Uchrona Prima – La Cour de l'École

Pris totalement au dépourvu, je venais d'être sauvé par un individu très agréable à regarder, je devais l'avouer. Il m'adressa un clin d’œil qui m'alla droit au cœur. L'homme en face de moi devint immédiatement plus beau à mes yeux.

"Génial, un coup de foudre..." pensais-je. Malgré mon agacement, un certain instinct me poussait à prolonger la conversation, chose pour laquelle je n'étais absolument pas doué.

"Merci ! Je savais pas comment m'en débarrasser..." la façon dont je bégayais était lamentable, je devais me ressaisir. "D'ailleurs, je ne sais pas où est la bibliothèque - c'était absolument faux - est-ce que t... v... heu... J'aurais besoin qu'on m'accompagne, s'il t... v... Pitié."

Quelle larve je faisais.

"A-Ah ! Merci, Edwin... Je, euh, m'appelle Liesel."

Lorsqu'il passa son bras autour de mes épaules, un léger frisson de surprise me parcourut, suivi d'un frisson de gêne. Il était soudainement tactile avec moi, sans que je ne susse pourquoi... C'était étrange... J'étais de nature plutôt tactile, mais un tel comportement inattendu, de la part d'un inconnu, me mettait légèrement mal à l'aise. Je devais m'y résoudre : ce coup de foudre passa aussitôt qu'il eût posé son bras. Peut-être étais-je trop timide... Ysaline et Ilhem étaient peut-être les seules personnes avec qui je pouvais me montrer ouvertement tactile.

L'homme m'invita à recourir à son aide la prochaine fois qu'un problème arriverait. "D'accord, j'y penserai." Il m'adressa également un sourire que, bizarrement, je ne sus pas traduire. Je n'aimais pas ne pas comprendre les visages des gens. Je lui rendis néanmoins, car bien que trop familier, il était sympathique. Et puis... peut-être que j'appréciais ce bras autour des mes épaules, au final... Enfin, encore aurait-il fallu qu'il arrête de me tirer ! Je me dégageai en sentant une légère douleur dans la nuque, puis tentai d'engager un peu la conversation.

"Sinon, Edwin, tu fais quoi ici ?"

Nous passions à travers des couloirs dans lesquels je me souvenais m'être perdu plus d'une fois, par le passé.

Ce gamin est vraiment une crème, ça me change des voyous qui traînent habituellement dans les couloirs. En plus, il m'a l'air relativement intelligent, ni trop coincé, ni complètement couillon. Cela me rassure de voir que cette école accueille aussi des personnes normales. Bien qu'un peu timide, ce jeune Liesel me parait être la parfaite incarnation d'un élève moyen d'université, dans le sens "habituel" et non pas "moyen bof", évidemment.

M'arrêtant lorsqu'il retire mon bras de ses épaules, je l'écoute me poser sa question avec un certain étonnement. Souriant d'avantage, je désigne la manche souillée de ma chemise.

- M'enfin, Liesel, tu crois que je m'amuserais à calmer les élèves au risque de détériorer jusqu'à mes propres vêtements si j'avais été autre chose que surveillant ?

Il est bien vrai que se monter d'autres étudiants à dos, en l'étant soi-même, c'est plutôt dommage. Quand à materner les élèves en étant professeur, c'est une énorme perte de temps et d'énergie.

- Même si j'aurais adoré étudier les arts... Ou enseigner les sciences de la vie... ? Je ne sais pas...

Je regarde à présent distraitement un point invisible au dessus de Liesel, rêvant d'un autre vie.

Un surveillant ? Cela pouvait sembler, dans n'importe quelle Académie. Pourtant dans celle-ci, les choses étaient bien plus compliquées. Avec la guerre des gangs, tout était possible. Étrangement déçu par cette révélation, je me contentai d'un "mmh mmh" souriant pour répondre à sa bonne humeur.

Immobile, l'Edwin semblait comme perdu dans ses rêves. Derrière lui je pus voir le panneau indiquant que nous étions devant la bibliothèque.

" Alors pourquoi ne pas surveiller la bibli' ? Tu pourrais en profiter pour lire des livres sur l'art ou la biologie ? Après-tout, il faut en profiter. "

Il me regarda en souriant à nouveau, ce qui me stoppa net alors que j'ouvrais la porte. Il avait un visage agréable à regarder, c'était quelque chose qu'on ne pouvait pas lui retirer. De plus, les gens s'intéressant à l'art étaient rares de nos jours, surtout avec toutes les batailles qui prenaient place dans notre Académie.