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    [Entraînement 14] Cœur éphémère (III) par Nina Andersen Mer 30 Aoû 2017, 12:53
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes







    ENTRAÎNEMENT 14 ♦ CŒUR ÉPHÉMÈRE (III)


     Réveil difficile.


    Il était déjà tard le lendemain matin lorsque Nina émergea d’un sommeil sans rêve, bien trop court par ailleurs. Sa tête lui faisait mal mais le pire restait sa bouche, plus sèche encore qu’un désert. Les souvenirs, à vrai dire, mirent plusieurs minutes à lui revenir et encore ne se rappelait-elle pas de tout. Par exemple, le fait qu’elle se fût endormie au côté de Zélos lui avait échappé, ainsi ne s’étonna-t-elle pas de son absence dans la chambre la première fois qu’elle ouvrit les yeux ! Et puis, cette chambre... N’étaient-ils pas à Desierto, la veille ? Tout cela n’avait peut-être pas eu lieu...

    Oh, et puis zut. Elle cessa de se retourner le cerveau avec de pareilles questions et préféra maugréer. Pourvu que son honneur n’eût pas été trop entaché...

    Si elle avait su.

    Zélos sortit finalement de la salle de bain, parfaitement remis, physiquement en tout cas, de sa surexposition à l’éthanol – lui-même n’ayant pas compris comment il s’était retrouvé dans un état pareil. Il trouva son amie péniblement assise sur le bord de son lit, fixant le sol.

    « Bonjour ! Pas trop mal, Nina ?
    — Un peu quand même... Raaah... Le service de chambre a-t-il emmené quelque chose ou il est trop tôt ?
    — Trop tôt, tu plaisantes. Il est déjà près de midi. Mais oui, je t’ai gardé un peu de brioche. »

    Effectivement, sur la table de nuit, la serviette repliée sur elle-même contenait une tranche épaisse de brioche dorée. Comme il était hors de question qu’elle avale cela sans rien pour se désaltérer, Zélos lui apporta un grand verre d’eau. Nina hésita.

    « Qu’est-ce que c’est, ça, encore ?
    — ... Un verre d’eau ?
    — Je parle de ton comportement, andouille, ronchonna la jeune femme en acceptant le verre tendu. Tu es bien avenant.
    — T’es sur tes gardes ou quoi ?
    — Non. »

    Un couple d’heures plus tard, la magicienne s’était pleinement remise, même si de temps à autres un tiraillement lui chatouillait le front. Nouveaux habits revêtus, après une douche délassante, et le duo put retourner à la crèche pour familiers où ils avaient laissé Igni afin de le récupérer.

    Le petit être sembla si heureux de revoir sa maîtresse qu’il en tomba de son pot ! Il n’arrêtait pas de piailler et de se tortiller entre les bras de Nina en se blottissant contre sa poitrine ou ses joues. L’éducatrice leur apprit qu’elle avait rarement eu affaire à un familier pareil : extrêmement timide au tout début, il avait fait montre de beaucoup de vigueur au point d’en faire parfois des bêtises. Par exemple, en voulant montrer à ses nouveaux amis sa capacité à s’enflammer, il avait mis le feu aux plumes d’un corbeau géant en pleine sieste.

    Mis à part ce petit aléa, Igni avait été très sage, ce qui lui valut une récompense de la part de l’éducatrice : une balle en caoutchouc.

    « Son jeu préféré consistait à grimper sur la balle et se laisser tomber en avant ! »

    Tellement adorable.

    Mais il était temps de retrouver la Tempête éternelle. Nina régla la somme demandée pour la garde d’Igni, rangea sa balle dans sa dimension de stockage et le groupe put s’éloigner dans une ruelle pour ne pas attirer l’attention. L’ultime téléportation. Et la Tempête se trouvait devant eux. Alors ils ne perdirent pas de temps : ils passèrent au travers, sans la moindre douleur.

    * * *

     Tempête.


    Au-dessus d’eux, et loin devant, se tenait une plateforme circulaire d’un vert d’émeraude. Tout autour s’y assortissait, de la couleur la plus intense au plus doux des verts de jade. Et au-dessous, le vide, dans lequel semblait s’implanter la structure en stalactites semblables à de longes racines, drues et droites. Le seul moyen d’atteindre la plateforme lointaine, au cœur de laquelle luisait un cristal flavescent, était d’emprunter le chemin en colimaçon hasardeux et sans escaliers qui se présentait.

     Ylgr.


    « Tu es prête ? demanda Zélos à Nina, la voyant regarder au loin sans réagir.
    — Et toi ?
    — C’est impoli, rit-il. Je le suis.
    — Alors je le suis aussi. Ne perdons pas de temps. »

    Zélos soupira et acquiesça. Leur marche débuta vers les hauteurs virides, ne s’arrêtant que lorsque leurs pieds manquaient de glisser sur la pente un peu trop raide. Le vent n’aidait pas. Comment se tromper sur la nature du pouvoir de l’Élivágar qui les attendait ?

    En revanche, ils ne savaient pas à quoi s’attendre le temps de leur traversée. Jusqu’à présent, aucun monstre, aucune voix, pour ainsi dire rien d’autre que la brise ne les avait accueillis. Igni, dont la flamme dansait, incontrôlable, ne semblait pas aimer cet endroit.

    Nina ressassait les quelques souvenirs de la réception qui lui étaient parvenus. Elle avait demandé à Zélos ce qu’il comptait faire, après le Hvergelmir, après son vœu, qu’elle ne connaissait toujours pas d’ailleurs. Elle hésitait encore à lui poser la question. Et elle-même, que ferait-elle ? Qu’avait-elle apporté à cette aventure, si ce n’était son collier ? Non, plutôt, elle se demandait ce que sa présence avait apporté. À Zélos. Et ce que son absence à elle changerait dans sa vie à lui.

    Lui ne souriait guère. La rougeur de ses cheveux détonnait avec le vert de l’environnement aérien qu’ils parcouraient. La rigueur de ses traits dissonait avec la douceur des alizées qui les caressaient. Qu’il semblait déterminé...

    Au sommet, arrivés à la plateforme, le cristal jaune, formé comme s’il avait été arraché à une mine enchantée, flottait sur place. Nina décida de rompre le silence qui avait siégé entre eux depuis leur dernier échange. Trop pesant pour elle qui commençait à devenir anxieuse.

    « Et maintenant ?
    — Je ne sais pas, tout ça m’a semblé trop facile... En tout cas, il n’y a que ce cristal qui soit capable de nous donner une réponse, pour le moment. »

    Sans conviction, les doigts de Zélos s’avancèrent vers le minéral, tentant de le caresser mais...

    « Ouch ! »

    Ils s’y brûlèrent.

    Igni piailla, il semblait rire. Cela ne plut pas au magicien qui le fusilla du regard, mais la petite créature avait déjà disparu, occupée à voleter autour du cristal. Puis, après avoir suffisamment tourné, elle s’y posa, s’y blottit, et son feu l’engloba, l’enlaça, puis tout entier il l’embrasa.

    Tout alentour fut baigné de lumière ; les stalactites, Nina, Zélos, le vide, et quand tout s’éteignit, Igni réapparut en même temps qu’une traînée de lumière.

    Le pont nouveau surprit les deux mages qui remarquèrent alors, à l’horizon, une scène, ou une estrade, et dessus, quelqu’un. Une femme dont la voix, portée par le vent, leur parvint, douce, voilée.

    « Bienvenue ! Je m’appelle Olga, Olga de l’Ylgr. Avancez-vous, mes enfants ! »

    Sans relever l’appellation, Nina et Zélos se regardèrent dans les yeux et opinèrent. Igni les rejoignit, posé sur l’épaule de sa maîtresse, retrouvant tristement sa peur de cet endroit. Nina le remarqua et pencha sa tête sur le petit être pour lui offrir un contact rassurant.

    La voie n’inspirait pas confiance, à première vue. Marcher sur la lumière était tellement contre-nature... La magie pouvait faire tant de choses ! Et la magie, justement, ici, se ressentait partout. De plus en plus, même. La vue vertigineuse sur les volutes céladon emportait parfois l’esprit de Zélos, pourtant... Cela ne l’empêchait pas de marcher droit.

    Et puis la tempête se leva.

    De puissantes bourrasques firent voler les cheveux longs des magiciens, emmêlant leurs mèches, des lames d’air fusèrent autour d’eux, Igni manqua de tomber. C’était donc leur épreuve ! Parant leurs jambes de magie, leurs pas tonnaient en éclairs sur la paroi de lumière. Un craquement, un deuxième, le bruit de verre qui se brise accueillit la suite de leur parcours.

    « Puiii ! » avertit Igni.

    Pas besoin d’être plus futé que la normale pour comprendre que tout s’effondrait ! Les mages bandèrent leurs muscles et commencèrent à courir, du mieux qu’ils le pouvaient à vent contraire ; ils poussaient sur leurs jambes, évitant les lames magiques qui avaient déjà coupé une mèche de cheveux de Nina.

    Mais Zélos prenait de l’avance sur elle... Un corps plus développé comme le sien, doté d’une magie comme la sienne, en tous points supérieur à la puissance artificielle de celui de Nina... Alors il s’arrêta, regarda la jeune femme, lui présentant son dos.

    « Voulez-vous grimper, ma Dame ? scanda Zélos avec un sourire en coin.
    — Mais tu es malade ! Tu seras ralenti ! »

    Il était vrai que l’effondrement du sol ne s’adapterait pas à leur vitesse...

    « C’est le moins que je puisse faire. Allez, grimpe, ne me pousse pas à t’implorer ! »

    Balayant ses hésitations car sa vie valait bien plus, Nina passa ses jambes autour du dos du mage et entoura son cou de ses bras, plus fermement encore quand Zélos reprit sa marche. Igni, toujours sur l’épaule de la jeune femme, piaillait aussi fort qu’il le pouvait pour encourager le rougeoyant.

    Sans demander concertation, Nina appuya le contact qu’elle nouait avec Zélos et commença à lui transférer une partie de ses propres æthernanos, progressivement, à chaque pas pour qu’il puisse les soutenir.

    « Si tu pensais que je te laisserais faire de moi un boulet, tu t’es fourré le doigt dans l’œil, Wilder ! »

    Zélos foulait le sol de ses pieds et la silhouette féminine de ses yeux. Celle-ci, de plus en plus grande, de plus en plus nette, laissait apparaître un ample habit rouge et blanc, comme un hakama. Le vent qu’elle déployait faisait tinter de larges clochettes à sa ceinture et plus le son se faisait net, au point de couvrir celui de verre brisé, plus le groupe d’aventuriers s’approchait de son but.

    Ses cheveux vert d’eau, attachés d’un long ruban rouge, tintaient eux aussi. La femme était immense, elle mesurait deux mètres, enfin, au moins. Toisant les magiciens d’un regard sans pupille, elle attendait.

     Olga, de l’Ylgr.


    Il ne restait que quelques mètres, l’ultime distance, et la détermination emplissait Zélos au point qu’il ne se rendît pas compte de ce qui fusait désormais vers eux. Un rapace aux plumes beiges, tête blanche comme un aigle, mais un aigle géant, ailes déployées ! Nina cria l’alerte mais trop tard, Zélos se figea. Et l’aigle glatit si fort que le vide céleste du donjon en trembla.

    Et tout cessa.

    « Bienvenue, mes enfants ! Quel plaisir de vous voir enfin de si près... Depuis que j’entends parler de vous, huhu !
    — Allons-nous nous battre contre vous, commença Nina en descendant de son perchoir, ou bien nous soumettrez-vous une épreuve psychologique comme votre homologue de la terre ?
    — Eh bien, je déteste me battre, mais... Je ne suis malheureusement pas aussi douée que ce cher Savel pour les énigmes, huhuhu ! Asgard m’a dotée de la force alors je m’en servirai. Puis-je vous demander de faire le premier pas ?
    — Il s’appelait donc bien Asgard... » murmura la brunette.

     Tempête.


    Nina allait répondre à la demande de l’Élivágar quand Zélos fusa vers l’immense femme, dispensant une aura flavescente et son poing brandi !

    « Zélos ! »

    Mais il était trop tard, l’homme fusait. Nina posa Igni qui se cacha dans sa jarre, elle fusa à son tour parant ses mains d’électricité qui, ici, lui serait probablement utile. Des sphères d’Akvarel l’entourèrent également tandis qu’elle s’armait de dagues.

    Zélos avait déjà frappé mais sa victime fut le vent, un mur d’air dressé par Olga pour barrer la route de son poing. Mais l’œil que lui jeta Nina transmit l’apparence d’un homme que rien n’arrêterait. Était-il si pressé de formuler son vœu ?

    « Limbes ! » clama Olga, et son oiseau se plaça devant elle.

    Ses ailes se décuplèrent et une tornade plus rapide encore que la Tempête éternelle se dressa devant Zélos, l’emportant dans les cieux infinis du Hvergelmir. Nina lança son bras vers lui et capta la dague qu’il portait à sa ceinture, encore enfouie dans son fourreau, et l’attira, le forçant à retrouver le sol qui, contrairement au vide, ne lui offrirait pas la mort.

    S’il formula un remerciement, Nina ne pouvait l’affirmer ; la puissance des vents empêchait d’entendre quoi que ce soit. À première vue, Olga était une statique. Les mouvements de l’air valaient néanmoins les siens, empêchant les poings et les pieds de Zélos de l’atteindre.

    Nina, alors, tenta de pourfendre ses défenses de dagues et d’épées mais les lames se bloquèrent dans la tornade. Elle ne pouvait approcher... Un Rafeind commença alors à se former au-dessus de l’Élivágar tandis que Zélos bandait sa main, ses doigts serrés s’ornant d’une boule d’énergie et, derrière le corps d’Olga, de nouvelles lames aux champs magnétiques intensément puissants prenaient position.

    Le Rafeind frappa, c’était lui contre la tornade ; laquelle n’avait jusqu’à lors rien laissé passer. Olga fronça les sourcils et son rapace déploya ses ailes dans un glatissement strident, vola en piqué, s’unit avec la sphère d’électricité, qui crépita, l’oiseau hurla, tomba au sol et s’évapora.

    Sans attendre un nouveau mouvement de la part de la Gardienne, Nina attira ses dagues contre elle, dans une vaine tentative de l’embrocher. Olga, le ciel laissé à sa convoitise, bondit. Retomba agilement sur ses pieds. Devant la jeune femme qu’elle balaya d’un revers de la manche, droit sur Zélos venant de frapper le vide.

    La tornade, elle, cessa ; Nina, par contre, se releva, s’excusa auprès de Zélos qui n’en tint pas rigueur et provoqua un cercle lumineux au sol, sous les talons d’Olga, qui fut surprise de s’affaisser, perdre sa hauteur, pour faire face à la gravité.

    Néanmoins...

    D’un geste de la main, l’Élivágar appela son aigle. Il parut, glatit, fusa, perça, enfin, manqua de percer le corps de Zélos.

    Nina s’était interposée et, devant elle, un mur de dagues. Mais ce mur la frappa, poussé par une lame d’air ; le vent défragmenta la paroi, fit voler les lames autour de Nina qui n’arrivait plus à les contrôler. L’aigle se reforma, passa la barrière, deux fois, hurla sur Zélos qui tenta de le frapper mais il se déroba. L’oiseau passa entre ses jambes, tourna tout autour de lui, enserra son mollet et... Le projeta hors de l’estrade émeraude.

    « ZÉLOS ! »

    Le vent cessa. L’aigle périt. Les dagues tombèrent et la seule restée debout fut celle plantée dans le rebord de la plateforme, entourée d’une poigne ferme et salvatrice. Le rire d’Olga retentit.

    « Huhu ! Je vais arrêter de vous malmener, mes enfants, vous en avez bien assez subi... Ærys, mon petit, veux-tu bien aider le jeune homme à remonter ? »

     Brise.


    La femme aux longs cheveux ordonna à son aigle de s’envoler dans le ciel de jade alors que Zélos remontait, essoufflé et en sueur à cause des efforts précédents. Nina retourna à ses côtés et lui proposa de le soutenir, comme il tremblait, mais il refusa poliment. Décidément, les rôles s’inversaient... Et cela déplaisait à la demoiselle.

    « Je vous félicite d’avoir tenu bon, Nina, Zélos.
    — Alors comme ça vous connaissez nos noms aussi, sourit ce dernier.
    — Bien sûr ! Même les Élivágars que vous n’avez jamais rencontrés vous connaissent.
    — À vrai dire, avoua Nina, je pensais que nous peinerions plus que cela à arriver au bout... Nous n’avons qu’à peine été blessés par le combat que vous n’avez, permettez, pas pris au sérieux. Vous êtes-vous pris d’affection pour Zélos ?
    — Hm ? Oh, oui ! On peut dire cela... Pour tout vous avouer, ce n’est pas de mon ressort ni même de celui de mes confrères, cela vient d’en haut. Nous devions vous laissez atteindre le Cœur le plus vite po-... Oui, quelque chose comme ça. Plutôt, tenez, mes enfants : le sceau du vent ! »

    Nina leva un sourcil. Pourquoi être si pressés ? Et qui pouvait bien donner des ordres aux Élivágars... ? Cela intriguait la jeune femme mais pas son compagnon, qui accepta la sphère verte avec le sourire.

    Olga les invita à la suivre sur un nouveau chemin de lumière, derrière l’estrade.

    « Je vais ouvrir la voie au Cœur du Hvergelmir, mes enfants. Donnez-moi le collier, je vous prie... »

    Avec regret, hésitation, même, Nina décrocha le large pendentif de son cou et le tendit à la Gardienne. Ensuite, Zélos dut remettre les huit sceaux : eau, air, feu, terre, glace, foudre, lumière et ténèbres.

     Les huit sceaux.


    Olga écarta les bras et commença à incanter une psalmodie en langue inconnue. Nina trouva néanmoins qu’elle ressemblait beaucoup à la langue des Anges parfois parlée par Mugetsu... Mais elle se garda d’en faire la remarque.

    Les huit sceaux de cristal bougèrent seuls, se mouvant en cercle au bout du chemin de lumière, gravitant tout autour du collier. Ils tournaient de plus en plus vite sous l’œil subjugué des magiciens et d’Igni qui, bien que natif de cette étrange dimension, n’avait jamais eu le loisir d’assister à l’ouverture du Cœur. Une salve éblouissante caressa les rétines de chacun sans pour autant les incommoder et, après cela, un long couloir apparut.

    Bleu nuit, il semblait ne mener à rien, pourtant Olga leur garantit qu’il ne faisait que quelques centaines de mètres.

    L’Élivagár salua les magiciens de la main, leur laissant ouvertement entendre qu’ils se reverraient dans quelques instants.

    Alors ils passèrent le portail.

    * * *

    Igni, maintenant que le vent s’était tu, suivait Nina et Zélos sous sa forme flambante. Il ne poussait aucun cri, au contraire même paraissait-il triste.

    « Nous y sommes presque... commenta Nina pour rompre le silence. Comment te sens-tu ?
    — Oui. Je suis un peu stressé mais je sais que ce qui m’attend en vaut la peine. »

    Plus que rester à ses côtés et assumer son rôle d’ami, pensa Nina... En elle, quelque chose bouillonnait, la chamboulait, elle ne savait plus bien penser. Et ne plus savoir effectuer un geste basique était quelque chose qu’elle détestait. Ne pas avoir le contrôle, en somme. Pour palier cela, elle empoigna la main de Zélos et serra ses doigts dans les siens de toutes ses forces.

    « Silence, Wilder. »

    Il recracha l’air que la surprise lui avait fait inspirer et se contenta de sourire doucement, puis il pouffa et, finalement, éclata d’un rire franc et nasal.

    « Hahaha ! Nina, pourquoi es-tu Nina ?
    — Tu te prends pour Juliette ? rouspéta-t-elle. La Juliette des temps modernes, alors. Celle qui ne vit pas d’amour pur et d’eau fraîche. Dépravé.
    — Tu m’insultes toujours... Mais là, étrangement, ça me ferait presque plaisir !
    — ... Oh, eh bien toi non plus, comme ta sœur, tu n’es pas fini... »

    Alors qu’ils se tenaient juste au-dessous d’une immense porte bleue, le mutisme les ayant somme toute accompagnés, la jeune femme cessa brusquement de marcher, surprenant Zélos qui, au contraire, accélérait.

    « Qu’y a-t-il ?
    — Quel est ton vœu ? »

    Le mage la regarda dans les yeux quelques secondes, sans le moindre sourire.

    « Mon vœu ? »

    Doucement, il s’approcha d’elle. Jusqu’à n’être qu’à quelques centimètres. Ils se tenaient toujours la main.

    « Tu veux vraiment le savoir ? souffla-t-il en fixant ses iris azurés, comme les siens.
    — Oui. »

    Lentement, il leva sa main libre, la mena jusqu’au visage de la jeune femme imperturbable... a priori. Il la posa sur sa joue et recommença à s’approcher. Petit à petit, Nina sentit son souffle sur sa peau, ainsi que l’odeur qu’elle avait appris à connaître. Les lèvres de Zélos s’entrouvrirent en se rapprochant de celles de la jeune femme, dont le cœur frappait la poitrine, lent, régulier...

     Silence.


    ... Mais elles ne les touchèrent jamais. Le visage de Zélos se nicha vers l’oreille de la magicienne. Il délaça ses doigts de ceux de Nina et posa sa main au-dessus de sa poitrine. Il sentait son cœur comme si c’était le sien... Il susurra.

    « Je veux mourir. »

    Dans un vacarme, la porte bleue s’ouvrit, frappa les murs. Dans ce même son, Nina fut projetée au sol par la main de Zélos.

     Cœur du Hvergelmir.


    L’homme courut alors, loin dans la salle qui se dévoilait. Bleue, pavée de bleue, ornée de bleu, de toutes teintes. Au centre, un livre immense, aussi grand qu’une maison et, trônant au sommet d’un pilier de magie, volutes azurées, une boule, de cristal peut-être, ouverte en deux.

    Sous le choc, Nina ne le suivit pas. Puis elle se rendit compte de la portée des derniers mots qu’elle avait entendus. Elle se leva et courut.

    « Zélos, attends !! »

    Mais il l’ignora. Tous les Élivágar se trouvaient là, dans les airs, au côté du Livre ; elle y reconnut Gunther, Savel, Olga, mais ne les salua pas. Eux préférèrent lui barrer la route. Des armes de glace et de lumière, de cristal et de ténèbres, créèrent un mur infranchissable. Zélos était de l’autre côté ; Nina était trahie.

    « WILDER !
    — Je suis désolé, Nina, mais si je n’avais pas fait ça, tu m’aurais empêché de formuler mon vœu. Ce n’est pas ce que je veux.
    — Tu te rends compte de ce que tu dis ?! Mourir ?!
    — Je m’en rends bien compte, ANDERSEN ! hurla l’homme. Je m’en rends compte et c’est ce que je veux depuis plus longtemps que tu ne le crois ! Qu’est-ce que tu t’imagines ? Que tout le monde est fort ? Que le cœur se guérit aussi facilement qu’une mauvaise grippe ? Tu parles...
    — Mais je...
    — Au début, j’y ai cru. J’ai pensé que peut-être, tu parviendrais à me faire oublier toute cette haine que je me voue mais... Il faut croire que même toi, tu as échoué. »

    Nina avait la gorge serrée. Que pouvait-elle répondre ? Qu’entendrait-il de tout ce qu’elle avait à dire et... elle-même le savait-elle ? Quelle horreur... Si impuissante... Si inutile... Petite chose...

    « Arrête ça, je t’en prie ! Zélos, écoute !
    — Tu n’as rien à me dire. Ou vas-tu m’insulter encore ?
    — Mais non, id... Non ! »

    Il soupira.

    « Je sais que le Hvergelmir peut exaucer mon vœu. C’est pourquoi j’ai fait tout ça. Considère que je t’ai utilisée et la pilule passera mieux, non ? Adieu, Nina. »

    Les Élivágars ne disaient rien. Beaucoup gardaient le silence et les yeux clos. Certains faisaient face à la scène avec tristesse, sans pourtant déroger à la loi qui les liait à leur Cœur. Ils ne pouvaient lui désobéir. Ils ne pouvaient aller à l’encontre de la volonté de deux êtres : leur Cœur et leur Créateur. Le second était mort il y a bien longtemps. Ce fut une voix grave qui accueillit les pleurs de Nina.

    « Toi qui est parvenu jusqu’ici, toi, Zélos Wilder. Je suis le Cœur du Hvergelmir. Je peux exaucer n’importe lequel de tes vœux. Auras-tu le courage de formuler le tien ? En échange, sache une chose : tu devras payer le prix de ta vie.
    — C’est bien ce que j’avais en tête, de toute manière.
    — Bien.
    — NON !
    — SILENCE ! »

    La voix avait tonné et, comme un éclair, transpercé le corps de Nina. Paralysée, la jeune femme n’avait plus qu’à laisser couler ses larmes et écouter ses propres sanglots. Ce serait peut-être plus doux que les mots que s’échangeaient Zélos et le Cœur. Impotente...

    « Au fil des siècles, depuis la mort d’Asgard, notre Créateur, je dirige l’ordre des choses en ces lieux. Une humaine faible et misérable n’a pas à me dicter le moindre de mes actes.
    » Notre Créateur était bon. Notre Créateur était aimé de tous. Mais notre Créateur n’est plus. Depuis lors, et malgré cela, les Hommes à la recherche du Hvergelmir se sont succédé, dans l’espoir de voir leur vœu exaucé, bien souvent égoïste, comme le cœur des Hommes. Ils venaient ternir la création d’Asgard... Je ne pouvais le tolérer.
    » Zélos Wilder, tu es le dernier de ces Hommes. Celui qui me permettra de faire renaître Asgard en moi, de lui donner vie en mon corps. Tu es la dernière pierre de cet édifice. Et lorsque tu auras clamé ton vœu... ton corps et ton esprit m’appartiendront. Ta magie, ton essence, ton Éther, serviront à la formulation de mon propre souhait. Peu t’importe, de toute manière ! Tu veux mourir.
    — Vous avez raison.
    — Non, Zélos... Zélos... » sanglota Nina qui ne savait plus rien prononcer d’autre.

    Le tant appelé Zélos ignora les complaintes et s’avança encore un peu plus. Ses pas tonnèrent contre le sol céruléen.

    « Formule ton vœu, Zélos Wilder ! clama la voix du Cœur.
    — Je souhaite... Je veux, l’espace d’une minute, que toutes les personnes que je connais, qui m’ont rencontré, ou juste vu passer... (Son sourire se crispa.) Je désire qu’ils me contemplent. Je désire qu’ils se mettent à pleurer ma mort, avant même qu’elle n’ait eu lieu. (Son regard devint comme fou.) Faites qu’ils m’aiment, non, m’adorent ! Faites qu’ils m’aiment comme personne ne m’a jamais aimé ! PENDANT UNE MINUTE, UNE SEULE MINUTE, FAITES DE MOI UN NOUVEL ASGARD ! »

    Depuis l’immense livre dont les pages se mirent à tourner, à voler dans tous les sens, de l’énergie fusait vers le Cœur, l’immense sphère qui toisait toute chose en cette pièce. Et qui contenait la vie de tous ceux assez fous pour l’avoir donnée ici.

     Cœur éphémère.


    « Ton souhait est entendu. »

    Zélos fut transpercé d’une lumière turquoise, au niveau de la lacryma rouge qu’il avait toujours portée sur la poitrine sans que Nina n’en ait jamais su, là non plus, la provenance.

    De longues volutes de lumière ondulaient dans le dos du mage, ses longs cheveux rubis fouettaient l’air et son visage, son visage devenu complètement illisible. Des larmes d’extase quittèrent ses yeux mais au lieu de frapper ses joues, elles s’envolèrent, comme tout le reste. Comme le cœur de Nina s’envolait en morceaux.

    Mes derniers mots seront pour toi:

    « Merci, Nina. Merci d’avoir essayé. »

    L’intensité du rayon fut décuplée, la minute était écoulée, déjà écoulée.

    Derrière sa barrière, Nina tremblait, sanglotait. Pourquoi ressentait-elle une telle douleur ? Pourquoi cela faisait-il si mal ?

    Quand elle assimila enfin les mots qu’il lui avait destinés, elle fut submergée. Son dégagement æthernanique devint fou, ses cheveux suivirent le mouvement tempétueux de ceux de Zélos et une aura azurine l’enveloppa.

    D’abord lentement, elle se leva... Puis plus vite, plus vite encore. Elle laissa exploser sa magie, les armes furent détruites, et, sous le choc, les Élivágars ne bougèrent pas. Nina courut, elle courut plus vite qu’elle n’avait jamais couru, tandis que la peau de Zélos commençait à laisser entrevoir le bleu des environs. Il disparaissait.

    « NINA, NON !
    — Misérable humaine ! Je te défends d’interférer ! TU N’AS PAS LE DROIT !
    — PUIII ! » hurla Igni, au loin, comprenant ce que sa maîtresse allait désespérément faire.

    Elle se tenait devant Zélos.

    Le rituel n’était plus, Nina l’avait empêché, mais ô combien elle souffrait. Le rayon l’emplissait d’une intense quantité d’énergie.

    « MAIS MOI, J’EXIGE DE SAUVER ZÉLOS ! »

    Les murs s’entrechoquèrent, le Cœur était tombé, le Cœur avait perdu toute son énergie. Il ne la retrouverait jamais. Il mugit. Il mourut. Le Hvergelmir s’effondrait.

    Igni vola à toute vitesse vers Nina qui ne voyait plus rien. Il piailla, il piailla, mais malgré ses yeux ouverts, malgré ses oreilles, elle ne pouvait rien voir, ni entendre. Elle ne semblait plus... Elle ne semblait plus être elle.

    Igni implora. Les Élivágars répondirent. Leur repentance fut leur dernier acte... Ils les firent sortir de cet endroit en ruines.

    * * *

     Unique.


    Asgard était un homme bon. La définition même d’un Ange, créature irréprochable en théorie mais bien rarement en pratique. Lui, en revanche, aurait pu être le meilleur d’entre tous... S’il n’avait pas été aussi féru des humains.

    Les millénaires ont fait évoluer les mentalités, mais auparavant, les Anges voyaient d’un bien mauvais œil les engeances impures de leur Créateur. Il était mal vu de s’y intéresser. Pis. S’y mêler, passible d’exil.

    C’est cela que subit Asgard, sans tenter de se révolter.

    Sur Terre, dans le monde des Hommes, il trouva sa place au fil des années. Il contempla ces créatures pourtant haïes. Qu’il aurait aimé... Oui, il aurait tant aimé rejoindre le Ciel pour décrire aux Anges la réalité de ces humains !

    Capables de tout. Du pire comme du meilleur. La même personne pouvait être louable de toute vertu et commettre, le lendemain, le pire des vices, pourtant... Jamais un seul individu n’attisait pas la curiosité de l’Ange. Chaque être qu’il rencontrait lui donnait le sourire à sa manière. Même les pires individus le fascinaient. Comme un enfant étudiant les insectes dans son jardin.

    Mais il fallait être honnête. Bien que le Mal se trouvât en chacun, il n’était pas Bon de ne point agir. Asgard bâtit une maison au cœur d’une montagne de la terre des Hommes. Les années passèrent et la maison devint un hameau, le hameau un village et le village une ville. Il la nomma Idavoll. Ce n’est qu’à sa mort qu’elle devint Asgard.

    Il fit pousser un arbre, qu’il appela Yggdrasil. Lui voulait que cet arbre vive avec les Hommes pour retracer leur histoire ainsi, si un Ange de chez lui se rendait finalement sur Terre, il connaîtrait les humains. C’était pour lui le premier pas d’une ère d’acceptation.

    Finalement, peu avant la fin de sa vie, il déploya ses pouvoirs à la création d’un havre. Dans une autre dimension, disséminée aux quatre coins du monde, il dessina neuf sanctuaires. L’eau, l’air, le feu, la terre, la glace, la foudre, la lumière, les ténèbres, puis le Cœur. Car le cœur des Hommes était aussi varié que les éléments qui composaient le monde. Chaque fois qu’un humain vaincrait les huit épreuves, il aurait le droit de formuler un vœu. Le Cœur du Hvergelmir, à l’époque, n’avait que la capacité de répondre aux Bons souhaits.

    Mais à la mort d’Asgard, le Cœur du Hvergelmir sombra. Au fil des siècles, il devint plus égoïste, jusqu’à désirer prendre la place d’Asgard. Pour cela, il avait besoin de puissance. D’abord, il eut le pouvoir de resusciter... Puis celui de satisfaire les Mauvais vœux, les vœux égoïstes. Les Hommes se succédaient et sa puissance augmentait.

    C’est en ce jour qu’elle fut brisée.

    Nina rouvrit les yeux. La lumière l’éblouit... Mais le paysage, aussi. Rien à l’horizon sinon un lac, bien plus loin. Et des grottes. Le sol sablonneux... Elle le quitta. Où était-elle ? Et Zélos... Igni, aussi, n’était pas à ses côtés.

    « Puiiii... »

    Elle sursauta. Ce bruit ne venait pas de bien loin ! Sitôt levée qu’elle manqua de retomber. Quel vertige... Observant par la gauche, par la droite, rien à faire, elle ne reconnut pas l’endroit où elle se trouvait. Par contre, la petite jarre tremblotante, fichée derrière des rochers couverts de lianes et de lichen, lui était familière.

    « Igni ! »

    La jeune femme courut vers lui pour le ramasser et l’enlacer si fort qu’il manqua d’exploser. Le petit être sembla ne pas vouloir se laisser faire...

    « Puii... Pui ?
    — Igni... Sais-tu où nous sommes ? »

    Il nia mais se radoucit.

    « Et sais-tu où... Où est Zélos ? Je ne le vois pas... Nous étions dans le Hvergelmir, il allait... Quand j’ai... »

    Un horrible sentiment vint lui nouer le ventre.

    « Ma voix est un peu rauque... Le rayon a dû m’ôter mes forces... Viens, Igni, allons vers ce point d’eau. »

    Peut-être qu’en une trentaine de minutes, elle arriverait au lac ? Le temps qu’elle passerait à marcher lui consentirait peut-être de rencontrer Zélos.

    Malheureusement... Non.

    La jeune femme se pencha et but, sans crainte de la pureté de l’eau. Elle but à grandes gorgées, mais sa voix n’était toujours pas celle qu’elle se connaissait.

    « Ce sont mes oreilles, peut-être...
    — Puiii...
    — Qu’y a-t-il ? Le lac ? (Elle y observa son reflet.) Qu’est-ce qu’il a, ce la... »

    Ses cheveux... avaient-ils jamais été de cette couleur ? Sa poitrine avait-elle jamais été si plate ? Ses épaules si larges ? Sa voix si grave ?

    Tout devint clair.

    « Igni... Tu veux dire que nous ne sommes... plus qu’un ? »

     Unique.


    by Nina

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    Re: [Entraînement 14] Cœur éphémère (III) par Nina Andersen Mar 26 Mar 2019, 21:38
    Nina Andersen
    Nina Andersen
    Briseuse de Mythes







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