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    Le Pays Ignoré






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    Le Pays Ignoré par Nina Andersen Lun 02 Nov 2020, 23:25
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes







    LE PAYS IGNORÉ (I)

      Plénitude.


    Nina possédait cette dégaine tranquille que l’on tient contre un balcon, en observant l’horizon. De la fenêtre de sa chambre, son regard portait sur l’immensité d’Alkonost et ses eaux orangées, vallonnées de ponts en pierre blanche. Même en forçant sur ses yeux, il lui était impossible de distinguer l’intérieur des terres pergrandaises.

    La péninsule n’avait pas à se plaindre du petit air frais qui rendait ces méditations sur le balcon plus plaisantes. Malheureusement, les pensées de la jeune femme n’avaient pas répondu à l’appel de la joie farouche, du simple bonheur de mener une vie sereine.

    Dans quelques heures, elle allait au restaurant. Impossible de dire où, ni ce qu’elle allait manger, mais c’était bien le cadet de ses soucis. Dans son dos, comme elle avait la fenêtre ouverte, elle percevait jusqu’au plus profond de son âme les sons de la pendule. C’était presque si elle avait décompté chacun d’eux, puisqu’elle en déduisit l’heure exacte sans trop y réfléchir.

    Bientôt vingt heures, le temps de descendre les étages et traverser le grand hall d’Altaïr. Et malgré le temps qui courait, elle attendait toujours l’insouciance qui s’illustrait par son absence.

    Durant les deux jours suivant le retour de Sin, au côté d’une escorte de quatre chevaliers, nouveaux bienfaiteurs nationaux, Nina avait suivi la tendance générale. Un sourire qui ne prenait guère de plaisir à se manifester et cette impression désagréable de victoire incomplète.

    Parler d’une impression sonnait si faux... Tout le monde, du monarque au sujet, savait que rien ne s’était encore joué. Bien entendu, à la différence du premier, les simples têtes peuplant le pays ne connaissaient rien des Cloches d’Exitia ou des Runes asgardiennes.
    Ils ne connaissaient rien de ce qu’elle endurait, elle.

    Dans une tentative de libérer le souffle qui pesait sur son cœur, la jeune femme se retourna et retrouva ses murs. Doucement, elle ferma la fenêtre. Clore la pièce ne fit qu’accroître l’écho des tics, des tacs.

    Était-ce bien utile de perdre autant de temps alors que d’autres Cloches devaient être détruites ? Deux jours perdus par la faute d’Alyce, enfin... de sa volonté de préserver Nina le temps qu’elle récupère de ses blessures. Et puis… la seule personne qui aurait pu tracer les faits et gestes des Théologistes n’était plus là aujourd’hui.

    « Puii ? »

    Sur le lit, tranquille, Igni interrogeait sa maîtresse. Ne devait-elle pas finir de se préparer et le confier à Enyo avant de partir à son rendez-vous ? Comme si elle lisait les pensées du petit être, Nina sourit doucement.

    « Entends-tu mon cœur battre ? demanda-t-elle avec tendresse. Je ne sais pas où me mettre. »

    * * *

    Le crépuscule n’était pas tout à fait éteint lorsqu’elle posa le pied sur les pavés d’Aefsati. Il faisait bon, l’air était agréable, mais Nina en ressentait d’autant plus la chaleur de ses joues. N’était-elle pas ridicule ? Elle se sentait comme une adolescente, comme la jeune fille qui voulait épouser son majordome dont elle était secrètement – croyait-elle – amoureuse.

    Mais après tout, c’était son seul moyen d’exprimer cette chaleur qui diffusa en elle à ce moment. Lorsqu’elle croisa le regard de celui qui l’accompagnerait ce soir.

    Le concernant, justement, la milice avait fait de lui quelqu’un de plus assuré. L’on était en droit d’attendre d’un chevalier royal qu’il soit fort, sache se tenir, après tout. Pourtant, l’émotion n’épargnait pas Zélos, qui hésitait à tendre sa main à la jeune femme de peur que ce ne soit trop osé. Après tout ce qu’ils avaient traversé ! Il avait pourtant répété cette scène deux jours durant… Mais jamais il ne l’avouerait.

    Sans un regard, Nina s’avança d’un pas vif. Elle se saisit du bras du chevalier et l’entraîna à sa suite, sans pour autant savoir où il fallait aller.

    « Où m’emmènes-tu, Wilder ? Cela fait longtemps, je crains que tu n’aies oublié mes goûts… »

    Zélos n’interpréta pas tout de suite le sérieux de ce visage éclairé par les derniers rayons du soleil. Comprenant finalement que c’était son moyen à elle de masquer sa gêne, ses pas suivirent le mouvement et ses lèvres s’étirèrent en un sourire satisfait. C’était bien elle.

    « Un boui-boui de quartier, on y mange rapidement pour pas cher. » plaisanta-t-il.

    En soupirant, il regarda Nina se tourner vers lui, les sourcils froncés. Et la détailla longuement. Ses cheveux courts encadraient un visage légèrement maquillé. Son corps était enveloppé d’une longue robe blanche détaillant ses courbes. Le buste et les manches, drapés de volants et retenus par un ruban noir, tombaient de la base de son cou aux épaules. Il était loin de se douter du temps qu’il avait fallu à la magicienne pour choisir cette tenue… Cela dit, lui-même avait bien passé des heures à se préparer pour au final porter une chemise blanche et un pantalon noir !

    Voyant qu’elle s’impatientait et que le soleil n’était pas en reste, Zélos interrompit ses pensées.

    « Je pense que tu ne seras pas déçue. C’est le premier restaurant dans lequel je suis allé, après mon arrivée à Alkonost. Le chef de mon unité nous a généreusement invités, ce qui a rendu la nourriture encore meilleure !
    — Rapiat.
    — Ben voyons ! Je suis sûr qu’au fond tu es bien contente de te faire inviter ce soir, sourit le chevalier sans détourner le regard de la route.
    — Qui a dit que tu m’invitais ? pouffa Nina en haussant le sourcil.
    — Moi. »

    Intraitable, Zélos se ferma à toute tentative de négociation et poussa la porte du restaurant. L’Horizon les accueillit en grandes pompes, signe du prestige de l’établissement, ce à quoi Nina ne s’attendait pas. Enfin, pas à ce point !

    Le repas fut délicieux, long et animé. Les mois qui avaient séparé ce soir de leur séparation avaient été chargés en aventures et émotions, en secrets et en doutes. Le destin, si tant est qu’il existât, avait décidé de ne pas perdre de temps. Eux qui pensaient ne pas se revoir avant des années…

    « Tu t’es illustré, à ce que je vois. Comment un apprenti chevalier peut-il escalader les échelons aussi vite ? Tu as joué de tes charmes ou soudoyé les maîtres, je ne vois que ça, ironisa Nina alors que son interlocuteur se répandait sur ses histoires à l’école militaire.
    — Car je suis le grand Zélos, bien sûr ! Enfin, je dois bien avouer que je ne m’attendais pas du tout à recevoir ce poste… Honnêtement, je ne le mérite pas. Les trois autres sont bien plus talentueux que moi, sans parler d’Aiakos. Peut-être le chevalier le plus puissant de tout Pergrande s’il utilise son véritable pouvoir. »

    Zélos semblait admiratif de cet homme. Pourtant, la simple évocation de son nom donnait de l’urticaire à Nina. Elle était consciente qu’il lui faudrait du temps, qu’elle devrait apprendre à mettre certains griefs de côté pour ne pas vexer celui qui n’y était pour rien dans les sombres histoires de son passé…

    La soirée se poursuivit sans jamais aborder le sujet des Théologistes. Les magiciens voulaient de la tranquillité. Depuis combien de temps n’y avaient-ils pas eu droit, après tout…

    Zélos vivait à la caserne, dans le quartier de Barastyr, depuis sa nomination au poste de Canta Dovahe. Il tint à raccompagner Nina jusqu’à ses quartiers, au cœur d’Aefsati. De tout le trajet, ils tinrent des discussions variées, parfois sur le ton de l’émotion. Le grand cru qui parcourait leurs veines devait y être pour quelque chose.

    « Bon, eh bien… tenta Zélos, hésitant. J’imagine que tu n’as pas besoin de moi pour monter les escaliers ?
    — Ce serait m’insulter que le croire ! » ricana la brunette.

    Le temps semblait si lent… S’étaient-ils regardés ainsi, les yeux dans les yeux, pendant plusieurs minutes ou plutôt secondes, sous la lueur des lampadaires ? Personne n’était aux alentours pour donner un ordre d’idée. Aucun des protagonistes ne savait quoi dire à l’autre ou juger le moment opportun pour faire le premier pas vers l’au revoir. Ils savaient tous deux que lorsque la prochaine Cloche serait localisée, ce serait une nouvelle bataille qu’il faudrait surmonter. Et, avec cela, l’impossibilité évidente d’aller au restaurant. Temps troublés.

    Il fallait croire qu’ils n’étaient pas faits pour une vie normale.

    « Fais attention en rentrant. » se risqua à murmurer Nina avant de, finalement, se retourner.

    Une moue redessinait son visage, mais elle prenait soin de ne pas le montrer. Quelque chose en elle voulait sortir, mais elle ne pouvait le permettre. Tout en elle lui hurlait pourtant de lui tendre la main. De l’entraîner avec elle. Mais la peur de mourir demain était plus forte. Demain, elle aurait enfoui quelque part ces sentiments trop puissants pour être sains en ce temps de guerre. Elle les aurait scellés au plus profond d’un cœur d’acier…

    N’attendant que de revoir ses yeux d’azur pour le regretter.

    * * *

      Dans une impasse ?.


    Le lendemain, Nina avait été réveillée de bonne heure par Enyo. Igni se trouvait à ses côtés, sous sa forme enflammée. Il était tout excité ! La lancière s’exprima avec une émotion non dissimulée sur les raisons de sa venue matinale.

    « Nina… La Cloche a été trouvée ! »

    Dans la précipitation, la jeune femme s’habilla sobrement et se contenta de réunir ses cheveux en une tresse, à contre-cœur, pour se rendre au plus vite dans le bureau d’Alyce Aleïev. La maîtresse d’Altaïr se trouvait autour d’une table qui n’était pas là d’habitude, entourée d’individus que Nina n’avait jamais rencontrés. Ils étaient pour la plupart au moins d’âge mur, d’un sérieux et d’un charisme indéniables. Assis, ils écoutaient les murmures d’un vieil homme élégant aux oreilles de renard.

    Même si les deux jeunes femmes avaient reçu l’autorisation d’entrer, l’attention ne leur fut pas due immédiatement. Elles se regardèrent, intriguées par la réunion à laquelle elles étaient totalement étrangères… Ou peut-être pas tant que ça.

    « Enyo, Nina, je vous remercie d’être là. Asseyez-vous, s’il vous plaît. »

    Le ton d’Alyce était sans équivoque. Elle expliqua que la deuxième cloche d’Exitia aurait été localisée à Joya, le pays interdit. Niché entre quatre nations, au centre même d’Humanitas, ses montagnes immenses et bien gardées proscrivaient tout accès à ses terres mystérieuses. Rares étaient ceux ayant pu les apercevoir ne fut-ce qu’une fois, à leur frontière. Et la cloche se serait trouvée là-bas ? Nina semblait dépitée, dans l’attente d’une solution proposée par ses supérieurs… Mais à côté d’elle, Enyo jubilait silencieusement.

    « Je souhaiterais y aller, Dame Alyce ! scanda-t-elle finalement.
    — Si je vous ai convoquées toutes les deux c’est justement en ce but. Je connais bien ton rapport avec Joya, Enyo. Il me semblait donc que tu étais la première personne à qui je devais confier cette mission. Comme bien sûr tu ne peux pas t’y rendre seule, ton équipe t’accompagnera, tandis que les Canta Dovahe seront mobilisés pour la recherche d’une autre Cloche. Il y a cependant quelque chose qu’il est important de préciser… Lug, voulez-vous ? »

    L’intéressé, qui ne s’était pas assis depuis le début de la réunion, se redressa pour faire face aux jeunes femmes. C’était un Némédien âgé, aux longs cheveux blancs noués en une très longue queue de cheval. Sa barbe était immaculée et son regard, d’ambre clair, perçant et bienveillant à la fois, ponctuait un visage affectueux. Enyo semblait contente de le voir, car elle sourit lorsque leurs regards se croisèrent.

    « Hum hum, eh bien… Sachez que votre tâche ne sera pas de tout repos. Des rumeurs courent qu’il s’agit du seul pays où vivent les Elfes, aux côté de peuplades dont nous ignorons si elles ont vécu sur le reste d’Humanitas un beau jour. Avec une Ange parmi vous, l’entrée vous sera peut-être octroyée ? Malgré tout, une fois que vous serez parvenus à entrer, rien ne vous dit que la Cloche sera bien là-bas.
    — Mais… Ne nous avez-vous pas convoquées en affirmant qu’elle se trouvait à Joya ? s’enquit Nina, dubitative.
    — Nous ne pouvons pas être certains d’une source qui s’avère, en réalité, être un Démon. »

    Nina et Enyo retinrent une exclamation de surprise. Un Démon ! Quel Démon serait assez fou pour trahir la position d’une arme capable d’invoquer son peuple à une organisation voulant les détruire ? Il devait s’agir d’un membre de leur espèce déjà présent sur Humanitas, suffisamment affin avec l’aether démoniaque pour sentir la présence d’une Cloche, mais… En quel but aurait-il donné une telle information à Altaïr ? Toutes ces questions trottaient dans l’esprit de tous ceux présents autour de cette table. Nina porta sa main à sa bouche, plongée dans une intense réflexion…

    « Ce Démon n’a pas décliné son nom, se contentant de nous faire parvenir une lettre, poursuivit Lug de sa voix calme et usée par le temps. La voici. »

    Enyo réceptionna le bout de papier et tenta de déchiffrer les pattes de mouche qui l’ornaient. Nina semblait troublée, mais n’osait pas croire en ce qu’elle imaginait.

    « Un Démon de notre côté, ce serait ironique, quand même !
    — Cela pourrait tout à fait être un piège, confirma Alyce. C’est pourquoi nous vous sommons de faire preuve de prudence. Le temps joue contre nous, mais se précipiter n’offrira rien de bon. Si vous parvenez à pénétrer dans les terres de Joya, tâchez de vous y faire des amis. Mais hormis cette évidence, nous n’avons aucun conseil à vous donner, faute de connaissances… »

    La réunion terminée, les deux femmes rejoignirent Loki au mess. Il avait déjà réservé une table et les y attendait, une cuillère dans la bouche, songeur.

    « Pourquoi n’as-tu pas été convié dans le bureau d’Alyce, Loki ? demanda Nina.
    — Oh, tu sais… Je l’étais.
    — Il n’avait pas envie de subir les affections de son grand-père, haha !
    — Ton… grand-père ? »

    Tout fit sens. Le grand Némédien, seul membre de sa race au sein du conseil qui avait présidé la réunion, ne pouvait être que le grand-père de Loki !

    « Il a tendance à être très… démonstratif, lorsque cela fait longtemps qu’on ne s’est pas vus. Et je n’étais pas d’humeur, ce matin.
    — Quelque chose ne va pas ? »

    Enyo, inquiète, posa sa main sur l’épaule d’un Loki déprimé. Nina ne savait pas trop quoi faire, préférant rester en retrait. Ils se connaissaient depuis longtemps : son amie saurait mieux trouver les mots pour réconforter Loki. Pendant ce temps, la brunette réfléchit au pressentiment qui ne quittait pas son esprit. Elle interrogea Asgard, silencieusement, les yeux clos.

    « J’ai ma petite idée sur l’identité de ce Démon bienfaiteur. Ressens-tu sa présence autour de nous ?
    — Non, je suis navré.
    — Mhh… grogna Nina, embêtée. Peut-être que nous le rencontrerons sur place, à Joya. Y es-tu déjà allé, de ton vivant ?
    — Oui. C’est un endroit magnifique, peuplé de races merveilleuses de l’espèce humaine qui ont disparu du reste du monde. La magie y domine. Je ne serais pas surpris qu’un Démon y ait trouvé un jour sa place, construisant, en accord avec les siens, une Cloche d’Exitia.
    — Personnellement, je m’étonne qu’Enyo ait un quelconque lien avec ce pays. C’est peut-être notre clé pour y accéder, mais elle n’a encore donné aucune explication… »

    * * *

      Destination  Joya.


    « Tu rêves de Joya depuis toute petite ? s’étonna Nina
    — De ses terres, de ses peuples, alors que je ne les ai jamais vus. Je ne me souviens que de ma vie à Altaïr, depuis que je suis toute petite. Mais j’ai toujours ressenti quelque chose de particulier pour ce pays, sans jamais pouvoir assouvir mon envie de le visiter pour des raisons évidentes. Dame Alyce le sait bien, c’est pour cela que nous avons été choisis !
    — Et probablement aussi puisque nous sommes des mages de rang S. » ponctua Loki en haussant les épaules.

    En effet, ce n’était pas une mission à confier à n’importe qui. Sûrement qu’une femme liée par une force mystique à ce pays, la porteuse de l’âme d’Asgard et le petit fils de Lug de Némédia étaient les mieux placés pour réussir pareille mission.

    Nina s’inquiétait pour les Canta Dovahe. Le soir dernier, Zélos avait bien dit qu’Aiakos était un des chevaliers les plus puissants qu’il ait jamais connu, pourtant… Elle ne les imaginait pas en sécurité. Leur Cloche, peu importe sa localisation, serait une corvée à détruire si un Apôtre la gardait, et ce serait le cas, absolument. Le quatrième et le troisième avaient été vaincus à Sin, le cinquième n’avait encore jamais repointé le bout de son nez. Demeuraient encore en vie les deux plus puissants, et Mattheum. Ce dernier avait causé du tort à Nina qui ne pouvait pas le sous-estimer. Elle espérait malgré tout que, quitte à faire face à un Apôtre, ce soit lui qui croise leur route.

    Un sort de téléportation très puissant porta les magiciens sur la côte est de Desierto. De là, des jours de voyage les attendaient. Lorsqu’ils parvinrent enfin à proximité des montagnes joyennes, le soleil se levait à peine.

    « Faites gaffe, les avertir le guide local qui les avait accompagnés. Paraît que certains ont tenté de passer la frontière et se sont fait cramer sur place, ou foudroyer, les versions sont nombreuses. Enfin je vous fais confiance, vous êtes adultes, vous savez ce que vous faites. »

    Remercié, l’homme trapu s’en alla tranquillement, refusant d’aller plus loin vers les montagnes. Enyo trépignait sur place, incapable de se tenir. Son cœur battait à tout rompre, et ça n’allait pas en s’arrangeant.

    « Vous croyez qu’on va être foudroyés ? s’inquiéta Loki.
    — Oh, tu sais, personnellement… » plaisanta Nina, confiante.  

    Il s’agissait désormais de trouver un moyen de traverser la frontière. Les monts se dressaient, rudes, massifs, comme une barrière infranchissable face à eux.

    « Je pense que s’annoncer nous causera moins d’ennuis que tenter d’entrer en douce, proposa Nina. On ne sait pas si les Joyens sont pacifiques ou belliqueux, peut-être que les intrus ayant tenté de forcer le passage étaient armés ou avaient de mauvaises intentions.
    — Je suis d’accord ! Et puis, de ce que j’ai entendu, si on y entre on n’en sort plus, mais ça doit bien vouloir dire qu’il est possible d’y entrer. »

    La lancière ne tenait vraiment plus en place. Elle décréta que le plan était validé, sans même attendre l’avis de Loki, et courut vers la frontière, comme seule au monde. Dépités, ses camarades la suivirent avec prudence.

    « Eh, y a quelqu’un ?! » scanda la blondinette.

    Silence.

    « Nous venons en paix ! Je m’appelle Enyo Astérion, et voici mes amis, Nina Andersen et Loki de Némédia ! Quelqu’un est-il disposé à nous recevoir ? »

    Silence.

    Cela semblait si naïf de croire que le pays le mieux gardé du monde accepterait une entrevue si facilement. Avec du thé, tant qu’à y être ? Ils ne parlaient peut-être même pas la langue universelle…

    « Q̷͉̭̙̣̥͛ù̸̳̫͒̀̍̕i̸̘͙̐͛̿̑̇̕͘͝t̴͈̏͐̅͒͛͒̿t̷̨̳͖̤̗͓̹͎̾̃̌͐͝ë̸̳͆̈̀͘͘͝z̴͍͊͝ ̵̤͔̥̺̅͗̄̔̓c̶͎̏ę̸̫͓̪̯̹͂͌̐͘ŝ̸̠̘̼̋͗̈͆͆͝ ̵̡̛̛̖͎̲̗̘͖̬̋̑̈́l̴͙̣̆͘͠i̴̡͎͕̺̣̟̎ͅë̷̯̣̖͔̭̠́̒ͅu̸͇͉̯͉̝̖͑͒̒̓̽͝͝x̷̧̡̯̟̭̀͠.̷̨̤̫̻̮͎̺̥͆̐͗̔̈́ »

      Le pays ignoré.


    Sursaut. Une voix avait jailli de nulle part. Ces mots, prononcés avec un accent étrange, étaient pourtant très clairs.

    « Mais le monde court un grave danger ! » insista Enyo.

    Elle ne semblait pas intimidée. Pourtant, son cœur battait à tout rompre. Mais c’était son opportunité, la chance de peut-être voir le pays qui hantait ses rêves depuis si longtemps… Comprendre pourquoi. Et si par la même occasion elle pouvait contribuer à sauver le monde en y allant, il était impossible de reculer.

    Une flèche s’abattit à côté d’elle, emportant une mèche de ses cheveux d’or dans son sillage.

    « C̵͈̻̄̈́͠é̴̡̡̮̭͚̱͆̈́͊͗̌l̸̮̞̯̹̳͙̝͋̂̈́̿̈́ͅa̸͕͔͕̗͔̗̍̿̈ ̴̞̆ņ̸̛̪̮̪̞͓̠̝͑̽̃́͊͋̚e̴̼̋ ̸̯͍͖͉͖̙̪͌͋͒ṋ̴̪́̀̇̓ò̷̭̪̠̖̫͖̼̃̀̓̑̕u̸̻̫̭͕̟̇͗̊̄͜͜ͅs̴̗͍̚ ̴̛̗̮̤̣̻͍̿̇̊̋c̶̤͕̱̔̏͆̅o̸̱̯̩̼̰͒́͝ͅn̷̢͈͚̰̖̂́́̕͝c̴̢͙̙͔̣̑̈̍̍e̶̛̝̪͌̊͌͐͆̐͂r̷̺̙͈̩̓͠n̵̗̯͑̓͊̏͠͝͝ͅẽ̷̢̹̼͔̼͚̤͕̍͆̓̅̄̈͒ ̷̛̠͍̠̻̎̔̏̄̀̍͝p̷͔̺̭̰̹̪̰̓͗̀̿̚͝ậ̵̙͙̣̬s̸̫̪̗̬̉̾.̵̢͖̰͠ͅ »

    Une deuxième flèche fusa, repoussée par un écran d’énergie déployé par Loki.

    « Nous pourrions vous raconter toute l’histoire, chacune des raisons qui nous mène ici, si seulement vous acceptiez de nous écouter ! Je vous en supplie… Je… Je ne souhaite pas que le grand chêne que je vois en rêve périsse. Que la rivière splendide qui parcourt la ville aux cent moulins s’assèche et n’existe plus… Les Démons en ont après Humanitas, un de leurs artefacts se trouve à Joya, et nous sommes ici pour le détruire. Et si je mens, que ma vie soit prise, comme celle de mes camarades ! »

    Nina et Loki ne semblèrent pas très à l’aise avec la dernière assertion de leur camarade, mais firent tout pour ne rien laisser transparaître. Les flèches, qui continuaient d’affluer, ne venaient jamais de la même direction. Aussi leurs regards étaient-ils rivés sur un point d’horizon, droits et fiers bien qu’incertains. Enyo mettait tout son cœur dans la description de ses rêves pour que les Joyens acceptent de croire qu’elle n’était pas n’importe qui. C’était le seul moyen pour se voir accorder une entrevue.

    « Je vais l’aider… décida Nina.
    — Ah oui, et comment ? interrogea Loki tout en tentant de maintenir la barrière autour d’eux.
    — Joya respecte peut-être les Anges, après tout. »

    Nina s’avança, Igni flambant à ses côtés. Elle ne pouvait pas laisser Enyo seule à s’acharner pour un laisser-passer. C’était aussi sa mission, en tant qu’envoyée d’Asgard. Détruire la Cloche et l’Apôtre qui la gardait, c’était aussi purifier une nouvelle Rune, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus. C’était priver les démons du pouvoir qu’ils recherchaient.

    Enyo regarda son amie déployer ses ailes d’une blancheur angélique. Une larme d’émotion lui échappa, sans trop savoir pourquoi.

    « Je suis Nina, envoyée d’Asgard, l’Ange qui voilà des siècles a arpenté cette terre qu’il a toujours chérie. Le connaissez-vous ? Avez-vous des souvenirs de sa légende ? Nous ne sommes pas ici pour faire du mal à votre nation. Son existence, son secret, son indépendance… Rien ne nous dérange, rien ne nous échappera.

    — A̵͍͖͝s̸̫̓g̶̩͈̥͙̈́a̴̛̼͈͛ŗ̶̢̖͎̉̏̐͝d̴̢̧̨̂ ̶̠̱̹̇̈̏e̵̬̹͑̓s̶͚͘͘t̶̼̔͂̎̕ ̴͍̠̉̿m̵̢̛̦̱͊̏̕ó̵̳͒̒̑r̴͉͐͐̋̍ṫ̵̠̳͋ ̸̡̺̑d̴̯̺̤̎͑͜é̴̪̟͚̈͑p̶̦͈͓̄̏́͗u̶̮̞̙͓͆́̊́i̵̜̫͗s̸̖͔̯͒ ̵̺̹̌͝͝l̸̢̈́̀̅͐o̷̥̿n̵̘͙̘̂g̷͚̻͍̈͋̀t̷͕̻̀̓ḛ̴͍̈́̈́̂̈͜m̴͚̍͌p̵̮̅̚͝͝s̵̬̯̆.̷͉͈̬̘͐ ̵̖̙͌̆̄̀C̴̹̺͋̏̾è̶̙̹̑̊͝s̶̩̪̑ ̷̢̗̫̠̐̓̂ä̶̧̖͙̗́̈́͘͝î̶̫͇́̚͜l̷̘͌̆͑̚ë̶͍͙̦̞̑̏̈́s̴̹̙̏̇͊̂ ̷̫͉͇̊̅̆ș̶̙͉͎́̐o̸̠͚͒͌n̷̠̝̘̒͌̌̋͜ṫ̶̫̞̫̏ ̶̧̙̻͇̀̄̊̊f̶͇̬̅̋a̷̝̍̎̕c̴̢̥͒̊̍t̶̗̫̙̑̓͂i̷̖̗͓̰̇ç̷̤̺͈͌̾̃͒e̷̢̥̍͗̑̽s̷̖̗̋͝ ̵̡͚̳̖͌̄̇!̴̣̉̓́̌ ̶͍̫̽͆̑Ń̶͍̑e̵͇͈̱͗̑͗͆ͅ ̵̦̤̾͑͜ṽ̶͚̺͖̂̆ŏ̷̫̰̈́u̶̢̮̘͑̊͋͐s̸̫͓̹̹̚ ̶̫̀͛m̴̻̦̜͆͆̄͒ȯ̴͈͇̀͗̒q̶̰͚̹͊́̚͝u̵̢͖͚̯͋e̵̗͔̘̔́̒͜z̵̻͠͠ ̴̜̞͇͎̌̆̓p̴̬̝̙̌̐̍ã̶̛̻̼͝s̸̤̩̀ ̴͓̟̳͛̏̽ḍ̷͌̓e̴̟̮̻̭̅̍͝ ̵͕̫̗̌̈́̓̐n̶̺̟̯̏-̵͓̖̜̮̃.̷̧̥͓́͑.̸̧̺̝̍͆̒̿.̸̟͕̦͊̌̌

    — Silence. »

    La voix d’une femme retentit dans les cieux à son tour. Elle était ferme, de celles dont on ne transgresse pas les ordres. Son langage était parfait, sans la moindre trace de l’accent rauque et sifflant porté par la voix de son prédécesseur.

    « Son aether ne trompe pas. C’est bien l’âme d’un Ange que je sens en elle. Son ami, à côté, est un Némédien. Par respect pour son peuple, daignons l’écouter. Et surtout… »

    Sa silhouette se matérialisa devant Enyo, la toisant de plusieurs têtes et de ses prunelles rougeoyantes. La femme dévoilait une peau brune, recouverte de pierre en de nombreux endroits. Ses yeux n’avaient ni pupille, ni iris, mais elle semblait voir.

    « Il est interdit de blesser les porteurs du sang des Elfes. »

    Elle s’agenouilla devant Enyo, avec une fermeté loyale que personne n’aurait imaginé. Lorsqu’elle se releva, toisant de nouveau la lancière paniquée, un sourire était dessiné sur ses lèvres.

    « Bienvenue à Joya. Vous êtes nos premiers invités depuis bien longtemps. »

    * * *

      Réception.


    Au cœur d’une grotte se tenait la cité des Titans. Une vaste étendue éclairée par des gemmes remplies de magie, identifiable par ses mille et unes tours soutenant le plafond et faisant, à la fois, office d’habitations. La femme qui avait accueilli les Crystal Claws à la frontière de Joya était à la tête de cette ville majestueuse. Elle s’appelait Henje-Sie. Comme ses comparses, elle était aveugle à la lumière, et seul l’aether émanant de chaque chose lui offrait les images du monde.

    Ses prunelles vierges mais rouges comme le sang étaient plantées, si l’on pouvait dire, dans les yeux bleus de Nina. Elle lui posait tout un tas de questions sur l’Asgard en elle, obtenant toujours la même réponse.

    « Et vous dites qu’une cloche façonnée par les Démons se trouverait chez nous. Prête à être sonnée par ceux que vous appelez les Théologistes, elle libérerait des hordes de créatures sur Humanitas.
    — Exactement. C’est pour la détruire que nous n’avons eu d’autre choix que de venir sur votre territoire.
    — Vous êtes certainement conscients que nul n’est ressorti de Joya après y être entré… Il n’y a aucune raison que vous fassiez exception. Pouvez-vous aisément vous considérer comme des sacrifices ? »

    À vrai dire, entrer dans le pays avait été si important que la question d’en sortir fut reléguée au second plan, temporairement. Pourtant, les magiciens ne pouvaient se permettre de rester ici à jamais. Enyo, pleine d’émotion, prit la parole.

    « Vous dites que… que j’ai en moi le sang des Elfes.
    — En effet. C’est la marque inaltérable laissée par cette ascendance sur votre âme que j’ai discernée. Et je ne peux me tromper.
    — Si je suis en partie Elfe, que ce peuple ne vit qu’en Joya et que j’ai pourtant passé ma vie à Pergrande, c’est bien car mes parents ont pu quitter le pays d’une façon ou d’une autre. » appuya Enyo.

    Elle soutint le regard d’Henje-Sie de longues secondes, sûre d’elle. La dirigeante soupira longuement.

    « Il vous faudrait aller rencontrer les Elfes directement. Ce sont les plus puissants magiciens de Joya, leurs recteurs lorsque nous avons besoin de prendre des décisions à l’échelle du pays. Ils décideront de votre sort avec bien plus de discernement que moi ou n’importe quel autre race.
    — Où pouvons-nous les trouver ? interrogea Loki.
    — Plusieurs territoires sont dirigés par les Elfes, mais le plus important d’entre eux, le Grand Mage Eldarion, se trouve à Nvaluna, domaine de la loi. Tous les peuples s’y mélangent, Joya converge en cette ville. Vous y trouverez sûrement des informations et de l’aide. Ici, nous ne savons rien sur la cloche dont vous parlez. »

    Les magiciens furent escortés à la sortie de la grotte. Henje-Sie leur avait confié un laisser passer afin qu’ils puissent se déplacer librement à Joya. Elle leur souhaita bon courage et que la décision du Grand Mage soit en leur faveur. Peut-être deviendraient-ils les premiers habitants de l’Outre-Chaîne à posséder des souvenirs de Joya ?

    Laissés à la merci d’un pays inconnu, les trois magiciens errèrent sur les chemins tout tracés. Cela ne prendrait que peu de temps d’atteindre l’épicentre de Joya, mais ils s’accordèrent pour partir à la recherche d’un moyen de transport. Il n’y avait guère de temps à perdre.

    Sur la route, ils demandèrent aux habitants, méfiants, s’ils n’avaient pas entendu parler de la venue d’un Démon pacifique. Compte tenu de leur demande saugrenue, leurs tenues étrangères et leurs accents, beaucoup de Joyens n’avaient même pas voulu leur répondre, mais ils ne désespéraient pas.

    « Si ce Démon était si désireux de nous aider, se serait-il contenté d’envoyer un message à Altaïr ? J’aurais tendance à penser qu’il attend les envoyés de la guilde quelque part. Mais sa nature est un danger, ici, avec tous ces gens capables de voir l’aether. Il doit probablement se faire discret, conjecturait Loki tout en faisant griller quelques poissons sur un feu de camp rudimentaire.
    — Ca, c’est valable si ce n’est pas un piège dans lequel on fonce. Eh, ma truite brûle !
    — Si mon intuition est bonne, soupira Nina, j’ai bon espoir que ce ne soit pas un piège.
    — Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
    — Le fait que j’aie connu un Démon qui détestait les Démons. Enfin, un demi-Démon. Il s’appelait Hendrik. C’était mon mentor, lorsque j’étais dans mon ancienne guilde. Je ne l’ai pas revu depuis de longs mois. »

    Consciente que cette révélation provoquerait un choc chez ses amis, Nina plantait son regard dans le feu de camp. Dire, aujourd’hui, à des Pergrandais, que son mentor fut une des créatures qui menaçaient actuellement de détruire le pays, et plus encore… c’était comme signer son arrêt de mort. Elle avait confiance en ses camarades. Toutefois pas assez pour soutenir immédiatement leur regard.

    « Tu veux dire que...
    — Il se fiche complètement des humains. D’ailleurs, il se fiche de beaucoup de choses, si ce n’est ses études scientifiques. Il n’aime pas grand monde, et certainement pas les Démons. C’est pourquoi je pense que s’il faut trouver un Démon prêt à dévoiler l’emplacement d’une Cloche d’Exitia, s’il s’avère que ce n’est effectivement pas un piège, il y a de fortes chances que ce soit lui. Lui ou une autre Démone qui faisait partie de ma guilde, mais… L’écriture sur la lettre d’Alyce m’évoque celle d’Hendrik. »

    Loki et Enyo ne s’attendaient pas à ce que Nina soit amie – si l’on pouvait dire – avec un demi-Démon. Ils eurent du mal à l’accepter, d’ailleurs, compte tenu des circonstances, avant de se rendre compte que cet Hendrik serait un atout majeur dans leur camp. Ils se concertèrent pendant la nuit suivante, Nina l’eut remarqué. Deux jours plus tard, ils avaient atteint Nvaluna.

    Le centre névralgique de l’unité joyenne se tenait face à eux. Le bois et le marbre bâtissaient les hautes maisons, tandis que diverses pierres colorées distinguaient de nombreux temples encerclant la cité. Le calme régnait, à l’image du pays qu’ils avaient traversé. Peu de gens, peu de bruit. Une ambiance solennelle, sacrée même, qui ne donnait pas envie de se distinguer.

    Leur arrivée ne passa pas inaperçue. Des gardes en tenue de cuir leur demandèrent poliment, leurs lances pointées à quelques centimètres de leurs cous, ce que des étrangers faisaient à Nvaluna. Enyo présenta le laisser-passer obtenu d’Henje-Sie quelques jours plus tôt, ce qui atténua leur virulence.

    « Vous allez rencontrer le Grand Mage, répéta un garde d’une voix extrêmement grave. Lui seul dira si vous sortirez de notre pays. Par contre, vous n’irez nulle part habillés comme ça. »

    Il les mena vers le bâtiment principal, au centre de la ville. C’était probablement le plus grand, mais il conservait une certaine sobriété dans son architecture. Là-bas, Nina, Enyo et Loki furent séparés et à chacun fut assigné une servante pour les fouiller, les purifier et les habiller. On ne rencontrait pas le Grand Mage n’importe comment, quand bien même la venue d’un étranger avait toute priorité.

    La jeune femme qui demanda à Nina de se déshabiller ressemblait à une Elfe, mais ses oreilles étaient basses et tombantes. Sa peau, terne, était constellée de taches blanchâtres, comme des grains de beauté. Ses yeux étaient noirs comme l’ébène et lorsqu’elle parlait, l’on pouvait apercevoir ses canines légèrement pointues.

    « Thae Elfe des nuits. Capable d’examiner votre aether, vérifier s’il est pur. Va devoir vous toucher, si vous voulez le permettre, souffla-t-elle doucement, dans une langue hésitante. Peut ?
    — Euh… Oui. »

    Nina frémissait au contact des doigts glacés de l’Elfe sur son corps presque entièrement nu. Se montrer ainsi dévêtue à une étrangère lui déplaisait, mais c’était apparemment ainsi que le rituel de purification devait avoir lieu. Thae avait le mérite, au moins, d’avoir les mains douces, rendant l’application de ses huiles étranges un peu moins désagréable. Nina songeait à Enyo et Loki qui, à l’heure actuelle, devaient subir la même chose. La première n’était pas bien prude, elle le savait pour avoir pris plusieurs bains avec elle aux thermes d’Alkonost. Mais Loki… Nina était curieuse de savoir comment il s’en tirait, ne pouvant s’empêcher d’imaginer l’incongruité de la situation avec amusement.

    « Pourquoi rire ?
    — Je pense à mon ami Némédien, en espérant qu’il ne soit pas trop gêné de se faire toucher par une servante.
    — Servant mâle s’occupe de Némédien, s’amusa vaguement Thae, réprimant un petit sourire en coin. A vu Némédien triste avant de partir pour être purifié. »

    Nina eut un bref éclat de rire. Loki, qui aimait tant les femmes ! Il devait être déçu. Interrompant son amusement, Thae incanta quelque psalmodie qui rendit soudain l’huile très chaude sur le corps de Nina. La jeune femme grimaça, car la douleur incommodait ses cicatrices les plus fraîches.

    « Humaine pure, sourit doucement l’Elfe. Thae peut habiller, maintenant. Préfère le bleu pour humaine Nina, iris pareils.
    — Tu fais bien, j’aime cette couleur. »

    Nina, accoutumée aux doigts de la servante, se laissa passer la longue robe aux amples manches. Elle remontait sur son cou en col roulé, coulait sobrement sur ses formes pour les recouvrir sans les mettre en valeur. Aucune chaussure ne lui fut donnée, ce qui lui déplut en revanche. L’huile, qui avait glissé jusqu’à ses pieds, lui intimait de ne pas marcher trop vite sur le sol de marbre blanc sous peine d’un accident.

    Thae fit la révérence et lui intima de la suivre. C’est à ce moment qu’elle remarqua que la servante non plus n’avait pas de chaussures.

    by Nina

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    Re: Le Pays Ignoré par Nina Andersen Lun 02 Nov 2020, 23:28
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes







    LE PAYS IGNORÉ (II)

      Un autre univers.


    Après avoir traversé un long couloir, Nina et Igni à sa suite, Thae poussa une large porte menant sur une antichambre. Enyo et Loki s’y trouvaient déjà, ce dernier dans un état second. Il semblait perdu dans le vague, tandis que son amie blondinette pleurait de rire. Thae fit ses adieux à Nina et s’en alla, les laissant seuls tous les trois jusqu’à ce qu’on leur ouvre la porte du Palais du Grand Mage.

    « Que s’est-il passé ? fit Nina, amusée, mine de rien.
    — Oh, juste que Loki n’a aucun doute sur ses préférences sexuelles, désormais ! remarqua Enyo, hilare.
    — Il m’a pincé les tétons… si fort… Mes pauvres tétons… pleura Loki. Je ne sais pas de quelle race il était, mais ils ne doivent pas voir beaucoup d’humains, chez eux ! Il ne savait pas ce que c’était, il a voulu tirer dessus pour voir si ça s’enlevait ! Je… Je… »

    Enyo tapa dans son dos comme pour le réconforter, mais son rire rendait le geste trop ambivalent. Nina se retenait pour l’ego de son ami, mais l’intention y était. L’ouverture d’une porte fit éclater leur bulle alors qu’un garde, différent de ceux postés à l’entrée de la cité, les appelait à avancer.

    Dans la grande pièce où ils entrèrent, un homme les attendait. Entre deux âges, ses cheveux étaient blond platine. L’absence de pilosité sur son visage mettait en valeur l’architecture de ses traits, finesse et virilité à la fois. Ses lèvres étroites ne laissaient place à aucun sourire, et ses sourcils froncés témoignaient d’un regard qui jugeait sans pitié. La lumière, derrière lui, était presque divine.

    « Avancez. »

    Intraitable, il ne quitta pas les magiciens du regard. Niché en haut d’une estrade, il se tenait à un sceptre d’or blanc. Le garde tapa du pied, signe qu’il fallait s’incliner. Chaque mage fit la révérence, plus ou moins bien.

    « Parlez. »

    Les Crystal Claws se regardèrent, jugeant qui était plus apte à répondre à cet ordre. Nina fut désignée à l’unanimité. La jeune femme soupira silencieusement et s’avança d’un pas, tête droite. Ainsi, elle ne regardait pas le pontife dans les yeux.

    « Nous sommes trois magiciens de la guilde Altaïr, en Pergrande. Alkonost, la capitale, nous envoie comme émissaires afin de mener à bien une mission très importante. Depuis plusieurs semaines, la menace des Démons s’intensifie de jour en jour. Un groupuscule de mages en lien avec les Enfers, se faisant appeler les Théologistes, cherche à s’approprier le pouvoir des Cloches d’Exitia, de puissants artefacts capables d’invoquer les Démons et il s’avère… qu’une source nous a laissé entendre qu’une de ces Cloches se trouverait à Joya. Cette source est un Démon agissant contre les Démons, il se cache peut-être dans votre pays. C’est en tout cas ce que je crois. »

    Le Grand Mage la toisait, jugeant le moindre de ses mots. Il lisait son aether comme on lisait un livre, Ses yeux pâles détaillaient le moindre flux pouvant trahir un mensonge.

    « Et qu’est-ce qui vous fait penser que vous, plus que quiconque, avez le droit de pénétrer sur nos terres et les souiller de votre présence ? »

    Sans préavis, Nina déploya ses ailes et s’agenouilla, des plumes immaculées flottant derrière elle.  

    « L’âme d’Asgard habite mon corps. J’ai parcouru le monde, et le parcourrai encore, afin de purifier ses œuvres corrompues par le temps et l’Homme au fil des siècles. L’équilibre de notre Terre serait altéré si une seule de ces entités venait à pourrir entièrement. Entre les mains des Démons, cela ne saurait tarder. Nous pensons que Joya, comme aucun pays, aussi puissant ou riche soit-il, ne survivrait à l’assaut des Démons si les Théologistes achevaient leur dessein.
    — Vous êtes donc prêts à passer votre vie entre nos murailles.
    — C’est aussi pour cela que nous sommes ici, ô Grand Mage. Encore trois Cloches sont égarées dans ce monde, et je suis indispensable à la purification des œuvres d’Asgard. Nous souhaitons négocier votre aide et votre mansuétude. Nous vous débarrasserions de la Cloche et des malheurs qu’elle implique, et alors nous partirions, en acceptant que notre mémoire soit effacée s’il le faut. »

    Nina releva les yeux pour croiser ceux du Grand Mage. Ses iris bleutés brillaient d’un éclat angélique. Asgard mettait de sa personne pour accentuer le caractère sacré de la mission de Nina et ses amis. Le pontife soupira longuement. Il se faisait flouer, manipuler, même, par de vulgaires humains, d’Outre-Chaîne d’autant plus. Le rituel de purification par lequel ils étaient passés prouvait leurs intentions. Pour autant…

    « L’humaine au sang mêlé à tes côtés, émissaire des Anges. Elle demeurera ici.
    — P-Pardon ?! s’étrangla Enyo. Je, enfin… Je suis avec eux, je me bats avec eux, je ne peux me permettre de…
    — Je sais qui sont tes parents. Reste ici et tu auras tout le loisir de prendre connaissance de tes origines.
    — C’est un acompte… » devina Loki, perspicace.

    Le Grand Mage se contenta d’esquisser un sourire. Nina grinçait des dents, mais elle vit dans le regard d’Enyo qu’elle étudiait l’ordre. Son esprit tournait à plein régime, elle semblait fiévreuse.

    « Mes parents… Ils sont vivants ?
    — Je n’en sais rien. Tu le découvriras peut-être. Nous vous aiderons à trouver cette cloche en échange de cette contrepartie… et quelques autres. Il se trouve que nous savons quel Démon vous cherchez… Si vous faites les bons choix, et que je suis d’humeur généreuse, l’Ange et le Némédien pourront conserver quelques souvenirs de leur séjour à Joya…
    — J’accepte. »

    Enyo s’était redressée, sûre d’elle. Loki et Nina serraient les poings, mais admettaient que c’était un paiement nécessaires… Ils n’étaient pas en position de force, ici. Tant qu’ils seraient à Joya, et s’ils voulaient parvenir à leur but, l’obéissance n’était pas une option.

    « Voici mes conditions… »

    * * *

      Le prix à payer.


    « Kehehehe !
    — … »

    Nina était blasée. Absolument dépitée. Elle aurait préféré se tromper mais non, le Démon qui avait envoyé la lettre à Altaïr, qui les avait menés jusqu’ici, était bien l’homme auquel elle pensait. Et cela ne la ravissait pas.

    « Je t’ai manqué, mon lapin ? ricana Hendrik en attrapant le menton de Nina entre ses ongles pointus.
    — Non.
    — Ne sois pas timide, je le lis dans tes yeux.
    — Non. »

    Il soupira et s’adossa aux murs de sa cellule. De l’autre côté des barreaux, Nina levait les yeux, tandis qu’Enyo et Loki transpiraient à grosses gouttes. Un Démon. Demi peut-être, Démon quand même. Ils n’en avaient jamais vu de leur vie avant l’ère des Théologistes alors, pour eux, ces créatures devaient forcément ressembler à des monstres écailleux et horrifiques…

    « Eh bah quoi, vous vous attendiez à une goule ? Arrêtez de me regarder avec ces yeux de merlan frit, c’est très désagréable. J’ai des origines incubes, sachez-le. Bien sûr que je suis beau.
    — Il est surtout terriblement insupportable, une usine à problèmes.
    — Tu ne disais pas ça dans mon lit, chérie.
    — Ah bon ?! Et ne m’appelle pas comme ça ! » explosa Nina, sidérée par le culot de l’homme.

    Derrière, Enyo s’était évanouie. Loki tentait de calmer le jeu, attrapant Nina par les épaules pour lui faire un petit massage délassant, tout en essayant de ramener la lancière à la vie…

    « Bon, et si tu me libérais, du coup ? Tu es là pour ça je crois. Pour trouver la Cloche d’Exitia, hehe…
    — Pourquoi toi parmi tous les hommes ?
    — Parce que je suis à moitié démoniaque, et que c’est bien pratique pour ressentir l’aura de ces bidules. Et avant que tu ne me demandes pourquoi je n’ai pas pu faire parvenir plus qu’une lettre, eh bien… Regarde où je suis actuellement et tu devrais réussir à joindre les deux bouts. »

    Utilisant la clé donnée par le geôlier, Nina permit – à contre-cœur – à Hendrik de sortir de sa cellule. Le groupe était déjà prêt à partir pour la Cloche, il ne manquait plus que le Démon se lave. Il sentait très mauvais, à vrai dire…

    Lorsque Nina refusa de prendre un bain avec lui – lui avouant qu’elle ne ressentait plus le moindre désir pour son corps –, il voulut insister en glissant sa main à quelques endroits peu recommandables pour lui prouver qu’elle avait envie de lui. Ragnell, la lame affutée dégainée par Nina, lui prouva qu’elle n’était pas de cet avis.

    Vexé, il bouda tout au long du trajet.

    * * *

      Une nouvelle cloche.


    D’après Hendrik, la Cloche était enfouie dans les tréfonds d’un puits au nord de Joya. Il l’avait ressentie en voyageant au sud d’Iceberg, lorsqu’il avait quitté Aeternitas.

    « D’ailleurs, tu ne m’as pas dit comment tu t’es retrouvé ici. Mugetsu t’a jeté par-dessus bord ?
    — Tch, ne me parle pas de lui. Sa femme est une folle furieuse. Je ne vais pas te décrire ce que lui a inspiré ton départ ainsi que celui de Liesel, mais je peux te dire que les nouveaux membres de cette foutue guilde n’ont qu’à bien se tenir. Elle ne rigolait déjà plus au moment de prendre la tête d’Aeternitas, cracha-t-il. Donc je suis parti, je n’avais plus rien à faire là-bas puisque tu n’y étais plus. Alors, j’ai bien essayé de te chercher au début mais ça m’est vite sorti de l’esprit, alors j’ai poursuivi mes recherches sur la magie et me voilà, à m’impliquer dans la fin du monde. Belle histoire… mais je t’en prie ne pleure pas. »

    Nina fit une moue faussement impressionnée. L’essentiel était de trouver la Cloche aussi vite que possible et vaincre son Apôtre gardien. La présence d’un puissant mage comme Hendrik serait un atout considérable. Loki et Enyo commençaient à essayer de lui parler, la communication serait importante lors du combat.

    « Et toi ? »

    L’essentiel des informations concernant l’histoire de Nina fut donné. Elle se refusa de parler de Zélos : c’était un coup à ce que l’idiot de service soit jaloux pour rien et refuse de coopérer. La jeune femme se promit de lui remettre les idées en place une fois Joya quitté.

    Hendrik fit remarquer à la magicienne de foudre que sa puissance, désormais, était suffisante pour qu’il lui apprenne une de ses techniques fétiches : le déplacement électronique. Le Démon était capable de se transformer en électricité temporairement pour se déplacer au-travers la matière. L’expérience l’autorisait à pratiquer cela régulièrement et longtemps, ce qui lui avait souvent sauvé la peau, notamment contre l’emplumé bleu qui avait servi de Maître à Nina.  

    Lors d’un dernier bivouac, il mit la jeune femme au défi de maîtriser cette technique avant la tombée de la nuit. Loki et Enyo comme public, Nina fit couler sueur et sang pour tenter d’appréhender ces arcanes.

    « Tu as déjà songé à te reconvertir à une magie plus accessible ? Non parce que tu n’arrives pas à grand-chose, là ! provoqua Hendrik, comme il savait si bien le faire.
    — Ferme-la, sombre idiot ! » s’impatientait Nina.

    Elle savait que la méthode préférée du Démon pour la pousser à ses derniers retranchements était de briser son ego en morceaux. Elle le savait pertinemment, pourtant chaque fois elle se laissait avoir… Mais l’heure n’était plus aux états d’âme.

    Elle lui montrerait qu’elle valait mieux que ça. Un beau jour, elle le forcerait à s’agenouiller devant lui, réclamant qu’elle lui accorde la moindre attention.

    Alors qu’Hendrik lançait une nouvelle pique, il se retrouva cerné par un anneau de dagues. Nina fusa sur lui, se transformant ultimement en foudre, passant de lame en lame jusqu’à toutes les imprégner d’énergie magique. Lorsqu’elle réapparut, en chair et en os, le Démon avait les mains levées en signe d’abandon.

    Nina récupéra alors ses lames grâce à sa une lacryma dimensionnelle dernier cri et épousseta ses vêtements, satisfaite. Hendrik se pencha à son oreille pour lui murmurer une idée de récompense. En retour, il fut projeté contre un arbre. Nina, rouge jusqu’aux oreilles, faisait de son mieux pour résister aux tentations de cet incube.

    Loki et Enyo, de leur côté, se sentaient tout petits à côté de ce duo de choc.

    * * *

    Le lendemain, ils atteignirent le fameux puits. Nina refusait de répondre aux interrogations d’Enyo quant à l’origine des bruits étranges qui avaient émané de sa tente la veille, l’ignorant royalement, au grand dam de la jeune mage raffolant de potins.

    « Elle est au fond… Le plus simple serait de descendre en rappel, en accrochant des prises au fur et à mesure afin de pouvoir remonter… proposa Loki.
    — Mais on n’a pas le matériel, acheva Nina.
    — Ce serait bien que l’un d’entre nous ait des ailes… »



    « … Une personne à la fois. » rouspéta la brunette, consciente que tous les regards étaient braqués sur elle.

    Alors qu’elle allait déployer ses ailes blanches, Hendrik l’arrêta.

    « Je sens une présence. »

      L’Apôtre .


    La pression sembla soudain décupler. Pourtant, comme personne ne tomba, la nausée commença à s’installer. Les magiciens, déconcertés par cette différence entre la réalité et ce qu’ils en percevaient, vacillèrent. C’est alors qu’un homme apparut, la tête en bas, marchant devant eux sur un sol céleste.

    « Avez-vous jamais rêvé d’être un Démon ? » s’enquit l’inconnu d’une voix douce, amusée.

    Il avançait tandis qu’Hendrik reprenait sa contenance. Il électrifia ses compagnons pour les réveiller également et, même si l’action ne fut pas forcément bien vue dans l’instant, ils finirent par le remercier. L’homme était désormais à l’endroit, avançant naturellement. Ses deux bras entourés de chaînes étaient la source d’un son oppressant, parvenant aux oreilles avec bien plus d’intensité qu’il ne devrait.

    « Ce n’est pas toujours aussi bien qu’on le pense, pesta Hendrik pour lui répondre.
    — Je ne suis pas de cet avis. Depuis que j’en côtoie régulièrement, je dois bien avouer que je m’y suis fait… Et je ne peux m’empêcher de penser que cela m’irait à ravir, sourit-il béatement.
    — Tordu… » ajouta Enyo, armée d’une lance acérée.

    L’homme sembla beaucoup s’amuser de cette insulte, car il éclata d’un rire franc. Ses longs cheveux platine glissaient sur son visage hilare, tandis qu’il essayait de se contenir. Une larme effacée, il put refaire face aux magiciens, toujours sur leurs gardes.

    « J’aurais tendance à vouloir débattre avec vous de ce qui est le mieux. Devenir un Démon et vivre à jamais dans la puissance et l’absence de règles ? Rester humain et demeurer faible, mortel, et condamné à suivre les ordre d’un parent, d’un maître, d’un roi ? Personnellement… »

    Les cristaux mauves pendus au bout de ses chaînes fusèrent instantanément sur Nina, qu’Hendrik poussa pour l’empêcher de se faire transpercer.

    « J’aurais tendance à trouver la première option plus attrayante ! » termina l’Apôtre.

    Carnassier, il se rua sur Loki, tentant de l’entourer de ses chaînes pour l’étrangler. Le Némédien recula in extremis, laissant Enyo lui porter un coup d’estoc. Rien ne suffit à toucher qui que ce soit, mais l’Apôtre n’abandonna pas. Il fit tournoyer ses armes afin d’éparpiller ses ennemis, puis fonça sur celui qu’il estimait le plus faible. Loki s’arma d’une lacryma et projeta sur lui une nuée de flammes bleues, esquivant de nouveau les terribles chaînes qui voulaient l’étreindre.

    « Ton nom, peut-être ? On se présente en premier lorsqu’on essaie de se faire de nouveaux amis… » ironisa Hendrik, s’armant d’un cube d’énergie électrique.

    Il fit grossir son arme jusqu’à ce qu’elle se divise en plusieurs cubes, comme si elle prenait vie. Celui-ci, suivant les ordres de son maître, attaqua l’Apôtre. Harcelé par les rayons électriques que Nina en profitait pour lancer, épaulant la créature, l’Apôtre riait.

    « Amusants, vos échauffements ! Bah, vous méritez bien que je vous donne mon nom. Thomam, deuxième Apôtre, j’oserais dire le plus intéressants de tous. J’ai beaucoup de culture, surtout si vous aimez parler… »

    Il projeta sans même la regarder sa chaîne sur Enyo qui, cette fois-ci, ne put l’esquiver. Son bras fut lacéré, entouré d’une chaîne semblant prendre vie autour de lui.

    « … des Démons.
    — Enyo !! scandèrent les mages.
    — Puii ! »

    Thomam tira fort jusqu’à faire venir sa proie près de lui. Elle essayait de se déloger, mais il serrait si fort sur ses chaînes que la douleur l’emportait. Le Théologiste huma la nuque d’Enyo et fit une moue. Elle puait le simple humain… La jeune femme frissonna de dégoût tandis qu’il lui murmurait à l’oreille des propos incompréhensibles. Les yeux d’Enyo s’écarquillèrent, elle montra les crocs.

    « Que lui as-tu fait ? s’enquit Nina, inquiète de comprendre ce que Thomam était en train de psalmodier.
    — Je dresse un chien enragé, pourquoi ? » ponctua-t-il d’un clin d’œil.

      Eloh.


    Enyo, incontrôlable, se retourna contre Thomam qui esquiva habilement. Faisant tournoyer ses chaînes, lesquelles tenaient toujours fermement le bras de la lancière, il la propulsa contre Loki pour qu’elle lui assène un coup sec. Igni s’interposa en crachant une puissante gerbe de flammes, suffisamment intense pour faire reculer Enyo mais pas assez pour la blesser.

    « Enyo, reprends-toi ! hurla Loki.
    — Grrrrr… »

    Elle avait vraiment les airs d’une bête assoiffée de sang. Nina rappela à ses compagnons que les Apôtres pouvaient se servir du pouvoir d’une rune Asgardienne.

    « Eloh était à l’origine capable de motiver les troupes, précisa Asgard au cœur de l’esprit de Nina. Désormais, il semble qu’elle ne puisse plus que les transformer en pantins enragés… »

    Déployant ses ailes, Nina passa au-dessus d’Enyo qui, dans cet état, ne pouvait l’atteindre consciemment, et atterrit derrière Thomam. Elle dégaina Ragnell et, forçant sur ses appuis, se prépara à pourfendre son dos mais il se contorsionna étrangement. Elle ne put toucher que ses cheveux, qu’elle coupa sans efforts. L’Apôtre se pencha en arrière, de plus en plus, jusqu’à dévoiler un sourire glacial, empli d’une colère noire.

    « Heureusement qu’Il te veut en vie… J’ai envie d’enfoncer ce joli petit sabre dans ta bouche et te déchirer de parts en parts… » murmura-t-il.

    Les attaques d’Hendrik ne parvinrent pas à le toucher, mais Nina manqua de se prendre de plein fouet le rayon du Démon.

    « Fais attention !
    — Et toi fais quelque chose, idiote ! »

    Obéissant à contre-cœur à cet ordre, Nina tenta de nouveau de pourfendre l’Apôtre avec Ragnell chargée d’électricité. Elle devait éviter en même temps les assauts d’Enyo avec sa lance, mais Loki l’y aidait en tentant de geler son amie. Sans succès.

    « Je pourrais te tuer lorsqu’Il t’aura dépossédée de l’âme d’Asgard…
    — Encore faudrait-il qu’il y parvienne ! » scanda Nina, portant sa main libre au front de l’Apôtre.

    Un immense rafeind commença à s’amasser dans le creux de sa paume, crépitant sur la peau de l’ennemi qui cria de douleur. Nina en profita pour planter Ragnell dans un de ses pieds, le faisant tomber à genoux ; l’arme d’Hendrik en profita pour prendre la forme d’une vrille et fondre sur Thomam, l’écrasant au sol, brisant ses chaînes.

    Le cube prit ensuite la forme d’une boule, s’ouvrit en deux et goba Igni qui passait à côté. La petite flamme, d’abord surprise et interdite, comprit rapidement que l’union de leurs pouvoirs créerait une arme encore plus puissante, alors il devint ignescent. Le cube hésitait maintenant entre le mauve et le rouge, pourvu de flammes crépitantes.

    Thomam, à l’instinct, se saisit avec force de la jambe de Nina et y planta ses ongles. C’est à ce moment que la terre sembla tourner, le ciel se renverser. Loki, qui était à sa droite quelques secondes plus tôt, se trouvait maintenant derrière elle, prêt à la transpercer d’un rayon gelé.

    Nina esquiva en se jetant au sol, étouffant sa surprise, mais alors la réalité s’imposa de nouveau à elle lorsqu’elle constata une lance de glace fichée dans son épaule. Un hoquet de douleur prit possession de sa gorge, s’y bloquant, l’empêchant de respirer.

    « Nina ! » hurla Loki.

    Le Némédien se précipita sur son amie et la prit dans ses bras, au sol, tandis qu’Hendrik lui-même fusait sur l’Apôtre, enchaînant les coups tous plus puissants les uns que les autres pour en venir à bout.

    « Je suis désolé, Nina, je…
    — Non, c’est moi… Il a… pris possession de mon esprit, ou je ne sais quoi, je te voyais m’attaquer, alors j’ai voulu évi…
    —  N’en dis pas plus, tu craches du sang… Oh misère…
    — Où est Enyo ?
    — Elle se bat contre l’arme d’Hendrik et Igni, ils semblent en bonne posture mais…
    — NINA ! Tu vas rester impotente combien de temps, ma parole ?! Viens m’aider au lieu de te croire en vacances ! » scanda Hendrik, occupé à se défendre contre Thomam.

    Ce dernier jubilait de combattre un adversaire à sa hauteur pour une fois depuis bien longtemps. Mais Loki n’entendait pas les propos du Démon de la même oreille. Furieux, il tenta de rétorquer quelque chose, mais Nina l’arrêta.

    « Il ne vaut pas la peine que tu lui répondes. Veux-tu bien me donner un peu… d’antalgique ? Je pourrai repartir après ça, ne t’en fais pas pour moi. Je suis mage de rang S, moi aussi, n’est-ce pas ? sourit difficilement la jeune femme.
    — Oui… »

    Loki versa le contenu d’une petite fiole dans la bouche de Nina, qui l’avala jusqu’à la moindre goutte. Préparées par l’alchimiste la plus puissante d’Altaïr, ces potions étaient extrêmement efficaces pour rendre l’énergie à un magicien fatigué.

    Nina essuya le coin de ses lèvres en jetant à l’Apôtre un regard carnassier. Elle appela Hendrik pour lui signifier qu’elle était debout.

    « Tu vois quand tu veux ! sourit le Démon, toutes dents dehors. Mode : Bouclier ! »

    À ces mots, sa machine se mit à tracer petit à petit un cercle magique devant lui. Nina reconnut le geste de son mentor qui lui intimait une direction à suivre, alors elle déploya ses ailes.

    « Loki, veille sur Enyo… Empêche-la de se retourner contre nous, et à mon signal… »

    Nina murmura quelque chose et s’envola. Hendrik et Thomam se battaient au-dessous d’elle, à une dizaine de mètres. Ragnell pointait le sol tandis que l’Ange s’entourait d’une immense quantité de foudre. Au moment où Nina eut fini sa psalmodie, la machine d’Hendrik avait terminé son cercle incantatoire. Des boucliers d’énergie se déployèrent autour de ses alliés, les entourant d’un havre qui ne durerait malheureusement pas longtemps.

    Hendrik saisit l’occasion pour asséner un coup électrique dans la poitrine de l’Apôtre, lequel resta interdit quelques secondes, le souffle coupé. Le Démon recula sa main, avec élan, et une sphère d’énergie électrique y apparut. Elle se densifia, encore et encore, jusqu’à ce que son crépitement parvienne aux oreilles de Nina.

    Elle sut que c’était le moment.

    « LOKI ! »

    Dans l’instant, des dizaines de lacrymas s’étendirent en cercles tout autour de l’Apôtre pour devenir d’immenses miroirs.

    Alors Hendrik projeta sa main contre Thomam et la sphère de foudre le dévora, de plus en plus grosse, jusqu’à devenir un immense rayon d’une puissance inouïe. L’attaque fusa vers Loki, qui l’attendait doté d’une grosse lacryma de repoussement. Projetant toutes ses forces sur cette défense, le Némédien parvint à protéger le corps d’Enyo qui gisait au sol derrière lui.

    Le rayon ainsi réfracté percuta un miroir, puis un second, jusqu’à ce qu’une constellation entière ne converge plus qu’en un point : leur ennemi commun. Son cri transperça les cieux, alors Nina sut que c’était à son tour.

    « C’EN EST FINI DE TOI, APÔTRE ! MJÖLLNIR ! »

    Elle leva Ragnell et, avec force, abattit toute l’énergie magique qu’elle avait accumulée sur l’Apôtre, l’écrasant, à l’unisson avec les rayons de foudre d’Hendrik. L’explosion fut telle qu’elle emporta les arbres tout autour du point d’impact. Tempête.

      Please look after me.


    Tout s’arrêta. Enyo était évanouie, Loki tenait son corps contre lui pour confirmer que la vie demeurait en elle. C’était le cas. L’arme d’Hendrik avait disparu, laissant Igni reposer sur le sol, exténué. Le Démon lui-même, haletant, se laisse tomber en arrière.

    Il ne restait plus que Nina debout. Elle contemplait le corps fumant de Thomam. Il devait être encore en vie. S’armant d’une dague, elle se prépara à l’achever une fois qu’elle aurait fait ce qu’elle avait à faire. Elle s’accroupit au-dessus de son corps abîmé et plaqua sa main sur son front. La rune y brillait encore d’une faible lueur.

    « Tu es prête ? demanda Asgard.
    — Je le serai toujours. Je l’ai promis. »

    Alors elle s’immisça dans l’esprit de Thomam, ignorant les cris de la muse dont il s’était octroyé les pouvoirs. Nina donna toute l’énergie qui lui restait pour se retenir de hurler, d’expulser de son corps la douleur qui la pourfendait. Ses ailes avaient encore grandi à la fin du rituel. L’extrémité de chaque plume s’était teintée de sang, du moins ce rouge en avait-il la couleur.

    Elle retrouva son souffle lentement, mais assurément…

    « Rentrons à Nvaluna. Nous avons notre part du marché à honorer…
    — Ils ne nous ont pas plus aidés que ça… Ca me dégoûte… pesta Loki à l’idée de laisser Enyo ici, à Joya, avec tout ce qu’il se passait. Et ce qui allait se passer.
    — Moi aussi, ça me dégoûte… murmura une voix atrophiée, rauque, détruite. De devoir mourir pour te ramener à Lui… »

    Lentement, des doigts remontèrent le long du bras de Nina, caressant de leurs ongles brisés sa peau jusqu’à son épaule. Laissant couler un mince filet de sang.

    Les doigts enserrèrent la chair de Nina avec une force surhumaine et, tandis qu’elle baissait les yeux sur le corps de l’Apôtre, elle vit ses yeux injectés de sang se planter dans les siens.

    « Tu aurais dû me tuer avant de te reposer… »

    Une ombre remonta des mains de l’Apôtre avant d’entourer Nina de ses ténèbres. Le corps de Thomam se cristallisa alors qu’il venait de terminer une ultime psalmodie.

    « Que se passe-t-il, ici ?! » hurla un homme qui venait d’arriver.

    Hendrik. Loki. Igni. Tous ceux qui demeuraient les yeux ouverts avaient assisté à la disparition de leur amie. Ils portèrent leurs regards sur le Grand Mage, entouré de soldats.

    « J’ai ressenti tout le mal qui avait été fait à la terre, ici-même. Je suis venu. Et que vois-je ? Où est l’Ange ? demanda-t-il sur le ton de l’ordre.
    — Elle a… commença Loki, abasourdi. Il l’a…
    — Enlevée… termina Hendrik d’une voix grave. MERDE ! »

    Le ciel parsemé de vastes nuages se referma sur eux, victime de la pression aethérée qui quitta le Démon à l’instant même où sa colère, au creux de son poing, s’abattit sur le sol.

    « C’est embêtant… Elle qui devait me donner de son sang… grogna le Grand Mage, dépité. Il suffit. Rentrons à Nvaluna. Nous trouverons un moyen de la ramener, et vous honorerez vos engagements. Mais tout d’abord… »

    L’Elfe se retourna, avança. S’arrêta au bord du grand puits. Il prit quelques secondes pour se concentrer, la main au-dessus du précipice. Dans un grondement sourd, la grande Cloche d’Exitia fut excavée. En l’espace de quelques secondes, il n’en restait que des débris, qui devinrent poussière. Tous, sauf un, qu’il tendit à Hendrik.

    « Démon. Ce tesson est à toi. Fais-en bon usage. »

    by Nina

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