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    Nodus Tollens






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    Nodus Tollens par Liesel Engelwald Jeu 09 Jan 2020, 20:49
    Liesel Engelwald
    Liesel Engelwald
    Gardien du Savoir







    Nodus Tollens 190806042634740554
    Nodus Tollens

    Partie I



     Tour.


    « Je crois que… Je crois que j’y suis… »

    Avel rangea sa carte et se frotta les mains pour les réchauffer. Le guide de la capitale avait donc raison, le clan Engelwald vivait bien dans une forêt au fond d’une crevasse. Si les gribouillis qu’il avait dessinés sur un bout de papier l’avaient guidé jusqu’ici, Avel était maintenant sans piste.

    Debout sur une étendue d’eau glacée, il avança prudemment vers le grand arbre creux. Des marches de cristal menaient à une ouverture dans le tronc, sûrement un passage vers les habitations qu’il voyait perchées dans les arbres.


     Le Clan Engelwald.


    Un instinct l’incita pourtant à ne pas monter. Il sentait un appel, au loin, derrière la petite forêt. Il croyait reconnaître l’aura d’Yggdrasil, qui s’était manifestée dans la bibliothèque de Neferet, six mois auparavant.

    Six mois... Après tout ce temps à la recherche de Liesel, il avait parfois fini par perdre espoir. Mais le petit Doppelt était toujours imbibé de magie.

    Parfois, la nuit, le petit personnage émettait des sons étranges. Des coups de marteaux, ces-mêmes marteaux qui réparaient la tour des Engelwald. Ils étaient sourds, distants, mais le garçon se réveillait pour les écouter. Parfois, des rires résonnaient ou bien des pleurs.

    Après la moitié d’un an passée à travers le continent, Avel avait fait de cette mission une obsession. Son village lui manquait, il était parti pour trouver le sauver, mais d’abord c’était ce garçon qu’il voulait sauver, Liesel. Il s’imaginait parfois l’émerveillement sur son visage quand ils arriveraient à Taewe tous les deux.

    Qu’allait-il bien lui dire quand il le retrouverait ? Cette question qu’il s’était posé sans cesse était plus forte que jamais maintenant qu’il touchait au but.

    Il s’engouffra dans la grotte mystérieuse. Le vent glacé cessa de souffler sur son visage. Pailletées de flocons et de toutes petites cicatrices, les cernes du garçon n’étaient qu’un maigre témoignage des nuits passées à se poser des questions.

    Est-ce que Liesel se souviendrait seulement de lui ? Et puis, pourquoi cette obsession pour retrouver ce garçon… L’unique souvenir qu’il lui restait était un sourire erroné, une fantaisie calquée sur des bribes d’images. Des cheveux gris, une cape mauve, des livres… Pourquoi passer tout ce temps à courir après un fantôme ? Il en arriva même à se demander si tout cela n’avait pas été un rêve.

    Son cœur battait. Il tenait fermement contre lui le petit avatar de papier, tout ce qui lui restait de son camarade.


    « Liesel ? Tu es là ? »

    Il s’arrêta de marcher pour écouter son écho. Aucune réponse. Il soupira et tenta un second appel, qui se perdit lui aussi contre les parois de la grotte.

    Son cœur de serra. Tout à coup essoufflé, il se figea. Il n’y avait pourtant eu aucun bruit, mais une sensation étrange le poussa à continuer.

    Perdu dans son flot de questions, Avel ne réalisa pas de suite qu’il avait chaud sous son épais manteau. Il ôta son écharpe et sentit une brise agréable caresser sa nuque. Il n’y avait pas de doute, il y était. Devant lui, une grande tour sculptée s’élevait au milieu de l’énorme salle rocheuse. Des stalactites luisaient tout autour du bâtiment

    Il s’approcha et poussa la porte timidement. Qu’est-ce qu’il allait pouvoir dire à ce garçon qu’il ne connaissait même pas ? Il se sentit si bête. Liesel n’avait aucun raison d’être en vie, pourtant…


    « Liesel ? »

    La lumière bleutée qui passaient par la fenêtre illuminait à peine les meubles poussiéreux. Avel entendit un grincement à l’étage, et s’y rendit, effrayé.

    « Bonjour, je… je cherche un ami à moi. Je pensais qu’il serait là mais… mais désolé d’être entré, je… »

    Il sentit le petit avatar de papier frémir dans sa main quand il vit la silhouette debout, cachée dans la pénombre. De dos, le garçon devant lui ne bougea pas.

    « Liesel… C’est toi ? »

    Un long silence régna avant qu’une réponse soit prononcée.

    « Oui. Je n’aurais pas dû te laisser entrer…
    — Tu… Tu es vivant ! Je… Le… Enfin… J’ai conservé Doppelt, tu te souviens, l’avatar que tu avais partagé avec moi ? Je voulais… te le rendre ? »

    Il se sentit si bête. Après six mois passés à rêver d’un inconnu, c’était tout ce qu’il trouvait à dire ? Liesel fut pris d’un spasme silencieux et renifla.

    « Merci. Détruits-le.
    — Hein ? Mais… Ce n’est qu’un bout de papier, je ne comprends pas…
    — Je dois disparaître, tout ce que j’ai créé doit disparaître, je n’existe plus. »

    Cette aura étrange qui émanait des lieux apparut soudain comme évidente. Tout ce décor n’était qu’une illusion, un souvenir. La tour Engelwald de Bosco, une copie sans âme.

    « Tu es… mort ?
    — Non, je suis bien vivant, j’ai survécu. Malheureusement.
    — Comment-ça malheureusement, j’ai… j’ai parcouru tout Humanitas pour te retrouver.
    — Tu n’aurais pas dû, Avel. »

    L’Engelwald sortit enfin de l’ombre pour se révéler à sa vieille connaissance. Il n’avait pas changé. Tous les fantasmes inexpliqués d’Avel prirent un nouveau visage, celui qui se présentait à lui, et il ne put cacher son sourire gêné.

    « Puisque tu as fait tout ce chemin, tu mérites des explications. »

     Vision.


    L’albinos inspira et un rayon de soleil brilla dans un grand ciel paisible où flottaient maintenant les deux garçons. Debout sur un sol de verre, Yggdrasil apparut. L’arbre se dissipa en un nuage de volutes. Chaque trait vint dessiner une silhouette de lumière. À présent au milieu d’une foule de spectres sans visages, Avel se tournait dans tous les sens, émerveillé.

    « La forêt des anges est le nom de cet endroit, la forêt où fut planté Yggdrasil. S’il devait initialement prouver aux Êtres Supérieurs que l’Humanité était bonne, il échoua, corrompu par le mal qu’il observa au fil des siècles.
    — La raison pour laquelle nous l’avons combattu.
    — Exactement. »

    La foule d’êtres lumineux tomba en poussière dorée comme la neige sur le paysage d’Iceberg. Dans cette neige marchait maintenant des visages familiers, Cläre, Eyrick, jeunes, heureux d’avoir trouvé l’un des grimoires.

    « Des générations durant, cet arbre nous confia la tâche de récupérer les fragments qui composait son âme. Tâche à laquelle je m’attelai avec ardeur… au prix de plusieurs sacrifices… »

    Un coup d’arbalète tonitruant retentit. Liesel ferma les yeux. À ses pieds s’élevait une stèle fleurie gravée au nom de Xylia. D’autres pierres aux noms illisibles apparurent et des reflets de dizaine d’autres vinrent parsemer le paysage blanc où se tenaient les deux jeunes hommes.

    « Yggdrasil et Desdemona luttaient pour un but commun et la propagation du Malesla offrit à ce demi-dieu l’occasion de se nourrir et de briser plusieurs des verrous qui les bloquaient. Il faut dire que la destruction du Hvergelmir n’a pas aidé…
    — Le quoi ? »

    La salle du Cœur apparut et, muet, Zelos prononça son ultime vœu, que Nina refusa. Une goutte d’eau tomba sur le sol et comme la surface d’une rivière, il ondula. Les reflets du Wilder et de l’Andersen se mêlèrent avant de disparaître dans le brouillard.

    « Ce n’est pas mon histoire. C’est au sommet du volcan que je me suis cru plus fort qu’Yggdrasil en jetant l’une des clés dans la Source du feu. C’est aussi à cet instant que j’ai réalisé que ma vie n’était qu’un tissu de mensonges. Ma vie, celle de ma famille, de mes ancêtres, tous des pions manipulés jusqu’au réveil d’Yggdrasil. »

    Le décor devint noir, mais un faible battement de cœur résonna au loin derrière Liesel.

    « Mais vous avez vaincu Yggdrasil, pas vrai ? … à moins que…
    — J’étais l’ultime clé. Un réceptacle pour donner matière à toute cette énergie voulant influer sur l’histoire. Nous l’aurions arrêtée, oui… Au prix de ma vie.
    — Alors Yggdrasil nous menace toujours ?!
    — Du tout. J’ai accepté de devenir ce demi-dieu pour qu’Ysaline exécute sa vengeance et ses flammes ont ravagé la menace que nous combattions. J’ai senti son épée et sa colère alors que la braise dévorait mes organes… Mais j’ai survécu. Quand j’ai accepté cette offrande pour piéger notre ennemi, une porte vers un nouveau plan d’existence s’est ouverte. Midgard est apparu et j’ai pu m’y réfugier.
    — Je crois que je vois… et c’est comme ça que tu as survécu…
    — Absolument. Mais en me sauvant, j’ai aussi sauvé un fragment du pouvoir que nous combattions. Je voulais rendre aux Hommes les rennes de l’histoire. Si je sortais de cette tour et utilisait ce pouvoir, je trahirais mes actions. Voilà pourquoi je me suis condamné à rester ici. Si mes actions ont plus d’influence sur la vie d’autres personnes, je ne pourrais me le pardonner… »

    Il soupira et la tour réapparut, tangible bien qu’irréelle. Avel plissa les yeux comme pour y voir plus clair dans son esprit.

    « Mais c’est fini tout ça, si Yggdrasil n’est plus, tu n’es plus manipulé, tu as enfin récupéré ton libre arbitre !
    — Comment en être sûr… Ne devrais-je pas être mort ? J’ai triché en me servant de son pouvoir, je suis un paradoxe. La mort m’effraie… alors je préfère rester isolé, un moindre mal…
    — Tu ne peux pas rester enfermé ici pour l’éternité enfin… Si tu veux t’isoler, tu n’as qu’à venir à Taewe !
    — Tu as écouté ce que je viens de te dire ? Ma conversation avec toi est déjà une trahison de mon serment. Je suis bien ici.
    — Taewe est un village isolé, les habitants détestent les étrangers, tu y seras tranquille, tu ne pourras influencer personne.
    — Ma solitude ici n’est pas un problème. Pars. »

    L’albinos retourna s’asseoir dans l’ombre et Avel fit un pas en arrière, hésitant. Il fallait ramener Liesel à Taewe, sans lui le village était perdu… Il sentit le petit avatar dans sa main.

    « Tu mens. Tu n’as pas oublié Doppelt. Ta voix avait beau être distante et sourde, je savais que tu étais vivant. Je passais des nuits à parler à ce bout de papier dans l’espoir que tu m’entendes… Si tu voulais vraiment être seul, tu aurais rompu le sort !
    — Et je t’entendais parfois… Mais c’est fini. »

    L’autre avatar identique flotta depuis l’ombre vers la lumière qui émanait de la fenêtre. Les deux jumeaux face à face, ils se déchirèrent tous les deux.

    « Je suis désolé. »

    Avel inspira et descendit les marches d’un pas sûr de lui. Seul en haut de sa tour, Liesel retint ses larmes, qu’il finit par relâcher quand la porte de la tour claqua violemment. Il était de nouveau seul.

    Devant la porte, Avel soupira. Est-ce que c’était bien censé ? À l’évidence non, mais il ferait quoi, sinon… Il lui avait fallu six mois pour venir jusqu’ici, c’était plus ou moins son seul choix de toute façon.

    Entendre à nouveau le grincement des marches réchauffa le cœur de Liesel, même s’il voulut s’interdire ce soulagement.

    « Puisque tu veux pas partir, je reste. J’ai fermé la porte. »

    Avel détacha son arme et s’assit en haut des marche en commentant d’un léger « mpf ! ». Un long silence gênant s’installa du fait de l’absence de réaction de l’albinos. Avel fit mine de bouder plusieurs fois, en marmonnant que de toute façon il était plus à ça prêt et qu’il avait nulle part où aller.

    Liesel finit enfin par aller s’asseoir près de son camarade et lui sourit.


    « Tu comprends pourquoi je ne veux pas interagir avec le monde extérieur ?
    — Pas vraiment, non. Yggdrasil est mort, tu n’es plus sa marionnette. Tu es libre maintenant.
    — Honnêtement, je ne crois pas, s’inquiéta l’Engelwald.
    — Tes arguments ne tiennent pas la route, alors je reste. »

    Le Poema eut l’impression d’être mal honnête. Du chantage pour le ramener à son village, justement pour qu’il change les choses… Mais d’un autre côté, s’il perdait ce cinéma et qu’il se retrouvait coincé ici, c’était toujours mieux qu’être seul.

    « Tu sais, reprit Avel, avant de… briser tout un tas de règles sacrées, je devais être couronné chef du village. Quand je suis devenu assez grand pour qu’on m’enseigne l’art de mener Taewe, je n’avais plus vraiment le temps de jouer avec ma sœur, je me sentais assez seul… Alors j’ai pas envie de te laisser dans cette situation.
    — Je vois… Mais ta sœur, elle ne t’attend pas ? Il m’a semblé l’apercevoir quand on a combattu les illusions dans la bibliothèque de Neferet, tu dois penser à elle souvent…
    — Mmh… Depuis que j’ai enfreint les règles, c’est elle qui va hériter du titre alors elle doit m’en vouloir de l’avoir laissée en plan. Si je retourne au village sans explications, c’est la prison direct pour blasphème et trahison.
    — Ah donc je sers de prétexte. »

    Il ne put savoir si Liesel feignait l’air boudeur ou s’il était réellement vexé. Il réalisa qu’il connaissait finalement bien peu ce garçon. Toutes ces heures passées à s’imaginer leurs retrouvailles, tout cela semblait bien dénué de sens à présent. Mais le rêve qui se brisait n’était pas si désagréable. Sa voix était plus douce que dans ses souvenirs.

    Liesel réfléchit longuement en silence, et à mesure qu’il s’accoutumait à la présence de son invité, la lueur qui éclairait l’intérieur de la tour passa du bleu à une teinte plus chaude.


    « Bon, capitula Liesel, admettons je te suis à Taewe, et une fois là-bas je ne parle à personne.
    — Mmhmmh ?
    — Je ne peux pas vraiment changer grand-chose, pas vrai ? Et puis en fait, même si je change quelque chose, c’est toi qui m’aura forcé, pas Yggdrasil… pas vrai ?
    — Euh… Peut-être… Non, si ! Oui, oui, exactement haha, ce sera de ma faute et pas celle d’une divinité supérieure haha.
    — J’ai juste à rester discret et faire en sorte que rien n’arrive par ma faute. »

    Ca ne devait pas être bien difficile.

    Ainsi l’albinos s’éclaircit la gorge et tour se mit à trembler. Sous la surprise, Avel se leva brusquement pour tomber nez à nez avec un personnage de papier taille humaine.


    « Tu me ranges tout ça pendant que je sors, je veux que ce soit nickel quand je rentre.
    — Tu t’es fait un esclave ?
    — Grâce au nouveau pouvoir que j’ai acquis, je contrôle cette petite dimension. Je devrais pouvoir y accéder d’à peu près partout, ça me fera une bonne petite réserve de papier. J’ai beaucoup étudié la tridimensionnalité du papier de mon mentor, ça repose étonnement sur le même principe, mais j’ai encore du mal avec les êtres humains, donc je me cantonne aux objets pour l’instant. La forêt des anges est la seule porte stable que j’ai trouvée.
    — Ah donc ton serment de je ne veux pas utiliser la magie d’Yggdrasil, ça marche que quand ça t’arrange en fait.
    — Tais-toi. Faut bien passer le temps, je ne compte pas m’en servir dehors, j’ai suffisamment d’armes sur moi. »

    Il ouvrit son manteau et révéla ce qui devait être plus d’une vingtaine de poches remplies de feuilles compressées. Avel ignora l’absurdité de la chose en levant les sourcils puis descendit les marches.

    Même s’il avait cédé, Liesel était serein. Ne pas interagir avec qui que ce soit, c’était facile, il fallait juste suivre Avel, s’intégrer dans ce village isolé. Puis si ça tournait mal, il pourrait toujours s’entraîner un peu plus jusqu’à ouvrir un passage stable vers Midgard. Facile.

    Et puis, il n’était enfin plus seul. Le sourire qu’ils s’échangèrent en fermant la porte l’émeut. Il cacha cet émoi en guidant son camarade vers la sortie. Il suffirait de rejoindre Solvej, la capitale, puis prendre un aéronef jusqu’à la ville la plus proche. Il n’aurait qu’à trafiquer de faux passeports.

    Timides, ils chevauchèrent ensemble une monture de papier vers la Citadelle de Solvej.



    Fiche de RP (c) Miss Yellow

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    Re: Nodus Tollens par Liesel Engelwald Jeu 09 Jan 2020, 21:23
    Liesel Engelwald
    Liesel Engelwald
    Gardien du Savoir







    Nodus Tollens 190806042634740554
    Nodus Tollens

    Partie II



     Citadelle.


    « Je pensais pas que tu serais si émerveillé… T’es pas né ici ? »

    Liesel resta un instant la bouche ouverte devant la citadelle perchée au loin sur la montagne puis se ressaisit. Elle se dressait fièrement au-dessus des montagnes comme un joyau sur une couronne, elle affirmait son autorité sur toute la vallée. Les garçons ne venaient cependant que de la découvrir, puisqu’ils avaient dû suivre un tunnel jusqu’à sortir non-loin d’un plateau.

    ♦
     Citadelle de Solvej


    « Non c’est juste que… J’étais jamais allé à Solvej avant, je m’attendais pas à quelque chose d’aussi grandiose.
    — On m’a dit que c’était la seule ville d’Iceberg à disposer d’un réseau d’aéronefs qui va à l’international.
    — Eh bien je sais quelques trucs. Iceberg est divisé en plein de petits clans, mais le plus fort ce sont eux, les Sovleji. Ils servent de porte-parole pour les échanges avec les autres pays et ils se sont aussi donné la mission de maintenir la paix entre les clans. Enfin ils sont assez laxistes parce que ça n’a pas empêché mon clan d’envahir les Leoni donc bon… Ah et ils sont en sévère conflit avec le clan au sud-est, les Jotuns, enfin bref. Du coup la Citadelle c’est une des rares grosses villes du pays, la plus grosse et ils font un peu la loi dans le coin.
    — Voilà qui explique tout. On a encore un bout de chemin à faire. »

    Ils durent prendre l’un des chemins les moins praticables, mais vu d’où ils venaient, ils n’eurent pas trop le choix. C’est seulement grâce des bâtons de randonnée improvisés que les garçons parvinrent jusqu’aux portes arrières de la cité. Ils furent accueillis par une lourde arche de glace. Les soldats dévisagèrent dans un premier temps Avel, mais la présence de l’albinos, dont le teint et la chevelure étaient on ne pouvait plus autochtones, les rassura sur cet étranger.

    Enfin, Avel avait pris l’habitude qu’on le dévisage ici, il fallait être né hier pour ne pas remarquer le racisme pourtant pas bien méchant des habitants du coin. Les soldats en particuliers semblaient les moins à-même de sourire. Sûrement pensaient-ils qu’une nouvelle tête était synonyme de problèmes.


    « Bon, c’est où l’aérogare la plus proche de Taewe ?
    —Euh… Quelque part en Enca, je ne sais pas trop où précisément.
    — C’est un début. »

    Liesel sortit une feuille de son manteau et marmonna quelques doutes quant à l’efficacité de son sort.

    « Voyons maintenant. Liogan ! »

    Un reflet mauve brilla un instant sur la feuille que Liesel vit inchangée. Il la tendit au bleuet en lui demandant de lire.

    « Deux billets pour Enca, comment tu as fait ?
    — Je teste de petits pouvoirs. Liogan c’est comme qui dirait un… papier psychique. La personne lira ce que je l’inciterai à lire, plus besoin de me casser la tête à falsifier des documents.
    — Comme je disais, cette histoire de pas influencer les autres, c’est quand ça t’arrange.
    — Mais non, justement ! On n’a pas les moyens de se payer un aéronef, si on prend une mission on va s’engager auprès de plusieurs personnes, prendre des risques, sauver ou mettre des gens en danger. Avec ça on monte en clandestins, on descend et c’est bon.
    — Ne crie pas ! »

    Attirer les regards était la dernière chose qu’il voulait, et c’était pourtant ce qu’il venait de faire. Les deux garçons s’en allèrent le pas pressé vers l’aérogare, se perdant en chemin dans de petites rues.

    Ils s’arrêtèrent également pour prendre un petit repas. Pour une raison étrange, Liesel n’avait jamais vraiment eu faim dans sa tour, mais quand il renifla l’odeur de pâtisseries sucrées pour la première fois depuis six mois, il fit une nouvelle entorse à ses règles. Avel s’en amusa, au grand dam de son camarade qui le menaça de le laisser sur le quai. Dans cette-même boulangerie, les quelques journaux qui restaient affichaient en gros « défaite écrasante contre les Jotuns, Solvej en danger ? ». Cela n’annonçait rien de bon, mais cela ne concernait pas les garçons.


    « Voilà l’aérogare, voyons s’ils ont des vols pour Enca… QUOI ?! Vingt-et-un jours ?!»
    — Oh non… le plus vite on arrive, mieux je me porte… Mon truc du papier psychique aurait marché pour une nuit à l’hôtel, mais là presque un mois c’est trop suspect ça ne passera jamais.
    — Qu’est-ce qu’on fait du coup, dit Avel, tristounet.
    — Commençons par sortir d’ici, il y a du monde. »

    Trouver un nouveau plan à l’air frais, voilà quel était le plan. Et l’air était en effet frais : les tours d’or blanc et de glace servaient de rampes sur lesquelles le vent glissait pour fouetter les citadins qui s’étaient tous habité à cette routine. Ils marchèrent instinctivement à travers les grandes rues plutôt calme jusqu’à ce qu’une étrange femme percute Liesel.

     Solution.


    Elle s’arrêta et dévisagea Liesel un instant avant d’afficher un grand sourire.

    « Ah, pardonnez-moi. Vous êtes les garçons qui criaient tout à l’heure, n’est-ce pas ?
    — Euh…
    — J’ai entendu votre conversation, vous allez à Enca ? Des faux billets, c’est pas très réglo… »

    Elle brandit fièrement le papier vierge qu’elle avait volé lors de la bousculade. Son manteau était des plus banals, à ceci près que ses manches tombaient sous le coude en petits froufrous gracieux.

    « Vous tromperiez tromperiez sûrement une fonctionnaire apathique, mais on me la fait pas. » dit-elle en déchirant la feuille en quatre. Liesel nota son dégagement magique impressionnant.

    « Écoutez, on veut juste se faire discret, laissez-nous tranquille.
    —Allons, je suis de bonne humeur. Un aéronef privé arrive me récupérer dans vingt minutes, je vais justement à Enca. Je ne vais pas vous laisser courir le risque de vous faire prendre, je vous dépose ? »

    Le sourire qu’elle offrit fut purement formel. Elle haussa les épaules et s’en alla, commentant ce geste désinvolte d’un « à tout à l’heure » très confiant. Elle piétina au passage les morceaux de la feuille volée et l’un d’entre eux s’agrippa discrètement à son talon. Des talons sur un pavage aussi glissant, pensa Liesel en faisant léviter les bouts restants.

    « C’est super ! commenta Avel.
    — J’ai mes doutes, répondit Liesel en gesticulant ses doigts devant la feuille.
    — Quoi, tu trouves ça trop facile ?
    — Non… Je l’ai juste trouvée fausse.
    — Bah elle ne nous connaît pas, elle n’allait pas nous sauter dessus.
    — Mmh… »

    Il ne répondit pas mais n’en pensa pas moins. Leur sauter dessus, c’était un peu ce qu’elle venait de faire, mine de rien…

    Reconstituée à l’exception du bout manquant, la feuille se plia pour former un petit personnage similaire au Doppelt, à la différence que sur celui-ci, des plis marqués imitaient des sourcils froncés. Les garçons sauraient vite si cette femme était fiable.

    Après avoir disparu dans une ruelle, l’étrange dame porta la main à sa boucle d’oreille pour activer une lacryma de communication. Le même sourire faux apparut sur ses lèvres.


    « Allô ? Ouiiiii, j’ai eu un petit imprévu, deux charmants jeunes homme que je vais ramener… Oui… Absolument : numéro EX021 et, crois-le ou non, dossier Eden, priorité A. Je t’assure… Oui ils se méfient, il m’a collé un mouchard. »

    Elle ouvrit son poing où tenait, écrabouillé, le mouchard collé à sa chaussure.

    •••

    Un quart d’heure passé à l’oreille collée à leur piège et ils n’avaient toujours rien entendu. L’autre bout avait dû tomber ou elle l’avait jeté… Liesel finit par se rendre et accepter de suivre cette femme suspecte. Dans le pire des cas, ils pourraient peut-être la battre…


    « Mais t’as fini d’être si méfiant, rouspéta Avel.
    — Je te l’ai déjà dit, je ne veux pas intervenir sur quoi que ce soit. Je prends déjà de gros risques en te suivant, je veux juste m’assurer qu’elle nous mènera à Enca et qu’elle nous oubliera par la suite.
    — Parés au décollage ? »

    Une voix sortie de nulle part vint gentiment tapoter l’épaule des deux camarades. Il était déjà l’heure d’embarquer. L’aéronef était plutôt petit et discret mais tout confort. La dénommée Ignia invita les camarades à embarquer dans l’aéronef vide où ils furent accueillis par un petit buffet.

    La femme ôta son écharpe de laine de qualité et les boucles de sa chevelure se posèrent d’un côté de sa poitrine. Si la coupe était bien différente, Liesel ne put s’empêcher de penser à Nina. Où pouvait-elle bien être maintenant… Était-elle seulement encore en vie ?


    « Servez-vous, je vais décoller l’engin, et puis j’ai des appels à passer. »

    Elle disparut de la cabine et les garçons s’assirent. Ils n’allaient tout de même pas manger après leur achat à la boulangerie.

    •••

    Après plusieurs heures de vol dans un silence et un ennui le plus total, la voix d’Ignia résonna derrière la porte du cockpit. Elle devint rapidement assez claire pour l’entendre.


    « Ça n’a donc pas suffit ? On ne peut pas tout résoudre avec la violence ! ... Justement, c’est tout sauf le moment de gaspiller nos ressources et nos hommes… N’ai-je donc pas fait mes preuves en négociant avec les Solveji ? Et Neferet ? »

    Liesel tendit l’oreille. Qu’est-ce que Neferet venait faire dans cette conversation ? Ce n’était pas bon signe.

    La porte du cockpit s’ouvrit et Ignia bras croisés.


    « Je voulais attendre d’arriver mais bon… Je sais bien que nous avons perdu Neferet,mais tu ne devineras jamais qui nous avons à bord… »

    Le même faux sourire à glacer le sang décora sa posture défensive. Elle tendit la main vers l’intéressé.

    « Liesel Engelwald ! Tu ne croyais quand même pas échapper à Bellum toute ta vie ? Après avoir bousillé un point stratégique majeur ? »

    Il se leva en soupirant. Ne pas avoir d’influence… quel échec.

    « Bellum ? s’exlama Avel en bondissant sur son épée.
    — Il m’a fallu des années pour manipuler Neferet Hassaan et c’est un gamin qui est venu tout ruiner…
    — Liesel..?
    —Enfin, nous avons d’autres projets, ce n’est plus important. Je ne vais cependant pas laisser filer un criminel de guerre.
    — Des projets… Je ne vous laisserai pas faire !
    — Avel, non ! »

    Il se rua sur Ignia et abattit violemment son épée. Mais la lame s’arrêta net, bloquée entre les deux doigts de la femme.

    « Je me rends, laissez-le. N’essaie pas de me défendre Avel. Je savais bien que mes actions me retomberaient dessus.
    — Et en prime de notre tête mise à prix, nous avons Avel Poema, ancien héritier de Taewe. J’ai tout intérêt à te garder en vie… Avec toi en tant qu’otage, ta sœur finira par céder. Et enfin, le projet Eden pourra avancer !
    — Jamais ! »

    Il tenta une nouvelle attaque mais un coup de pied le projeta contre son ami.

    « Liesel, je t’en prie, aide-moi, pour mon village !
    — Je suis désolé, je te l’ai déjà dit, je me le suis juré.
    —Tu as peut-être peur de l’assumer, mais tu as une dette envers moi ! »

    Il n’avait pas tort, sans lui il serait probablement mort face à Plume. Pourtant, le mot « dette »… C’était donc comme ça qu’il voyait les choses… Enfin, il n’y avait rien d’étonnant à cela. Il avait joué un rôle dans la mort d’Yggdrasil, Liesel lui devait au moins une faveur… Voilà qui rompait avec tout… Bellum, Neferet… Il suffisait d’un pied dehors pour qu’il tombe dans de nouveau dans une spirale d’événements. Mais c’était trop tard… S’il laissait Avel mourir, alors évènements à venir seraient aussi de sa faute ! S’il devait agir à cet instant, autant se ranger du bon côté.

    « C’est d’accord. »

     Riposte


    Un pistolet apparut dans chaque main de l’ennemie et son sourire devint enfin sincère, et d’autant plus malsain.

    Liesel fit un pas devant son camarade et Ignia tira. Le garçon s’éparpilla en essaim de papiers et les balles se logèrent dans les quelques feuilles qui protégeaient l’autre garçon. Liesel réapparut près d’une sortie de secours qu’il ouvrit pour se jeter dans le vide.

    Les deux combattants s’accrochèrent aux sièges quand le pilote automatique fit plonger le vaisseau sous la couverture de nuages pour rétablir la pression dans l’appareil. Ignia profita de la confusion pour tirer sur Avel mais son corps aqueux le protégea.

    Liesel apparut à travers le hublot, suspendu par des ailes de papier. Ignia tira à travers la vitre sur l’homme-oiseau qui esquiva en glissant au-dessus de l’appareil.

    « J’espère ne pas toucher Avel, » pensa le garçon en décrochant ses ailes. Les deux membres se remodelèrent en fouets aiguisés et, comme une grande scie céleste, Liesel fondit furieusement sur l’aéronef, le brisant en deux morceaux distincts.


    Ignia ne sembla pas dérangée le moins du monde par la fracture soudaine de la cabine en deux et profita de la grande ouverture pour viser avec l’énorme canon qu’elle portait sur l’épaule. Elle tira et une fusée fila à toute vitesse vers un Liesel volant qui vrilla pour éviter. Mais le missile fit demi-tour vers le garçon, qui bougea de justesse. Un sort de télékinésie figea les deux morceaux de vaisseau dans les airs.

    Avel, choqué par le chaos si soudain, comprit à peine que Liesel était en danger. Comme la faune d’une mer de nuages, un banc de poisson apparut et encaissa le missile guidé.


    « Cesse de m’importuner ! »

    La mage diffusa une onde grise qui immobilisa Liesel et sa salve de lances. Il tenta d’identifier la nature de ce sort. Ignia souffla un instant, agacée, et replaça son canon sur son épaule pour viser lentement. Sans effet sur un corps d’eau, les ondes traversèrent Avel sans dommage.

    « Maintenant, tu ne bouges pas… Et boom ! »

    À l’instant même où elle tira sur sa cible inerte, un requin d’eau vint la menacer. Elle esquiva et rata. Le missile fila sous l’aile de Liesel. Celui-ci brisa le sort de stase et relança une salve de lances vers Ignia, qui attrapa l’une d’entre elles pour la jeter sur Avel.

    Pris de cours, Liesel dissipa l’arme au dernier moment, laissant son camarade sous le choc. Profitant de la confusion, Ignia vida ses pistolets dans un cercle magique. Une dizaine d’autres vinrent entourer l’albinos qui se réfugia de justesse dans une carapace artisanale. Chaque cercle fit déferler sur lui ce qui avait été tiré dans le premier, mais sa barrière tint bon.

    Sans laisser un moindre souffle à sa cible, elle déclencha un appareil sorti de nulle part qui tira une énorme foreuse sur la sphère de papier en suspension. Le bouclier fut pénétré et un cri de douleur révéla Liesel tombant dans le vide.


    « Liesel ! »

    Avel reprit seulement ses esprit, et amortit la chute de son ami en invoquant une grande méduse.

    « J’ai insisté pour te garder en vie mais je crois que je n’aurais jamais dû… »

    Elle appuya sur la détente et le mage fut prisonnier d’une cage de balles figées dans leur course, prêtes à la continuer à l’ordre de leur tireuse. L’engin brisé laissait entre les deux adversaires une distance conséquence, laissant Avel impuissant avec son épée.

    « Tu as intérêt à coopérer. Je compte bien me servir de toi pour négocier avec Taewe. Et s’ils refusent comme ils l’ont fait jusqu’à maintenant, nous les écraserons ! »

    Liesel rouvrit les yeux, allongé sur la tête de cette méduse d’eau, puis vit la femme en joue vers Avel. Il ne faisait aucun doute qu’elle n’hésiterait pas à le tuer s’il se débattait trop. Il fallait réagir.

    « J’aurais dû rester chez moi. » se murmura le garçon en souriant.

    Tout à coup, Ignia sentit sur sa nuque une lame. Derrière elle, un homme monochrome fait de papier la menaçait. L’entièreté de son bras était aussi aiguisé qu’un katana.


    « Tss, tu ne tiens vraiment pas à la vie de ton camarade ! »

    Elle asséna un violent coup de pied à l’avatar qui tomba en miette puis déclencha les balles figées autour d’Avel. Mais le garçon tomba aussitôt dans les bras de Liesel, de nouveau paré d’ailes, qui venait de creuser la coque au bon moment. Il s’envola, difficilement.

    « Tu te souviens du pouvoir de Plume, les souvenirs ? Erinnerung Machen : Sehan ! »

    Liesel sourit avec fierté sur des silhouettes de papier peu détaillées se calquèrent des copies des deux garçons, filant à tout allure autour du vaisseau. L’agacement d’Ignia augmentait à mesure qu’elle descendait les clones toujours plus nombreux. Elle grogna.

    « J’en ai assez ! »

    Elle fit tourner son arme pour la ranger dans sa dimension de stockage. Puis sur sa main s’activa un cercle magique, relâchant une puissante onde paralysante afin de mettre fin à ce spectacle.

    « Maintenant ! »

    Les mirages se dissipèrent aussitôt et les papiers cachés derrière ceux-ci se plièrent en petits personnages qu’Avel reconnut immédiatement. Au lieu de toucher les clones, l’onde paralysante engloba tous ces avatars. Dans le même temps, ce qui restait du servant de l’homme monochrome reprit la forme d’un totem énervé.

    « Un méga Doppelt… » s’amusa Avel.

    Tout comme le son passait d’un bout à l’autre des personnages, la vibration passa des avatars au totem, qui concentra toutes ces ondes en une puissante vague tétanisante. Ignia fut pétrifiée, la surprise gravée sur le visage. Le sort qui maintenait ce qui restait du véhicule en l’air se dissipa.

    Ainsi le vaisseau belluaire chuta, Ignia avec, signant la victoire des deux garçons.


     Poema.


    Avel soupira longuement. Perché dans les bras de Liesel, il sentit contre lui le souffle rapide du garçon épuisé. Tous les deux portés par des ailes factices, ils finiraient par tomber, Liesel n’avait plus l’habitude de se battre. Son sourire après toute cette action n’échappa pas à Avel.

    « Liesel ?
    — Oui je dois… juste reprendre des forces… »

    Les ailes disparurent et ils tombèrent tous les deux dans le creux d’un avion de papier apparu silencieusement. Il glissa sous le ciel couvert vers la terre cachée par le brouillard. Il suffisait de se diriger vers le sud-est afin de gagner le plus de marge en planant. Une fois en bas ils continueraient à pied, il fallait simplement espérer ne pas atterrir à Sin…

    Avel resta cramponné à l’arrière, mais Liesel se mit au bout de la flèche, les cheveux dans le vent, son manteau serré sur ses bras croisés. Son silence dura, puis il finit par le briser sans se retourner.


    « Une fois sur terre, je rentrerai chez moi.
    — Quoi ?! Mais comment je vais sauver Taewe ? »

    Liesel ferma les yeux, le front crispé.

    « C’est bien ce que je pensais… tu m’as menti… T’es venu me chercher pour te servir de moi.
    — Qu’est-ce que tu racontes ? »

    Tu n’étais pas venu me chercher pour moi, tu voulais juste te servir de moi comme une arme, tu te fichais de ce que j’ai ressenti en voyant un visage familier après des mois de solitude, après le deuil de toutes les choses que j’avais connues… Tous ces mots restèrent coincés dans la gorge de Liesel. S’énerver ou pleurer ne changerait rien. Au final, ils ne se connaissaient même pas. Sa dette était remboursée, il ‘avaient plus rien à faire ensemble.

    Avel était embarrassé. Cette impression d’être manipulateur dans la tour était au final légitime. Se servir de Liesel n’était pas son intention, il fallait qu’il lui dise…


    « Écoute, je t’ai aidé dans ta lutte contre Yggdrasil et-
    — Ma dette est payée.
    — Non ce n’est pas ce que je veux dire. Au cœur du temple de Taewe reposait un grimoire magique, une relique scellée pour que les combats entre les taeliens et leurs ennemis cessent. Puis un jour, sûrement quand tu as jeté ce livre similaire dans la lave, le sceau s’est brisé et la guerre ancestrale a repris.
    — C’est de ma faute…
    — Non, je ne t’en veux pas, tu as fait ça pour combattre le vrai problème. Nos ennemis ont fini par s’emparer du livre. L’assaut qu’ils ont ensuite lancé sur le village a fait de nombreuses victimes… En tant qu’héritier, j’ai brisé la loi en m’en allant pour trouver la source du problème, Yggdrasil.
    — Pourquoi tu me racontes tout ça ?
    — Parce que Bellum est venu mettre la pagaille avant que je parte, et que je suis parti trouver de l’aide. J’aurais pu embaucher n’importe qui, demander à Albdæ ou Helen des larmes d’Edda de m’aider, mais je voulais quelqu’un confiance. La culture taelienne est très réservée, je voulais quelqu’un qui selon moi méritait qu’on lui ouvre nos portes. Ce que je veux dire… c’est que tu n’es pas juste une arme ou un mercenaire à mes yeux. »

    La douleur au cœur de Liesel s’apaisa, comme caressée par une vague réconfortante, la voix douce du garçon derrière lui.

    « Je vois, finit-il par dire, mais ça ne change rien à ma décision de tenir Yggdrasil à l’écart de l’Histoire des Hommes. »

    Avel soupira. Il comprenait, quelque part. Sans Yggdrasil, beaucoup de choses terribles ne se seraient jamais produites. Mais c’était fini. Et si un peu de son pouvoir était entre les mains de Liesel, alors il n’en restait qu’un outil que Liesel pouvait utiliser pour tracer son propre chemin. Libre. Avel fit part de sa vision des choses et l’albinos réfléchit un moment.

    « Mais si je te suis à Taewe, ce sera à cause d’Yggdrasil à nouveau.
    — Et alors ? »

    Liesel fut presque vexé. Avait-il écouté un traitre mot de ce qu’il avait répété jusqu’à maintenant ?

    « Quand j’ai quitté mon village, c’était en effet à cause de tout ça. Mais j’avais une multitude d’autres choix. Laisser mon père déclarer une guerre, par exemple, et combattre aux côtés des chasseurs. Malgré l’influence, j’étais libre. Et tu l’es aussi maintenant, dès l’instant où tu as jeté ce livre dans la lave.
    — Mais si… Si je fais n’importe quoi et que j’échoue, que des gens meurent à cause de ce pouvoir…
    — Il vient pourtant de nous sauver la vie. Et puis, tu l’as utilisé spontanément. Je t’ai vu sourire, tu sais. Au fond, ça te manque… »

    La véracité de ce propos était presque dérangeante et Liesel fit non de la tête, peu convaincu.

    « On a qu’à se battre ensemble ! Comme ça on portera tous les deux la responsabilité de nos actions. »

    Cette fougue pour changer les choses… Liesel eut l’impression de se revoir plusieurs mois auparavant, couché sur son lit à Aeternitas, à jurer dans le vide qu’il créerait un monde meilleur. Maintenant qu’il en avait les moyens, qu’était devenue cette volonté ? Peut-être… Qu’il fallait en effet suivre Avel. Il avait l’air timide et naïf, mais il était en fait si sûr de lui… Et puis pourquoi Liesel avait tant de mal à lui tenir tête ? Etait-ce à cause de cette dette qui ne valait désormais plus rien, ou le sourire qu’ils finirent par s’échanger sur cet avion ?

    Il avait réussi à le convaincre, pensa Avel. Il s’étonna cependant de s’en réjouir autant. Après tout ce temps hors de Taewe, retourner là-bas serait bizarre et sûrement peu accueillant, mais l’idée de montrer à Liesel un endroit comme il n’avait sûrement jamais imaginé l’enthousiasmait beaucoup.

    Enca était sûrement encore loin, mais la paire était assez haute dans le ciel pour planer encore un bon moment.



    Fiche de RP (c) Miss Yellow

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