de Queen, en plus de Spade, avec qui j'étais censée partager du temps de spectacle. Il était à noter que s'il ne s'était agi que d'énièmes révisions pour les membres de la troupe, j'avais été une élève difficile... Et si l'acrobate avait été un peu plus agréable à fréquenter, elle avait été intransigeante.

    Mais surtout, je ne savais pas vraiment quoi penser de tout ça...



    Il était alors la nuit. J'avais pris le temps de prévenir Dirk de toute l'histoire avant de retourner au cirque, taché également d'avertir Sirius de mon retour qui ne se ferait que le surlendemain au matin, certainement. J'étais dans la caravane qui avait appartenu à Diamond. Je n'allais pas détailler la décoration sommaire et carrée de la petite chambre sur roues, mais une chose était sûre, cet homme fut très méticuleux. Mais moi... J'avais tant de papillons dans l'estomac – autant qu'un cerisier accueillait au printemps au moins – que je ne parvenais pas à dormir. Pourquoi ? Alors que le spectacle était prêt et qu'il ne me manquait plus qu'à le répéter, encore et encore, jusqu'à finalement le connaître par cœur ? J'avais mal au ventre, terriblement mal au ventre... Je m'étais pourtant amusée, en leur compagnie... Et ne m'étais-je pas mise à les tutoyer au fil de l'après-midi, sur leurs sollicitudes ? Étais-je en train de devenir sociable ? Je ne pus m'empêcher de rire !

    « Haha, moi ! Hahaha ! Mon sang me quitte, mon être entier se mêle au peuple depuis tout ce temps et je ne remarque rien, huhu, hahaha ! »

    Aaah, mais à qui donc parlais-je ? Ridicule. Mon rire s'éteignant peu à peu, je ne me souciai pas même de savoir si j'avais pu réveiller un membre de la troupe Kabaret...

    « Peuh... Je ne suis même pas noble, je n'ai plus rien pour me rattacher à ce rang, dorénavant. Je ne suis simplement qu'une fille bien éduquée, ni plus... ni moins... » murmurai-je sur un ton d'évidence cynique.

    Je bâillai. À quoi bon user ma salive alors que nul n'était là pour m'entendre... Je me tournai sur ce matelas un peu trop confortable, m'enfonçant un peu plus dans le grand oreiller de plumes. Mes yeux vainquirent quelques secondes mes paupières lourdes pour laisser mon regard contempler une poignée de secondes les étoiles. Je fronçai les sourcils en me laissant aller. Ce mot, étoile... Symbole de beau, majestueux, sage. Tellement peu représentatif de cette gangrène...



    * * *




    Je regardai l'heure. Trois heures trente six seulement. Mon sommeil ne m'avait portée que si peu de temps ? Une heure, j'estimai... Mais tous les efforts du monde ne parvinrent pas à me faire me rendormir. Il n'était pas rare que je me réveille au beau milieu de la nuit, ceci dit. Je mis sur mes épaules la veste que j'avais portée la veille, n'accordant pas d'importance à mes jambes restées presque nues. Tant pis pour le froid : lorsque ces réveils nocturnes me prenaient, sortir un peu était le meilleur moyen pour me rendormir.

    Dehors, je ne vis pas le parc de Rinnovo comme panorama. Les rideaux tendus pour masquer les caravanes et les cages à animaux étaient hauts et opaques. Mes pas me portèrent devant la cage du tigre endormi et je m'assis sur une chaise qui traînait aux abords. Immense bête. Un seul coup de patte et c'en était fini de n'importe quelle personne normale. C'étaient les jumelles qui présenteraient, le lendemain, deux numéros de domptage. En fait, chaque artiste – bien que j'avais énormément de mal à me considérer comme telle, en ce qui concernait le cirque tout du moins – présentait un numéro seul et un autre en collaboration avec un de leurs camarades. Et c'était également avec Queen que j'étais censée présenter le numéro partagé. Mais visiblement, elle ne m'avait pas adoptée car bien qu'elle se fût calmée, par professionnalisme certainement, lors de la répétition, l'animosité à mon égard était toujours aussi visible.

    « Qu'est-ce que tu fabriques dehors ? Tu veux t'enfuir ? » ricana une voix aiguë, reconnaissable aisément par son ton nasal.

    Quand on parlait du loup... L'acrobate m'approcha, arborant toujours son regard et son rictus hautains, pensant peut-être toujours m'impressionner. Oh, mais je m'y étais accoutumée. Ancienne assassine ou non, elle était censée avoir repris le droit chemin aux côté de Joker. Tant qu'il serait là, je n'aurais rien à craindre d'elle ni d'aucun autre. Simplement peut-être de Joker lui-même, mais qu'importait : le lendemain après le spectacle, j'allais reprendre ma route sans eux. L'adolescente interpréta mon mutisme comme une opportunité d'ouvrir la bouche de nouveau.

    « Visiblement non... Oh, suis-je bête ! Ces mages, que d'intègres personnages ! » rit-elle doucement.

    Elle avait attisé un peu de ma curiosité.

    « Qu'a Joker de si merveilleux pour que tant de criminels aient décidé de changer radicalement de vie et de se ranger pour le suivre ? Vous a-t-il domestiqués ? Interrogeai-je dans un rictus à peine masqué.
    — Les animaux du cirque, tu les as à ta gauche (Elle pointa les cages d'un signe de tête succinct). Je daignerai répondre à ta question si tu réponds en premier lieu à la mienne : si tu n'avais plus rien ni personne et qu'à seulement quatorze ans, le chemin que tu avais emprunté pour continuer à pouvoir vivre était si mauvais que son issue était la guillotine. Attraperais-tu la main qu'un inconnu te tend alors que tu n'avais jamais cru au miracle par le passé ? »


    Je restai silencieuse un moment face à sa réponse. C'était une bonne question... que je ne m'étais jamais posée. Elle tourna dans mon esprit, le parcourant de part en part, mais je ne parvenais pas à formuler de réponse claire... Je détournai alors.

    « Je comprends en tout cas que tu aies pu te rattacher à cet espoir. Simplement, si tu avais découvert par la suite que cet inconnu était en fait quelqu'un de mauvais, qu'aurais-tu fait ?
    — Joker n'est pas mauvais.
    — Et s'il le devient ? Ne serez-vous pas tous assaillis de douleur et de rancœur ?
    — Il ne le deviendra pas.
    — Comment peux-tu en être aussi sûre ?
    — Parce qu'il nous a tous sauvés. J'ai tué plus de gens que devait compter ta noble famille, princesse, penses-tu sincèrement que je me serais rangée si facilement ? »


    Je ne répondis rien non plus, que ce soit à sa question ou à l'erreur commise par le choix du terme « princesse » car rien ne me vint à l'esprit. Et quelques secondes plus tard, j'avais presque oublié ce qu'elle m'avait dit. Bah.

    « Tu partiras ce soir après le spectacle, hein. Je ne t'apprécie pas, donc je serai intransigeante envers ta prestation. Cependant tu as l'air intègre donc on va dire que je te fais confiance je n'insisterai pas en te demandant si tu as bien pour intention de ne pas parler de cet aspect de nous au public. Il ne faudrait pas qu'on soit arrêtés. Joker serait le premier dévasté... »

    Et elle repartit sans aucun autre mot, me laissant sur un nouveau rictus de sa part. Je détestais quand l'âge n'était qu'un chiffre, comme cela. J'allais me lever de ma chaise après un frisson dû à la température extérieure – il serait bien malvenu de tomber malade – quand une autre personne vint m'importu– enfin, m'aborder. Joker... Je me rassis donc voyant malgré la pénombre qu'il était bien décidé à entamer une discussion. Ah, si j'avais su tout ça, je ne me serais jamais levée...  

    « Belle nuit n'est-ce pas ? 
    — En effet. C'est aussi pour ça que je reste en sa compagnie.
    — Tu aimes bien la compagnie du ciel ? Moi aussi ! (Il dut tourner la tête pour contempler les cieux à sa gauche, mais je ne fis aucune réflexion sur son cache-œil.) Tu n'as pas froid ?
    — Merci de t'inquiéter mais je vais bien. Me voulais-tu quelque chose en particulier ?
    — Si ce n'est faire un peu plus connaissance avec toi, aucune. » sourit-il.


    Voyez-vous ça... Je me trouvai un peu déstabilisée, enfin, devrais-je dire que je n'avais pas tellement envie de conter ma vie à quelqu'un que je ne connaissais pas et ne reverrai jamais.

    « Tu n'as pas reçu de surnom pour ton séjour parmi nous... Puis-je t'appeler... Heart ?
    — Je te l'interdis. »


    … C'était terriblement mignon comme surnom ! Mais je me voilai la face car, oh non, je ne pourrais soutenir un tel sobriquet !

    « Tu as l'air bien plus à l'aise avec nous en tout cas, je suis ravi de le constater. Tu es sûre que tu n'as jamais pratiqué d'activité scénique auparavant ?
    — Pourquoi aurais-je menti ?
    — Oh, je ne sais pas, n'importe qui en est capable. » appuya-t-il d'un sourire qui semblait m'être tout particulièrement destiné.


    Si n'importe qui pouvait mentir, lui aussi... Mais je n'en tins pas plus cure.

    Joker s'avéra insistant, mais je continuai de donner de sommaires réponses à ses questions. S'il pensait pouvoir me découvrir si facilement, il se mettait le doigt dans le dernier œil qui semblait lui rester. Mais la dernière question qu'il me posa ne me laissa pas de marbre, intérieurement. Quoique peut-être pas seulement, car il me regardait alors attentivement. Perturbant.


    « N'as-tu pas d'amis ? 
    — … Qu'est-ce qui te fait dire cela ? C'est très déplacé.
    — Tu ne me réponds pas ? J'ai donc raison ?
    — J'ai des am–... ! »


    J'allais hausser la voix pour répondre quand je me repris, m'excusant par usage pour mon emportement.

    « J'ai des am–... »

    Pourquoi n'arrivais-je pas à terminer cette fichue phrase, bon sang ?! Joker avait son regard planté dans le mien, son sourire planté sur son propre visage, et il y avait moi, qui n'arrivais même pas à répondre.
    Peut-être parce que la réalité était que je n'avais pas d'amis ? « Mais Nina », me dis-je, « bête que tu es, les membres de ta guilde sont tes amis ! ». Mais les voyais-je réellement comme ça ?


    « Pourquoi ne serions-nous pas amis, tous les deux, alors ? »

    Joker s'approcha de moi et posa sa main sur mon épaule. Je me raidis avant de l'essuyer d'un revers de la main. Je n'aurais jamais dû lever la tête vers son œil rouge, car après ce geste je ne pus m'en défaire.

    « Qui es-tu... ? demandai-je, les sourcils froncés, et peut-être montrai-je les crocs dans le même temps. Oh, pardon, plutôt que veux-tu, bon samaritain ?
    — Tu es assez facile à cerner, Nina. Pourquoi t'aurais-je posé cette question, autrement ? Un seul œil m'aiguille sur toi, mais c'est de ta bouche que j'aimerais entendre la raison pour laquelle tu n'as confiance en personne. »


    Son sourire était doux... Il s'était accroupi devant ma chaise et moi comme on se positionne pour parler à un enfant... « Mais qu'il se pousse, il m'étouffe... » pensai-je, mon regard toujours braqué dans le sien. Il semblait si sincère... Mon cœur battait à un rythme étrangement lent, mais j'en entendais bien chaque rebond. Il voulait que je lui raconte mon passé... ? À quoi bon, qu'allait-il faire de ces informations ? Personne ne les connaissait si ce n'était Dirk et... les autres membres de la guilde !
    Sa tête se pencha sur le côté et son tendre sourire s'intensifia. Cela me donnait mal au cœur, j'avais envie de l'en défaire, par la force s'il le fallait. Parce qu'il ne me connaissait pas plus que je le connaissais ! Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire ?!


    « Tu sais, si tu ne prends pas les devants, ce sera une autre personne qui voudra s'intéresser à toi et fera le premier pas. Mais il y a peu de gens qui s'intéressent à ceux qui se renferment : ils ont toujours peur de quelque chose vis-à-vis de cela. C'est pour ça que l'amitié est quelque chose de difficile à créer.
    — (Après un instant de bégaiement, je lui répondis d'une petite voix associée à un petit sourire en coin, vision antithétique) Quel compliment tu te fais ! »


    Il soupira et se leva, toujours son satané sourire tatoué sur les lèvres. Il me souhaita bonne nuit après m'avoir conseillé d'aller me coucher pour être en forme pour le spectacle. Ah ! S'il n'était pas venu je dormirais depuis longtemps déjà... Ce n'était pas son conseil que j'écoutai mais ma raison et la chair de poule qui s'emparait de ma peau, à tel point qu'on aurait pu y lire une nouvelle en braille.



    * * *





    Nina :

    Tout ce que j'avais à faire, c'était me concentrer. Tout ce que j'avais à faire, c'était supporter cet horrible costume le temps d'une heure, le costume de Diamond. Je devais simplement ne pas paniquer et effectuer tranquillement le numéro si ardemment répété tout au long de la journée. Aisé ? Ha. Que nenni. J'étais derrière le rideau des coulisses, tentant de rester stoïque : j'entendais le brouhaha incessant du public, applaudissant le clownesque spectacle de King, second à passer. Les applaudissements ne cessèrent pas et pourtant il était déjà revenu – moyennant roulades et autres pirouettes – parmi le groupe dans les loges. Je ne me sentais plus du tout à ma place à ce moment-là, même si j'essayais de ne pas le montrer. Tandis que les jumelles préparaient leurs bêtes pour passer à ma suite, je tentai de ravaler ma salive.
    J'allais passer devant près de deux cents personnes, me donner en spectacle au-dessous de tous ces regards. Je commençais à hésiter.
    Je sentis la proximité de Spade, dans mon dos, à ma droite, mais ne me retournai pas.

    « Tu vas y arriver, Heart, rit-il doucement.
    — Ne m'appelle pas comme ça hors de la piste...
    — Dis-toi que ces personnes ne reconnaîtront jamais ton apparence ni ton nom qui ne sera pas cité. Quand bien même attirerais-tu l'attention de plusieurs d'entre eux, tu ne les reverras plus, eux de même.
    — Bon, c'est à toi, princesse ! Tu bouges ? »


    Je jetai un regard énervé à l'attention de Queen qui m'avait crié de m'avancer sur la piste. Mais soit... Il le fallait. Je décidai de m'endurcir, même en façade, gardant un visage neutre quoique déterminé jusqu'à mon arrivée au centre de la scène lorsque Joker, de sa voix pleine d'assurance, de prestance et d'enthousiasme annonça que Heart allait présenter son tour. J'étais sur la piste en moins de temps qu'il lui en fallut pour terminer. Je cherchai ma peur, au cas où seraient restés quelques débris çà et là dans mon esprit.

    Négatif.

    Un grand sourire prit possession de mon visage alors que je tendis mes bras sur les côtés depuis l'avant de mon corps, faisant surgir de mon dos à toute vitesse et freiner aussi brusquement une dizaine de couteaux de lancer, magnifiquement sculptés si on regardait de près. Cachés derrière mes cheveux amplement détachés, aucun spectateur, surtout d'aussi loin, n'aurait pu les voir. Je restai de marbre face aux applaudissements qui retentirent lorsque l'arc de couteaux fut parfaitement dessiné derrière moi, préservant mon sourire.
    Noués à chacun de mes doigts et à chaque couteau, des fils argentés extensibles. Ils brillaient à l'éclairage, ainsi les spectateurs les voyaient s'ils regardaient attentivement. Excusez ma paranoïa, mais je ne tenais pas à me dévoiler pleinement à eux... Je ne serais à leurs yeux qu'une manieuse de fils et de couteaux douée.

    Je traversai la scène aussitôt, les bras et les doigts tendus, amenant avec moi dans un mouvement circulaire chaque ligne de couteaux, réduisant l'espace entre chacun d'entre eux avant de l'augmenter promptement. Il y eut des cris à ce moment-là, puis des applaudissements de nouveau. D'autres gestes suivirent ainsi que d'autres mouvements avec mes couteaux. Des pommes placées sur de petits piédestaux près du bord de la piste allèrent se planter sur la paroi juste au-dessous des spectateurs. Je récupérai huit des dix couteaux dans mes mains, entre chacun de mes doigts. C'est là que le plus amusant allait arriver... tout du moins pour moi !

    Queen fit son apparition sur la scène et Joker réapparut pour annoncer la poursuite du spectacle. Nous avions pris beaucoup de plaisir à ne pas répéter cette partie, elle et moi ! Un sourire en coin point sur mes lèvres l'espace d'une seconde, puis je me tournai vers le public pour lui présenter les couteaux tandis que ma camarade aux cheveux blancs rejoignait son perchoir et s'y pendait par les mains. Je lançai le premier couteau dans sa direction, à toute vitesse, prenant toujours bien soin de faire d'inutiles mouvements avec mes doigts – à vrai dire, ces fils, aussi décoratif soit leur usage, me gênaient plus qu'autre chose... Il fusa sur Queen qui l'évita en rejoignant d'un saut périlleux un second trapèze.

    Alors qu'elle multipliait les figures d'agilité pour tenter de m'approcher, je parcourrai le cirque en me mouvant comme je l'avais appris. Quand Queen commença à fuser sur moi dans d'élégantes roues, je réunis les couteaux autour de moi en un cercle, faisant mimer à mon corps entier un geste circulaire puissant, aussi gracieux que possible, pour justifier la rotation rapide des lames tout autour de moi. Quand ma partenaire de spectacle arriva, évitant mon cercle, face au mur où nous avions tacitement prévu le dernier pas de notre danse agressive, un mouvement de bras me suffit à y envoyer chaque couteau. Un par un, selon une courbe rapide et tout aussi précise, elle les évita par une acrobatie. Les deux couteaux que je n'avais pas récupérés, toujours figés dans le mur opposé, fondirent sur elle à leur tour avant que la hâte des mouvements ne s'estompe. Je me demandais si j'allais attraper le papillon... quand il s'en écarta par une arabesque de toute beauté, longtemps maintenue. Quelques secondes juste après... l'on ne s'entendait même plus respirer.



    * * *




    J'étais dans la caravane que l'on m'avait attribuée le temps de mon « séjour ». Le spectacle était encore en cours mais je m'étais hâtée d'y retourner, ne prévenant que sommairement les autres. Le... problème était que j'étais prise d'une fulgurante montée d'adrénaline après le stress que j'éprouvais au départ. J'avais pu intérioriser tout ça durant la représentation, Dieu savait comment – en tout cas, moi, je n'en savais rien –, mais je n'en pouvais alors plus. Et il était hors de question de montrer cet état à qui que ce soit ici. J'avais réussi à calmer ma légère hyperventilation, mais les battements de mon cœur ne voulaient pas ralentir et il m'était tout bonnement impossible d'effacer un immense et effrayant sourire de mon visage ! Pourquoi avais-je peur ?! Déjà, était-ce le mot juste ?

    … Bah.

    Je regardai par les fenêtre si malgré les – fins – rideaux, nul ne pouvait me voir rire.



    * * *



    Il était neuf heures le lendemain. Le cirque ne faisait plus de représentation, ce qui signifiait pour moi le départ. Je ne savais pas trop quoi en penser finalement. Je ne les reverrais très certainement jamais, sauf s'ils décidaient de repasser par Rinnovo ou si mes propres pas venaient à me porter dans une ville où... Je pensai alors, coupant mon propre fil, qu'il était inutile de me questionner à propos de tout cela. Chaque vie reprendrait son cours de son côté et j'aurais effectué une bonne action et un bon exercice. Joker confirma cela pour moi, enfin, je le pensai dans un premier temps.

    « C'est ici que nos chemins se séparent, Heart. » sourit-il.

    Nous n'étions pas que tous les deux à l'entrée du cirque : Spade était venu me saluer et Queen était là aussi, mais silencieuse, renfrognée même. Quant aux autres, je n'avais pas vraiment eu l'occasion de les connaître un tant soit peu et pour tout avouer je n'en tenais cure.

    « Il faut croire, Joker. C'est Nina, ceci dit.
    — Nous sommes ravis de t'avoir rencontrée, en tout cas. » souligna Spade, sur un ton calme, comme à son habitude – au point qu'on en oublierait qu'il eût vendu des cœurs humains au marché le plus noir qui soit.


    Que répondre... Eh bien, étais-je moi aussi ravie de les avoir rencontrés ? Je repensai à la discussion nocturne de la veille, si tôt le matin, avec Joker. S'ils m'appréciaient, cela voulait-il dire que dans le cas où je les appréciais moi-même en retour, nous serions considérés comme amis ? J'envisageai la question en une seconde ou bien deux...

    « Ce fut un plaisir pour moi aussi. »

    Et je souris, légèrement. Je ne savais toujours pas qui dans mes connaissances considérer comme mes amis. Avant d'entrer à la guilde, je n'en avais pas... Ma sœur en avait des tas des bas quartiers, avant ! Mais moi non, et même à Rinnovo je n'en avais jamais eu. Enfin, en tout cas, jamais avais-je considéré quelqu'un comme mon ami. Le principe de l'amitié n'était-il pas la confiance ?

    Oh, qu'importait, pour le moment ?

    J'allais passer le portillon du cirque une seconde et peut-être dernière fois. Je devais être honnête, ne pas me voiler la face plus que nécessaire : je m'étais amusée. Au moment où ma chaussure foula le chemin du parc, une voix sèche m'interpella. Nasillarde, comme toujours.

    « T'as oublié ça. »

    Queen était si lunatique que c'en devenait dérangeant. Je ne savais pas que me valait l'honneur de tant d'animosité mais elle était bel et bien présente dans l'air. Assez irrespirable.
    Je me tournai juste à temps pour attraper ce qui allait me percuter à importante vitesse : un paquet emballé sommairement dans un tissu tristement blanc. Je n'eus pas le temps de poser une quelconque question sur son contenu car l'acrobate, presque entrée dans le chapiteau, me pris de court.

    « C'est ton costume. Je suis sûre que tu serais capable de nous oublier : les princesses n'ont pas à se souvenir des petites gens. Et je déteste qu'on m'oublie : si je ne tue pas, j'exige qu'on se rappelle de moi, tu m'entends ? »

    Et elle disparut. Si j'avais pu voir son visage alors qu'elle prononçait ces mots, j'aurais pu employer un qualificatif pour nommer le ton, fâché et rieur en même temps, qu'elle avait employé. Mais ce ne fut pas le cas. Soit.

    Avant de rejoindre la guilde grâce à Sirius, je passai saluer une dernière fois Dirk. Il était venu au cirque et c'était bien la seule personne – peut-être aussi Madame Griotte, la fleuriste, si elle était venue, mais j'en étais bien moins sûre – qui m'avait reconnue durant le spectacle ! D'ailleurs, il me dit avoir particulièrement apprécié mon cerceau hérissé, ma « ronde de dagues » : j'en étais ravie. Nous discutâmes une poignée de minutes et aussitôt après, je disparus.

    Plus qu'un rapport à rédiger et j'allais pouvoir reprendre la lecture de mon dernier roman avant une longue sieste. J'en avais terriblement envie. Quant aux entraînements, eh bien... Celui-ci avait duré deux jours et s'était avéré particulièrement enrichissant ! Ce fut ce que je pensai, alors qu'ouvrant, dans mon dortoir, le paquet contenant le costume que je ne porterais plus jamais je découvris un des somptueux couteaux que j'avais utilisés lors du spectacle, accompagné d'un mot enroulé autour. « Prends-en soin. » écrit en pattes de mouches, que je mis bien plusieurs secondes à déchiffrer. Un sourire en coin m'échappa. Se trouvait également à l'intérieur une petite carte blanche, ornée du motif présent sur le cache-œil de Joker. Je la tournai et la lis.

    « Je ne renonce jamais quand l'on me met au défi. Parce que je ne doute pas que l'on se reverra, Heart : à la prochaine ! »

    J'éclatai d'un rire cristallin, fort, un peu trop. Heureusement étais-je dans ma chambre : j'avais vraiment besoin de dormir !

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    Qu'est-ce que je peux dire, sinon S+ ?

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    Blblblbl g fé 1 konri je règl sa par Raziel Dim 21 Fév 2016, 21:17
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    Voici la correction :

    - C'est un entraînement, il rapporte donc 500 points de base.

    - Le rang S+ te rapporte également 500 points.

    - Ton entraînement comporte 386 lignes, soit 3 860 points.

    - Je crois bien qu'il y a le bonus Perfection (les délateurs, manifestez-vous !)

    - Au niveau de la Cohérence, je n'ai rien à redire, même s'il n'y a pas énormément de choses à articuler pour l'heure, disons 50 points.

    - Le cirque est un domaine qui fut fort peu employé pour l'heure : +50 points d'originalité.

    - J'ai beaucoup aimé cette historiette et ses aspects quant à l'évolution psychologique de Nina, elle te rapporte 350 points.

    - Le rendu est excellent, les images très bien choisies : voici 100 points.

    - L'humour – noir sombre – entre Nina et Queen, est jovialement caustique : 150 points.

    - Pour un rendu excellent et une orthographe sans bavure, avec une syntaxe qui progresse à chaque fois : 250 points.

    TOTAL : 5 810 points, que l'on arrondit à 5 900 !

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